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Les associés ont leur mot à dire en cas de fusion

Les associés ont leur mot à dire en cas de fusion

Tandis que la doctrine paraissait encore hésitante sur le sujet, la Cour de cassation (Cass. com., 6 octobre 2015, n°14-11.680) vient de fournir une précision attendue en matière d’approbation du projet de fusion : les associés peuvent apporter des modifications au projet arrêté par les dirigeants sociaux.


En l’espèce, l’assemblée générale d’une société anonyme avait approuvé un projet de fusion après l’avoir modifié. Les actionnaires majoritaires avaient, en effet, modifié les dispositions du projet relatives à la valorisation des apports, en retenant la valeur comptable de ceux-ci, ainsi que les dispositions relatives au calcul de la parité d’échange. Ce sont donc les modalités financières de la fusion qui avaient été changées par les associés. Cependant, plusieurs actionnaires minoritaire s’étaient opposés à ces modifications et ont assigné la société en annulation de cette délibération, souhaitant ainsi obtenir l’annulation de l’opération de fusion-absorption dans son ensemble. À titre principal, les demandeurs défendaient une appréciation restrictive des textes applicables en considérant que ces textes n’autorisaient l’assemblée générale qu’à approuver ou à désapprouver le projet de fusion dans son ensemble sans pouvoir y apporter des modifications précises. Cet argument a été rejeté par les juges du fond et le pourvoi qui a été formé par ces mêmes actionnaires a connu le même sort.

La décision de la Cour de cassation est formulée en des termes suffisamment généraux pour considérer que sa portée dépasse les seules sociétés anonymes : les «actionnaires des sociétés qui participent à l’opération de fusion peuvent, sans méconnaître les pouvoirs des organes sociaux ayant arrêté le projet de fusion, approuver la fusion après avoir modifié les conditions de l’opération, notamment pour tenir compte des observations du commissaire à la fusion».

La solution, cela est vrai, ne paraissait pas acquise. D’éminents auteurs s’y étaient opposés il y a encore quelques années au motif que le projet de fusion revêtait un caractère définitif et non pas seulement indicatif. Ils en déduisaient qu’il ne pouvait pas être révisé au moment de la réalisation de la fusion.

Par ailleurs, le principe de hiérarchie des organes sociaux pouvait, éventuellement, être invoqué à son encontre : un organe ne peut pas interférer sur les prérogatives d’un autre organe. La rédaction du projet relevant du pouvoir des dirigeants et son approbation de celui des associés, la répartition semblait bien établie. Ceci étant, cette opposition heurtait de front le pouvoir des assemblées générales et, plus particulièrement, celui de l’assemblée générale extraordinaire. Celle-ci est seule compétente pour adopter une décision emportant modification des statuts. Or, l’opération de fusion s’inscrit dans ce champ de compétence. Et l’on verrait mal qu’une assemblée qui déciderait de modifier, par exemple, les pouvoirs d’un organe social, en soit empêchée parce que le rédacteur de l’ordre du jour refuse d’inscrire dans le projet de résolution les termes souhaités par les associés.

Si ces derniers ne peuvent qu’adopter ou refuser en bloc le texte qui leur est soumis, la situation de blocage est inévitable. A travers cet exemple, on mesure l’importance de reconnaître aux associés le pouvoir de modifier les termes des délibérations qui leur sont soumises. C’est la raison pour laquelle on s’accordait aujourd’hui pour reconnaître une certaine marge de manœuvre aux associés. La Cour de cassation a donc entériné la position majoritaire et sa décision est opportune car les associés doivent rester maîtres de la restructuration de leur société. Et si la collectivité ne peut, par hypothèse, pas tout faire (notamment négocier, rédiger et signer le projet de fusion), il est certain que son rôle ne doit pas être réduit. La solution vaut, sans nul doute, tant pour une opération de fusion que pour une opération de scission ou bien encore d’apport partiel d’actif soumis au régime des scissions.

 

Auteur

Christophe Blondeau, avocat associé spécialiste des opérations transactionnelles de fusions – acquisitions, de joint-venture et de private equity.

 

Les associés ont leur mot à dire en cas de fusion ! – Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 23 novembre 2015