Les heures supplémentaires exonérées et défiscalisées : comment ça marche et quel gain en attendre?
12 mars 2019
Le pouvoir d’achat est au cœur des préoccupations des français comme l’illustre le mouvement des « gilets jaunes ». Dans un tel contexte, le législateur a instauré un nouveau mécanisme de réduction de cotisations salariales sur les heures supplémentaires et complémentaires qui s’inspire du dispositif de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat dite « TEPA », abrogé au 1er septembre 2012. La mise en œuvre de ce système initialement prévue au 1er septembre de cette année a vu son entrée en vigueur anticipée au 1er janvier 2019. Retour sur les modalités d’application de cette nouvelle mesure et sur ses principaux effets.
Quelles sont les rémunérations concernées ?
A partir du 1er janvier 2019, les heures supplémentaires et complémentaires effectuées par les salariés ouvrant droit à une réduction de cotisations salariales sont énumérées par le nouvel article L.241-17 du code du travail. La liste est longue puisqu’il s’agit :
- des heures supplémentaires « classiques » c’est-à-dire celles effectuées au-delà de la durée légale de 35 heures hebdomadaires ou de la durée considérée comme équivalente ;
- des heures effectuées au-delà de 1 607 heures pour les salariés ayant conclu une convention de forfait annuel en heures ;
- des heures supplémentaires effectuées par un salarié qui bénéficie de la réduction de sa durée du travail sous forme d’une ou plusieurs périodes d’au moins une semaine en raison des besoins de sa vie personnelle ;
- des heures supplémentaires décomptées à l’issue de la période de référence lorsqu’est mis en place un dispositif de modulation du temps de travail sur une période supérieure à la semaine pour les heures effectuées au-delà de 1 607 heures ;
- de la majoration de salaire versée aux salariés en forfait annuel en jours, ayant renoncé à des jours de repos au-delà de 218 jours ;
- des rémunérations versées aux salariés à temps partiel au titre des heures complémentaires ;
- des rémunérations versées aux salariés des particuliers employeurs au titre des heures supplémentaires, soit au-delà de 40 heures hebdomadaires ;
- des rémunérations versées aux assistants maternels au titre des heures supplémentaires accomplies au-delà d’une durée hebdomadaire de 45 heures et des heures complémentaires accomplies au sens de la convention collective nationale qui leur est applicable.
Cette rédaction laisse subsister une interrogation s’agissant des heures supplémentaires effectuées par des salariés ayant conclu une convention de forfait hebdomadaire ou mensuelle en heures. En effet, celles-ci ne sont pas expressément visées par les textes. On peut donc s’interroger sur le point de savoir si ces heures supplémentaires, dites « structurelles », sont ou non incluses dans le bénéfice de la réduction de cotisations d’assurance vieillesse. A cet égard, il convient de noter qu’il existe une similitude de rédaction entre le nouveau dispositif et celui qui était issu de la loi TEPA précitée. Or, sous l’empire de ces anciennes dispositions, la Direction de la sécurité sociale avait précisé que les heures supplémentaires résultant d’une telle convention de forfait devaient bénéficier de la réduction de cotisations sociales. Il est probable que l’Administration retienne la même solution dans le cadre du nouveau dispositif, ce qui serait conforme à l’objectif du législateur tel qu’il résulte des travaux parlementaires1. De plus, il semble que les forfaits hebdomadaires ou mensuels puissent être considérés comme visés par la disposition relative aux heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale du travail. Une confirmation expresse de l’Administration serait néanmoins souhaitable afin de sécuriser la situation des entreprises.
La réduction de cotisations s’applique aussi bien à la rémunération des heures supplémentaires qu’à leur majoration prévue par accord collectif ou, à défaut, aux taux légaux de 25 ou 50%.
Il convient néanmoins de noter que, lorsque la rémunération des heures supplémentaires se substitue à un autre élément de salaire, la réduction n’est pas applicable à moins qu’un délai de douze mois se soit écoulé entre le dernier versement de cet élément de salaire et la rémunération des heures supplémentaires. Cette disposition, dont l’application risque d’être source de litige compte tenu de l’étendue de la notion « d’autre élément de rémunération », vise à éviter que l’employeur supprime un élément de rémunération (comme une prime d’objectifs ou d’assiduité) pour recourir à des heures supplémentaires ou complémentaires susceptibles de bénéficier de la réduction.
