Le sort incertain du licencié dans les procédures collectives
L’articulation entre les contrats de licence de droits de propriété intellectuelle et les exigences du droit des procédures collectives est un sujet délicat :
- d’un côté, les licences présentent souvent un fort intuitu personnae, ce qui peut rendre leur transmission difficile dans le cadre de procédures collectives ; et
- d’un autre côté, l’activité du licencié est, par définition, dépendante, au moins en partie, du maintien en vigueur de la licence.
Au regard de cet état de dépendance, le licencié doit s’interroger sur les moyens d’anticiper la défaillance du donneur de licence et même son éventuelle disparition.
Si l’activité du donneur de licence est reprise à l’issue de la procédure collective, la situation du licencié ne devrait pas être bouleversée in fine : il pourra continuer à  exploiter le brevet, la marque ou le logiciel ; seule l’identité du donneur de licence, destinataire des redevances, aura changé.
Cela étant, la situation peut être plus complexe en pratique : il n’est pas rare que le licencié ait besoin des compétences du donneur de licence pour exploiter la technologie en cause (notamment par le biais de services de maintenance). Dans cette hypothèse, comment le licencié peut-il se prémunir contre la défaillance du donneur de licence pendant la période antérieure à la reprise ?
En effet, s’agissant d’une licence de logiciel, l’exploitation risque de rapidement devenir impossible si le licencié n’a pas obtenu les codes source qui seuls permettent de faire évoluer le logiciel afin d’éviter qu’il ne devienne obsolète.
Une solution consiste à faire séquestrer une copie du code source chez un tiers tel que l’agence de protection des programmes. Cette solution implique de définir avec soin dans le contrat de licence :
- les événements qui permettent au licencié d’obtenir l’accès au code source. Il peut s’agir, par exemple, de la défaillance caractérisée du donneur de licence à ses obligations de maintenance, éventuellement couplée à l’absence de reprise des actifs dans le cadre d’une liquidation judiciaire du donneur de licence ;
- les droits d’exploitation conférés au licencié lorsqu’il accède au code source. Il est essentiel que le contrat prévoit que le licencié pourra utiliser le code de façon à exercer les droits qui lui ont été concédés par la licence. Ainsi, il doit avoir le droit de le modifier, ou de le faire modifier par un prestataire de son choix, et de l’exploiter.
Attention, il est important que cet accès au code source ne puisse pas être assimilé à une cession qui risquerait d’être remise en question par application du droit des procédures collectives ; et - l’obligation pour le donneur de licence de déposer régulièrement des mises à jour du code source.
Cette solution a le mérite de prévenir un autre risque : la liquidation du donneur de licence sans reprise des actifs.
En dehors du domaine des logiciels, cette solution peut aussi s’avérer pertinente mutatis mutandis pour les licences de savoir-faire.
En revanche, pour ce qui est des licences de brevets ou de marques, ce type de mécanisme n’a a priori pas d’intérêt.
Pour autant, le risque est réel pour le licencié. La disparition du donneur de licence peut entraîner la déchéance des titres concernés pour défaut de paiement des montants dus aux offices de propriété intellectuelle ; le licencié perdrait ainsi l’avantage concurrentiel dont il jouissait du fait de la licence.
Ainsi, en cas de liquidation du donneur de licence, la solution la plus évidente pour le licencié semble être de se porter acquéreur des droits de propriété intellectuelle en question à la barre du Tribunal.
Auteur