L’enjeu financier de la taxe de 3% dans les transactions immobilières
Si la taxe de 3% est rarement exigible en raison de nombreuses exonérations, elle représente pourtant un risque important dans les transactions immobilières.
La taxe annuelle de 3% prévue à l’article 990D du Code général des impôts est due sur la valeur vénale des immeubles français détenus par une entité juridique française ou étrangère, directement ou indirectement par l’intermédiaire d’une chaîne de participation.
Toutefois, de nombreuses exonérations sont applicables, notamment lorsque l’entité produit chaque année auprès de l’administration fiscale une déclaration mentionnant la situation, la consistance et la valeur de ses immeubles ainsi que l’identité de ses détenteurs ou lorsque cette entité prend l’engagement, dans les deux mois suivant l’acquisition directe ou indirecte de l’immeuble, de révéler ces informations à l’Administration, à première demande de cette dernière.
Lorsque la transaction porte sur les titres d’une société immobilière, un audit de la situation de cette dernière s’impose au regard de la taxe de 3%, mais également, dans l’hypothèse d’une chaîne de participation, des sociétés «au-dessus» et «en dessous» d’elle puisque celles-ci sont toutes solidairement responsables du paiement de la taxe en cas de redressement.
Si la taxe n’a pas été payée, il faudra s’assurer que ces sociétés remplissent bien les conditions d’exonération requises pour chacune des années non prescrites et, notamment lorsque c’est le cas, que les déclarations annuelles ont été correctement remplies ou que les réponses aux mises en oeuvre de l’engagement par l’Administration ont bien été transmises par les sociétés dans les délais requis.
Le respect de ces conditions est parfois difficile à apprécier en présence d’entités ou structures étrangères dont l’organisation rend complexe l’identification des détenteurs de droits (fondations étrangères ou détention via des contrats de nominee par exemple) ou lorsqu’il existe un risque de discussion sur la possibilité de justifier les informations déclarées (titres au porteur par exemple). Par ailleurs, toujours en présence d’une société étrangère, il faudra s’assurer que celle-ci est établie dans un Etat de l’Union européenne ou dans un Etat ayant conclu avec la France un traité contenant une clause d’assistance administrative ou une clause de non-discrimination, cette condition étant nécessaire pour prétendre à l’exonération de taxe de 3% liée à la déclaration annuelle ou à l’engagement de déclarer.
A cet égard, la situation de certains Etats et territoires non coopératifs (ETNC), qui ont conclu un accord d’échanges de renseignements avec la France mais qui ne l’appliquent pas correctement selon l’administration française, peut poser des difficultés.
Il s’agit d’un enjeu financier important pour l’acheteur puisque le non-respect de l’une de ces conditions entraîne l’exigibilité effective de la taxe, alors que le délai de prescription applicable sera le plus souvent de six ans, ce qui pourra représenter un coût allant jusqu’à 18% de la valeur de l’immeuble sous-jacent, hors pénalités et intérêts de retard. La doctrine administrative admet toutefois la possibilité d’une régularisation, soit par le dépôt spontané ou après mise en demeure des déclarations omises, soit par l’envoi tardif mais spontané de l’engagement de déclarer ces informations, à condition néanmoins qu’il s’agisse de la première infraction. Cette tolérance ne vaut donc que pour le premier manquement et ne s’applique pas en cas de déclaration ou de réponse à une mise en demeure incomplète ou contenant des informations erronées. L’acheteur des titres de la société immobilière devra donc, le cas échéant, se prémunir de ce risque fiscal par l’introduction de clauses de garantie de passif et/ou par la constitution d’un séquestre.
Auteurs
Julien Saïac, avocat associé, Fiscalité internationale
Frédéric Roux, avocat, Fiscalité internationale