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Les nouveaux régimes d’imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières

Le régime d’imposition des plus-values de cessions de valeurs mobilières a fait l’objet d’une deuxième réforme en … deux ans, qui améliore le régime d’abattement pour durée de détention et revisite en profondeur les régimes préférentiels d’imposition applicables, quand ils ne sont pas purement et simplement abrogés. Revue (non exhaustive) du bon et du moins bon.

La réforme des plus-values de cession des valeurs mobilières introduite dans la loi de finances pour 2013 aura fait long feu. On se souvient de l’agitation qui avait entouré l’adoption de ce texte, faisant éclore le premier représentant d’un bestiaire contestataire, les fameux «pigeons».

La réforme de 2012 avait posé le principe d’assujettissement des plus-values de cessions de valeurs mobilières à l’impôt sur le revenu non plus à un taux proportionnel, mais désormais au barème progressif avec application éventuelle d’abattements pour durée de détention. Suite aux échanges avec le collectif de volatiles frondeurs, un régime d’imposition au taux proportionnel de 19% avait été maintenu en faveur des seuls créateurs d’entreprise respectant pléthore de conditions. Dans cette mini-révolution, les régimes dérogatoires profitant aux dirigeants partant à la retraite, aux cessions au sein du groupe familial et aux cessions de titres de jeunes entreprises innovantes n’avaient pas été affectés.

La réforme introduite dans la loi de finances pour 2014 rebat en profondeur les cartes à la fois pour le régime de droit commun mais aussi pour tous les régimes dérogatoires jusqu’alors épargnés, en créant deux jeux d’abattements : un pour les cessions de droit commun et un autre censément plus favorable pour les régimes dérogatoires.

Et paradoxalement, alors que la réforme est systématiquement plus avantageuse que par le passé pour les cessions de droit commun, l’application des régimes dérogatoires peut s’avérer moins favorable.

On rappelle au préalable qu’en toute occurrence, les prélèvements sociaux restent dus sur le montant intégral de la plus-value, à l’exclusion de tout abattement.

Dans le cadre du droit commun, les abattements passent de 20, 30 ou 40% à 50% en cas de conservation d’au moins deux ans et 65% au-delà de huit ans.

Les régimes dérogatoires bénéficient pour leur part d’un abattement «renforcé», dont le taux dépend là encore de la durée de détention :

  • 50% entre un et quatre ans ;
  • 65% entre quatre et huit ans ;
  • 85% au-delà de huit ans.

L’abattement renforcé s’applique de manière commune aux cessions de titres de PME, aux cessions de titres entre membres d’un même groupe familial et aux cessions de titres par les dirigeants partant à la retraite.

On notera enfin que cette réforme s’accompagne de la suppression à compter du 1er janvier 2014 du régime de report/exonération d’imposition des plus-values en cas de réinvestissement prévu par l’article 150-0 D bis. Ce régime complexe n’aura en définitive été applicable que deux ans, sans avoir jamais fait l’objet de commentaires administratifs.

1. Régime des cessions de titres de PME (régime dit des «pigeons»)

Un nouveau chamboulement pour nos amis à plumes. Le régime favorable d’imposition à 19 % créé au profit des créateurs d’entreprise n’aura finalement trouvé à s’appliquer que pour l’année 2012. Le nouveau texte, d’application rétroactive au 1er janvier 2013(1) pour ces cessions, modifie profondément ce régime préférentiel en lui substituant l’application de l’abattement renforcé.

Corrélativement, le régime d’exonération des plus-values de cession de titres de jeunes entreprises innovantes est supprimé à compter du 1er janvier 2014.
Le nouveau régime «pigeons» s’applique aux cessions respectant les conditions suivantes, quelle que soit la qualité du cédant (simple associé, dirigeant, salarié), et son taux de participation.

En premier lieu, la société concernée doit être une PME «communautaire», créée depuis moins de dix ans, sans être issue d’une concentration, d’une restructuration, d’une extension ou d’une reprise d’activités préexistantes ; ces conditions s’apprécient à la date de souscription ou d’acquisition des titres cédés et non à la date de la cession. S’agissant de l’absence de restructuration, espérons que l’Administration confirmera bien que cette condition ne conduit pas à l’exclusion des sociétés holding ayant bénéficié d’un apport de titres de sociétés opérationnelles éligibles.

En second lieu, la société doit avoir son siège dans l’Espace économique européen, être soumise à l’impôt sur les bénéfices ou un impôt équivalent et exercer une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, à l’exclusion de la gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier. En outre, les titres cédés ne doivent accorder aux souscripteurs ou acquéreurs des droits ne résultant que de la qualité d’associé. Le respect de ce second jeu de conditions s’apprécie de manière continue depuis la création de la société.

