Les fonds d’investissements alternatifs peuvent-ils accorder des prêts immobiliers ?
Le droit français reconnaît aujourd’hui diverses formes de fonds d’investissement alternatifs (FIA) relevant de la directive 2011/61/UE pouvant réaliser des prêts en lien avec des opérations immobilières. Au-delà des seuls organismes de placement collectifs immobiliers (OPCI ou, pour ceux réservés aux clients professionnels, OPPCI) pouvant accorder des avances en comptes courant aux sociétés immobilières qu’ils contrôlent, le droit français reconnaît pour les FIA dont les caractéristiques sont fixées par le Code monétaire et financier (CMF) deux régimes distincts : les FIA pouvant accorder des prêts dès lors qu’ils sont agréés comme fonds européen d’investissement à long terme (ELTIF) et les FIA spécifiquement autorisés à accorder des prêts.
ELTIF
En application du règlement (UE) 2015/760, tout FIA agréé en application dudit règlement peut bénéficier du label ELTIF et :
- investir directement dans des actifs physiques dès lors que ces actifs possèdent une valeur liée à leur substance et à leurs propriétés produisant des avantages économiques ou sociaux, et ne comprenant l’immobilier à usage commercial ou résidentiel que s’il fait partie intégrante ou est un élément accessoire d’un projet d’investissement à long terme qui contribue à l’objectif d’une croissance intelligente, durable et inclusive et d’une valeur d’au moins dix millions d’euros (immobilier éligible) ; et
- accorder des prêts à une entreprise détenant un immobilier éligible et qui n’est ni une entreprise financière, ni admise à la négociation sur un marché réglementé ou dans un système multilatéral de négociation ou a une capitalisation boursière ne dépassant pas 500 millions d’euros.
A cet égard, ces véhicules peuvent désormais, en application du règlement délégué (UE) 2018/480 du 4 décembre 2017 couvrir leurs risques découlant d’expositions aux actifs précités dès lors que l’utilisation de l’instrument financier dérivé entraîne une réduction vérifiable et objectivement mesurable de ces risques au niveau de l’ELTIF.
Certains FIA visés au CMF
Les FIA déclarés tels que les fonds professionnels de capital investissement, les fonds professionnels spécialisés (FPS – qui incluent les sociétés de libre partenariat) ainsi que les organismes de titrisation (OT) et les organismes de financement spécialisés (OFS) peuvent accorder des prêts aux entreprises non financières dans des conditions et limites fixées par un décret en Conseil d’Etat qui n’a pas encore à ce jour été publié.
Ces FIA peuvent octroyer des prêts à des entreprises individuelles ou des personnes morales de droit privé exerçant à titre principal une activité commerciale, industrielle, agricole, artisanale ou immobilière, à l’exclusion des activités financières et des placements collectifs ou à des personnes morales de droit privé ayant pour objet exclusivement ou, selon les cas, principalement de financer ou de détenir directement ou indirectement une ou plusieurs participations dans le capital de personnes morales précitées.
S’agissant des OFS en particulier, cette nouvelle forme de FIA paraît particulièrement attractive compte tenu de l’étendue des possibilités d’investissements qui lui sont offertes : ils peuvent en effet comme les FPS investir dans tout bien ainsi que dans des sous-participations en risque ou en trésorerie.
En outre, ils sont susceptibles comme les OT d’émettre des titres de créances et peuvent également conclure des contrats constituant des instruments financiers à terme, ou encore recourir à l’emprunt ou à toute autre forme de ressources, de dettes ou d’engagements. Ainsi, s’il reste encore à attendre les précisions sur le régime des OFS, le droit français offre une gamme variée de véhicules susceptibles d’intervenir dans le financement immobilier.
Auteur
Jérôme Sutour, avocat associé, Head of financial services