Notons que la réduction forfaitaire de 1,5 euros par heure supplémentaire sur les cotisations patronales et réservée aux entreprises de moins de vingt salariés (mise en place par la loi TEPA susvisée) demeure applicable.
Sur quelles cotisations salariales porte la réduction ?
Pour la détermination du taux de réduction, la loi a renvoyé à l’adoption d’un décret qui l’a plafonné à 11,31% ce qui correspond mathématiquement à la somme des cotisations d’assurance vieillesse salariale du régime général, soit 7,30% (6,90%+ 0,40%) et des cotisations de retraite complémentaire limitées à la Tranche 1, soit 4,01% (3,15% de cotisations de base + 0,86% de contribution d’équilibre général).
Comment s’applique la réduction de cotisations salariales ?
La réduction de cotisations est calculée en pratique en multipliant le taux de réduction réglementaire par la rémunération afférente aux heures supplémentaires ou complémentaires (le montant de cette réduction ne peut cependant pas excéder le montant de l’ensemble des cotisations d’assurance vieillesse dues par le salarié au titre des heures supplémentaires ou complémentaires).
Le montant est ensuite imputé sur celui des cotisations légales d’assurance vieillesse – plafonnée et déplafonnée – dues sur l’ensemble de la rémunération.
Exemple :
Taux | Cotisations salariales | ||
---|---|---|---|
Salaire base 151,67h | 2000 | ||
Heures supplémentaires 17,33h x 125% | 285,65 | ||
Cotisation d'assurance vieillesse de base plafonnées | 2285,65 | (A) 6,90 | 157,70 |
Cotisations d’assurance vieillesse de base déplafonnée | 2285,65 | (B) 0,40 | 9,14 |
Total cotisations légales d’assurance vieillesse de base | (A) + (B) | 166,28 | |
Calcul réduction de cotisations sur les heures supplémentaires | 285,65 | (C) 11,31 | 32,30 |
Total cotisations d’assurance vieillesse de base à verser après réduction | (A) + (B) – (C) 133.98 |
||
Complémentaire CET non impactée | 2285,65 | (D) 0,14 | 3,19 |
Complémentaire T1 (jusqu’au plafond mensuel SS) non impactée | 2285,65 | (E) 4,01 | 91,65 |
Quel effet sur les droits des assurés sociaux ?
Le gouvernement a précisé que cette réduction de cotisations salariales d’assurance vieillesse serait sans effet sur les droits sociaux des assurés en matière d’assurance vieillesse. En effet, selon les rédacteurs de la loi, le mécanisme d’imputation de la réduction de cotisations salariales prévu « permet de garantir les droits des assurés, les points acquis au titre de la retraite complémentaire dépendant des cotisations effectivement versées, tandis que les droits associés à la retraite de base ne dépendent que des assiettes de rémunération déclarées »2.
Néanmoins, une incertitude subsiste sur ce point car, si la volonté du Gouvernement est bien d’assurer la neutralité du dispositif s’agissant des droits sociaux des assurés en matière d’assurance vieillesse, ni la loi ni le décret ne prévoient quelles en sont les modalités techniques d’application. A défaut et en pratique, le risque d’impact demeure sur la retraite de base et il serait donc souhaitable que les modalités soient clarifiées afin de lever toute incertitude sur cette question.
Quelle exonération fiscale sur la rémunération des heures supplémentaires et complémentaires ?
A cette mesure de réduction de cotisations sociales s’ajoute une mesure d’exonération fiscale qui s’applique aux mêmes rémunérations, dans la limite annuelle de 5 000 euros.
Notes
1 Rapport de la Commission n°1336, Tome II, du 17 octobre 2018, page 35 ; Rapport de la Commission n°1336, Tome II, du 17 octobre 2018, page 40
2 Rapp. Ass. nat. Com. Aff. Soc.n°1336, p. 51
Auteurs
Marie-Pierre Schramm, avocat associé, droit social
Béatrice Taillardat Pietri, adjoint du Responsable de la doctrine sociales
Les heures supplémentaires exonérées et défiscalisées : comment ça marche et quel gain en attendre ? – Article paru dans Les Echos Exécutives le 8 mars 2019
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