Les nouveautés en matière de congés instaurées par la loi Travail

6 septembre 2016
La loi Travail ouvre aux entreprises la faculté de mieux adapter les départs en congés aux contraintes de leur fonctionnement, tout en augmentant les droits des salariés liés à des situations familiales particulières.
La loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (dite loi Travail) réorganise les règles du Code du travail relatives aux congés sur la base de la nouvelle architecture applicable en matière de durée du travail : y sont distingués les dispositions d’ordre public qui ne peuvent pas être adaptées, le domaine élargi de la négociation collective d’entreprise et les règles supplétives applicables en l’absence d’accord collectif.
De nouvelles règles impératives
Relèvent sans surprise de l’ordre public les règles relatives notamment à la durée d’acquisition des congés (deux jours et demi ouvrables par mois de travail dans la limite de 30 jours), à la période de prise des congés qui comprend nécessairement la période du 1er mai au 31 octobre et au calcul de l’indemnité de congés payés.
La loi Travail y ajoute cinq règles impératives nouvelles :
- les congés payés peuvent désormais être pris dès l’embauche et non plus à compter de l’ouverture des droits. Auparavant un nouvel embauché pouvait déjà demander à prendre des congés par anticipation sans attendre le 1er juin suivant mais il devait obtenir l’accord de son employeur. Désormais, il peut prendre les premiers jours de congés qu’il a acquis dès les premiers mois de son intégration dans l’entreprise, sous réserve simplement que la période de prise des congés soit ouverte et que l’ordre des départs fixé par l’employeur soit respecté ;
- le salarié accueillant dans son foyer un enfant ou un adulte handicapé ou une personne âgée en perte d’autonomie est autorisé à prendre l’intégralité de son congé en une seule fois. Cette faculté était auparavant réservée aux salariés subissant des contraintes géographiques particulières ;
- les jours de congés supplémentaires accordés aux mères de famille, notamment lorsqu’elles ont moins de 21 ans, sont désormais également accordés aux pères de famille ;
- le salarié licencié pour faute lourde conserve son droit au paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 2 mars 2016 ;
- lorsque le congé a lieu pendant la fermeture de l’établissement, l’employeur peut imposer un fractionnement du congé sans n’avoir plus à recueillir ni l’avis conforme des délégués du personnel, ni l’agrément des salariés.
Des possibilités élargies d’adaptation par accord d’entreprise des autres règles
Le champ de la négociation collective au sein de l’entreprise est élargi. L’employeur et les partenaires sociaux peuvent désormais :
- modifier la période d’acquisition des congés par un simple accord d’entreprise. A défaut d’accord, cette période est actuellement fixée par décret du 1er juin au 31 mai. Le Gouvernement pourrait toutefois profiter d’un décret à venir pour caler cette période sur l’année civile ;
- majorer la durée des congés en raison du handicap et non plus uniquement en fonction de l’âge et de l’ancienneté ;
- fixer les délais que l’employeur doit respecter pour modifier l’ordre et les dates de départ en congé. Le traditionnel délai de prévenance d’un mois n’est désormais applicable qu’en l’absence d’accord collectif.
De menues adaptations des règles applicables en l’absence d’accord collectif
En l’absence d’accord collectif d’entreprise ou de branche, l’employeur fixe unilatéralement la période de prise de congés et l’ordre des départs mais, désormais, il doit pour cela :
- préalablement consulter le comité d’entreprise et non plus les délégués du personnel ;
- tenir compte pour fixer l’ordre des départs de la présence au sein du foyer d’un enfant ou d’un adulte handicapé ou d’une personne âgée en perte d’autonomie.
L’extension de la négociation collective aux congés spécifiques
La loi Travail réorganise sur la base de la même architecture les articles relatifs à la plupart des congés spécifiques (congé sabbatique, congé pour création ou reprise d’entreprise,etc.). Le droit à congé est par principe d’ordre public. En revanche, peuvent désormais être fixées par accord collectif d’entreprise leur durée, l’éventuelle condition d’ancienneté requise pour en bénéficier et les modalités d’information de l’employeur.
Le seuil d’effectif en deçà duquel l’employeur peut refuser le départ d’un salarié en congé sabbatique ou en congé pour création ou reprise d’entreprise passe de 200 à 300 salariés. De même, la possibilité pour l’employeur de reporter un congé sabbatique de 9 mois est élargie aux entreprises de moins de 300 salariés.
Des congés pour évènement familiaux étendus
Par exception, pour les congés pour évènements familiaux, la loi continue de fixer des durées minimales qui ne peuvent pas être réduites par accord collectif. Ces durées minimales reprennent pour la plupart les durées antérieures. Toutefois, la durée du congé en cas de décès d’un membre de la famille est augmentée : elle est portée à 5 jours en cas de décès d’un enfant et à 3 jours en cas de décès du conjoint, du partenaire lié par un Pacs, d’un parent, d’un beau-parent, d’un frère ou d’une sœur. Un droit à congé est également instauré en cas de décès du concubin (3 jours) et d’annonce de la survenue d’un handicap chez un enfant (2 jours).
Extension de la période de protection postérieure à une naissance
La protection des parents accueillant un nouvel enfant est renforcée : la période de protection contre la rupture du contrat de travail est portée de quatre à dix semaines. Pour la mère, cette période court à compter du terme de son congé maternité ou, en cas de prise de congés payés accolés au congé maternité, de la fin desdits congés payés. Pour le second parent, elle court à compter de la naissance de l’enfant.
Auteur
Laetitia Blanloeil, avocat en droit social
Les nouveautés en matière de congés instaurées par la loi Travail – Article paru dans Les Echos Business le 5 septembre 2016
Related Posts
Accords d’entreprise : les modalités de validation par référendum sont fixÃ... 24 janvier 2017 | CMS FL

La loi Travail : les assouplissements apportés aux règles du transfert d&rsquo... 28 septembre 2016 | CMS FL

Congés payés et maladie : le projet de texte adopté par l’Assemblée nation... 22 mars 2024 | Pascaline Neymond

Statut collectif | Mise en cause de l’accord : l’avantage acquis ne peut êt... 5 août 2013 | CMS FL
Réseaux de franchise : l’instance de dialogue a vu le jour !... 24 août 2017 | CMS FL

Contestation d’un référendum d’entreprise ratifiant un accord coll... 25 juin 2021 | Pascaline Neymond

Demande de congés : l’absence de réponse de l’employeur vaut acceptation t... 27 juin 2022 | Pascaline Neymond

L’exception d’illégalité des accords collectifs... 11 mars 2022 | Pascaline Neymond

Articles récents
- La relation de travail mise à nue ou quand l’employeur est obligé de tout dévoiler au salarié
- Exercice d’une activité réglementée : n’omettez pas de vérifier que vos salariés sont en possession des diplômes nécessaires !
- Stop the clock : l’impératif de compétitivité reprend le dessus sur les obligations des entreprises en matière de durabilité
- Activité partielle de longue durée rebond : le décret est publié
- Quand le CSE stoppe le déploiement de l’IA
- A l’approche du mois de mai, comment gérer les ponts et les jours fériés ?
- Refus d’une modification du contrat de travail pour motif économique : attention à la rédaction de la lettre de licenciement !
- Statut de cadre dirigeant – attention aux abus !
- Licenciement pour insuffisance professionnelle d’un salarié protégé : le Conseil d’Etat remplace l’obligation préalable de reclassement par une obligation d’adaptation
- Contrat d’engagement et offre raisonnable d’emploi : précisions sur le « salaire attendu »