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Les dispositions du droit national sur les congés payés sont conformes à la Constitution !

Les dispositions du droit national sur les congés payés sont conformes à la Constitution !

Par une décision n° 2023-1079 QPC rendue le 8 février 2024, le Conseil constitutionnel décide que les dispositions du droit national relatives à l’acquisition des congés payés pendant un arrêt de travail pour accident ou maladie sont conformes à la Constitution.

 

Le Conseil constitutionnel avait été saisi par la Cour de cassation le 15 novembre 2023 (n°23-14.806) de deux questions prioritaires de constitutionnalité :

 

La première question est ainsi rédigée :

 

«Les articles L.3141-3 et L.3141-5, 5 °, du Code du travail portent-ils atteinte au droit à la santé et au repos garanti par le onzième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 en ce qu’ils ont pour effet de priver, à défaut d’accomplissement d’un travail effectif, le salarié en congé pour une maladie d’origine non professionnelle de tout droit à l’acquisition de congés payés et le salarié en congé pour une maladie d’origine professionnelle de tout droit à l’acquisition de congés au-delà d’une période d’un an ?».

 

En d’autres termes, la question portait sur la conformité à la Constitution de la disposition selon laquelle seuls les salariés absents pour cause d’accident du travail ou maladie professionnelle acquièrent des droits à congés payés (C. trav., art. L.3141-5, 5°).

 

Le Conseil constitutionnel précise :

 

⇒ «Qu’il n’a pas un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Il ne saurait rechercher si les objectifs que s’est assignés le législateur auraient pu être atteints par d’autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l’objectif visé.

 

⇒ Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 18 avril 1946 mentionnée ci-dessus, qui est à l’origine des dispositions contestées, que le législateur a souhaité éviter que le salarié, victime d’un accident ou d’une maladie résultant de son activité professionnelle et entraînant la suspension de son contrat de travail, ne perde de surcroît tout droit à congé payé au cours de cette période.

 

⇒ Au regard de cet objectif, il était loisible au législateur d’assimiler à des périodes de travail effectif les seules périodes d’absence du salarié pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle, sans étendre le bénéfice d’une telle assimilation aux périodes d’absence pour cause de maladie non professionnelle. Il lui était également loisible de limiter cette mesure à une durée ininterrompue d’un an.

 

⇒ Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du droit au repos doit être écarté.»

 

En conséquence, les dispositions du droit national en ce qu’elles assimilent à du temps travail effectif pour l’acquisition des congés payés les seules absences pour AT/MP pendant une durée limitée à un an sont conformes à la Constitution.

 

La deuxième question est ainsi rédigée :

 

«L’article L.3141-5, 5° du Code du travail porte-il atteinte au principe d’égalité garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 en ce qu’il introduit, du point de vue de l’acquisition des droits à congés payés des salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison de la maladie, une distinction selon l’origine professionnelle ou non professionnelle de la maladie, qui est sans rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ?»

 

En d’autres termes, la question portait sur la conformité à la Constitution du traitement différencié des salariés en arrêt de travail pour accident ou maladie selon l’origine professionnelle ou non de celui-ci.

 

Le Conseil constitutionnel précise :

 

⇒ «Selon l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.

 

⇒ La maladie professionnelle et l’accident du travail, qui trouvent leur origine dans l’exécution même du contrat de travail, se distinguent des autres maladies ou accidents pouvant affecter le salarié.

 

⇒ Ainsi, au regard de l’objet de la loi, le législateur a pu prévoir des règles différentes d’acquisition des droits à congé payé pour les salariés en arrêt maladie selon le motif de la suspension de leur contrat de travail.

 

⇒ Dès lors, la différence de traitement résultant des dispositions contestées, qui est fondée sur une différence de situation, est en rapport avec l’objet de la loi.

 

⇒ Le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi doit donc être écarté.

 

Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas non plus le droit à la protection de la santé, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.»

 

Cette décision illustre bien le paradoxe du contrôle de conventionnalité.

 

En effet, les mêmes dispositions du Code du travail sont jugées :

 

    • conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ;
    • contraires à l’article 31 §2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne par la Cour de cassation, dans le cadre du contrôle de la conformité des lois aux traités internationaux et au droit communautaire, ce qu’on appelle «le contrôle de conventionnalité».

 

Le Conseil constitutionnel a refusé de s’aligner sur le raisonnement de la Cour de cassation : il aurait pu juger que les dispositions du Code du travail, en tant qu’elles excluent tout droit à congé pour les salariés en congé de maladie, étaient contraires au droit au repos garantie par la Constitution.

 

Il s’est, au contraire, tenu à la volonté du législateur de 1946, qui était «d’éviter que le salarié, victime d’un accident ou d’une maladie résultant de son activité professionnelle et entraînant la suspension de son contrat de travail, ne perde de surcroît tout droit à congé payé au cours de cette période».

 

Et, contrairement à la Cour de cassation, il a considéré que les salariés en congé de maladie et les salariés victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles sont dans une situation différente.

 

Cela dit, le brevet de constitutionnalité ainsi décerné par le Conseil constitutionnel aux dispositions du Code du travail relatives aux congés ne supprime pas la nécessité pour le Gouvernement de légiférer pour tirer les conséquences de l’arrêt de la Cour de cassation.

 

Il appartiendra au législateur d’adapter le droit national au droit de l’Union européenne en accordant des congés payés aux salariés en arrêt de travail pour accident ou maladie «ordinaire» et aux salariés en accident du travail ou maladie professionnelle sans limitation de durée.

 

Au regard de la décision du Conseil constitutionnel qui reconnait que la différence de traitement des salariés selon l’origine de la maladie est conforme à la Constitution, le législateur pourrait prévoir un nombre de semaines de congés payés différent pour les salariés en arrêt de travail pour accident ou maladie ordinaire – de quatre semaines, comme le prévoit la Directive européenne sur le temps de travail –  et pour les salariés en arrêt de travail pour accident ou maladie professionnelle – de cinq semaines, comme le prévoit le Code du travail.

 

Le Gouvernement qui attendait cette décision du Conseil constitutionnel pour se prononcer devrait déposer prochainement un projet de loi.