Notons avec intérêt que les «holdings animatrices de groupe» sont rendues éligibles par la loi elle-même, étant souligné que l’ensemble des conditions requises doivent également être respectées au niveau de toutes les filiales. Cette exigence entrainera-t-elle l’exclusion des holdings animatrices qui, par exemple, détiendraient une filiale foncière détenant exclusivement ou principalement des immeubles d’exploitation affectés au groupe ? Les commentaires administratifs devront clarifier ce point dans un sens favorable, sous peine de priver nombre d’actionnaires de « holdings animatrices de groupe » du bénéfice du régime pigeon.

2. Cessions entre membres d’un groupe familial

Le régime spécifique des cessions au sein du groupe familial s’applique aux plus-values résultant de cessions de titres d’une société ayant son siège dans un Etat membre de l’Union européenne ou dans un autre Etat partie à l’Espace économique européen entre membres d’une même famille qui détiennent ou ont détenu pendant les 5 dernières années plus de 25 % des droits dans les bénéfices sociaux. Les titres ainsi cédés ne doivent pas être à nouveau cédés à un tiers dans un délai de 5 ans.

A compter du 1er janvier 2014, l’exonération d’IR est remplacée par l’application de l’abattement renforcé. Ainsi, le régime des cessions intrafamiliales s’avère moins favorable que précédemment.

Notons qu’en cas de non-respect de l’obligation de conservation quinquennale, le primo-cédant supporte les conséquences de la remise en cause de ce régime de faveur.

3. Dirigeants de PME partant à la retraite

Le régime institué en faveur des dirigeants de PME partant à la retraite suppose une détention avec le groupe familial plus de 25% des droits de vote ou des droits financiers dans la société cédée au cours de cinq dernières années, ainsi notamment que la cessation par le dirigeant de toute fonction dirigeante ou salariée dans la société cédée.

L’application de l’abattement d’un tiers au-delà de 5 années de détention, avec une exonération totale d’impôt sur le revenu au bout de 8 années, n’a plus cours à compter du 1er janvier 2014.

Désormais, ces plus-values de cession de titres bénéficient d’abord d’un abattement fixe de 500.000 € à la suite duquel s’ajoute l’abattement proportionnel renforcé. Cet abattement fixe s’applique à l’ensemble des plus-values correspondant à une même société et non à chaque cession (la réalisation de cessions échelonnées dans le temps ne permettrait donc pas d’optimiser l’application de l’abattement fixe).

Le nouveau régime s’avère donc moins performant dès lors que la plus-value excède 500.000 €.

4. Et les moins-values ?

La loi prévoit que l’abattement s’applique «aux gains nets». Il est à craindre néanmoins que l’Administration considère qu’il frappe également les moins-values, comme elle l’avait fait dans l’instruction commentant la première version de l’article 150-0 D bis qui n’a jamais été appliquée (BOI-RPPM-PVBMI-20-20-30-10-20120912, n°1). Cette solution aurait l’effet néfaste de limiter le montant des moins-values imputables sur les plus-values de même nature. Quel que soit le débat que l’on puisse avoir à ce sujet, force est de constater que les porteurs de titres dépréciés sont donc puissamment incités à les céder… dès que possible, ce qui va à rebours de l’objectif de fidélisation poursuivi par la loi.

Le suivi des reports de moins-values s’annonce complexe : il devra être double dès lors que les abattements ne s’appliquent qu’à l’IR et non aux prélèvements sociaux. A moins que l’Administration n’estime, contre toute logique et équité, que pour l’assiette des prélèvements sociaux, l’imputation des moins-values doit être calée sur le montant imputé pour le calcul de l’IR.

Conclusion

Cette nouvelle réforme n’est pas exempte de difficultés d’interprétation, comme on a pu l’apercevoir déjà s’agissant de l’application du régime « pigeons » aux holdings animatrices. D’autres sujets sont en germe. Quid du traitement des titres démembrés ? Qu’en sera-t-il, pour les régimes des dirigeants partant à la retraite, des co-cédants familiaux ou co-fondateurs ? Etc.

Espérons que le nouveau paysage du régime des plus-values soit pérenne de sorte que l’administration puisse enfin y consacrer profitablement l’énergie nécessaire pour produire d’utiles commentaires.


1. Sauf une option d’application maintenue temporairement our les besoins de l’« exit tax » 2013.

 

A propos des auteurs

Luc Jaillais, avocat associé, spécialisé en fiscalité directe : Impôt sur les sociétés, Impôt sur le revenu, taxe professionnelle et retenue à la source.

Florian Burnat, avocat

 

Article paru dans la revue Option Finance du 20 janvier 2014