Les Carbon CfD, un outil au service du développement de la filière hydrogène bas-carbone
Nous avions exposé au début du mois de septembre 2022 l’intérêt des « Carbon CFD » pour le financement de la décarbonation : le CCfD semble plus particulièrement être un outil de choix pour permettre le déploiement de la filière de production d’hydrogène par électrolyse, qui souffre aujourd’hui d’un défaut de compétitivité.
L’hydrogène produit par électrolyse de l’eau est au cœur des stratégies européenne et française de décarbonation de l’industrie. L’hydrogène constitue en effet l’une des matières premières centrales de l’industrie, notamment dans les secteurs du raffinage d’hydrocarbures, de la production d’engrais Or les processus de fabrication de ce vecteur d’énergie reposent principalement sur des ressources fossiles, fortement émettrices de gaz à effet de serre. L’un des axes essentiels de la décarbonation de l’industrie repose donc sur le fait de remplacer ces procédés de fabrication alimentés en énergies fossiles par un procédé fondé sur l’électrolyse de l’eau, fonctionnant avec de l’électricité décarboné.
Les grandes lignes du mécanisme de soutien à la production d’hydrogène décarboné ont été dressées par le Gouvernement dans l’ordonnance du 17 février 2021 relative à l’hydrogène qui a complété le code de l’énergie par un livre VIII dédié à ce gaz. Les articles L.811-1 à L.813-3 du code de l’énergie définissent le cadre juridique de la production d’hydrogène, et notamment le cadre de soutien, qui prendra la forme soit d’aide au fonctionnement, soit d’une combinaison d’une aide financière à l’investissement et d’une aide au fonctionnement conformément au 3ème alinéa de l’article L.812-2 du code de l’énergie. Cette aide fera l’objet selon l’article L.812-4 du même code d’un contrat conclu entre le producteur et l’Etat ou toute personne mandatée pour agir en son nom : c’est là que pourrait entrer en jeu le Carbon CfD. Le contrat, dont la durée maximum ne pourra dépasser 20 ans, précisera, toujours selon l’article L.812-4 précité le montant de l’aide accordée, le type d’aide, les modalités de son versement, ainsi que les engagements du bénéficiaire, en termes économiques et environnementaux, sur la même période.
Le coût de production d’hydrogène décarboné par électrolyse est encore trop élevé par rapport à la production traditionnelle, moins chère mais plus polluante, de l’hydrogène. Le recours aux CCfD pourrait rendre le prix de l’hydrogène décarboné par électrolyse plus compétitif et inciter ainsi les producteurs à opter pour cette nouvelle technique de production. Chaque Etat membre pourrait déterminer le coût de tonne de CO2 nécessaire pour produire de l’hydrogène décarboné. Ce montant constituerait le strike price du CCfD. En concluant un CCfD avec l’entreprise, l’Etat s’engagerait à reverser la différence entre le strike price et le prix variable de marché des quotas carbone (spot price), lorsque le prix du quota carbone se trouve en dessous du strike price. Le recours aux CCfD s’apparente donc à un système de subvention par l’UE (et plus précisément par le Fonds d’innovation) des projets de production d’hydrogène décarboné. Il permet de garantir aux industries un coût fixe et prévisible de production. A l’inverse, si le prix de marché des quotas carbone excède le strike price, l’entreprise s’engage à verser à l’Etat la différence. Le marché du quota carbone est encadré par la directive européenne 2003/87/CE, adoptée en octobre 2003. Cette directive instaure un Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’UE (SEQE-UE). Le SEQE-UE octroie chaque année aux entreprises un certain nombre de quotas carbone. A la fin de l’année, l’entreprise doit restituer le même nombre de quotas, le cas échéant en achetant sut le marché du carbone des quotas supplémentaires à une entreprise moins polluante. Pour intégrer les CCfD dans le cadre juridique européen, un projet de révision de la directive 2003/87/CE a été proposé le 14 juillet 2021 et les premières modifications ont été adoptées par le Parlement européen le 30 juin 2022. Le Gouvernement français a lancé au printemps 2022 une consultation publique sur la décarbonation de l’industrie française afin de recueillir l’analyse des entreprises sur ce type de mécanisme. A noter que le nombre de quotas carbone disponibles sur le marché diminue au gré des phases successives du calendrier fixé par la directive 2003/87/CE. Le prix de marché des quotas carbone (ou spot price) est donc amené à augmenter et pourra éventuellement dépasser à l’avenir le strike price, obligeant alors les entreprises à payer à l’Etat la différence.
Par Pauline Larroque, Avocat counsel, et Aurore-Emmanuelle Rubio, Avocat counsel, Responsable Régulation de l’Energie, CMS Francis Lefebvre.