Les sous-traitants d’actions de formation professionnelle auront-ils tous l’obligation de se déclarer ?
4 juillet 2023
La loi n°2022-1587 du 19 décembre 2022 visant à lutter contre la fraude au compte personnel de formation (CPF) et à interdire le démarchage de ses titulaires a introduit dans le Code du travail un article L.6323-9-2, lequel dispose :
« Le prestataire mentionné à l’article L.6351-1 peut confier à un sous-traitant, par contrat et sous sa responsabilité, l’exécution des actions mentionnées à l’article L.6323-6, dans des conditions définies par voie réglementaire. Le sous-traitant doit avoir préalablement procédé à la déclaration prévue à l’article L.6351-1 et justifier du respect des conditions mentionnées aux 1° à 3° et 5° de l’article L.6323-9-1.
(…)
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Un décret en Conseil d’Etat précise les modalités de mise en Å“uvre du présent article. »
Le décret mentionné dans l’article L.6323-9-2 du Code du travail n’est pas paru à ce jour.
Dans l’attente de sa parution, il convient de se demander si tous les sous-traitants devront à l’avenir s’enregistrer et disposer d’un numéro de déclaration d’activité (DA).
Cette question n’est pas neutre, car la sous-traitance est répandue dans le secteur de la formation professionnelle et que bon nombre de sous-traitants sont des «petites» structures qui ne disposent pas d’un numéro de DA.
Or, la réponse à cette interrogation est incertaine sur le plan juridique.
 L’obligation est établie pour les sous-traitants de formations «CPF»
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Un texte légal a été introduit dans le Code du travail, à savoir l’article L.6323-9-2 énoncé ci-dessus, afin que le sous-traitant s’enregistre via la déclaration d’activité. Cet article est contenu dans le livre III formation professionnelle, Titre II, formation professionnelle continue, chapitre III, Compte personnel de formation. Les sous-traitants concernés seront donc ceux qui interviennent dans ce seul cadre.
Toutefois, le décret n’étant pas encore en vigueur, il n’est pas encore certain que tous les sous-traitants dispensant des actions de formation éligibles au CPF seront dans l’obligation de disposer d’un numéro de DA.
En effet, ainsi que le souligne le Rapport législatif, de la Commission (en date du 30 novembre 2022) :
«Le respect des conditions prévues par cet article L.6323-9-2 risque de ne pas être à la portée des plus petits organismes de formation compte tenu de la lourdeur administrative et du coût qu’elles représentent, à l’image de l’obtention de la certification Qualiopi.
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Il en va de même de l’obligation de disposer des autorisations écrites des certificateurs pour former ou évaluer aux certifications professionnelles enregistrées aux répertoires nationaux.
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Or, selon Les Acteurs de la compétence, 38 % des organismes de formation recensés en 2021 étaient des formateurs indépendants, dont 60 % exerçaient en sous-traitance.
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Cette mesure, appliquée indistinctement à tous les sous-traitants, notamment aux indépendants, pourrait donc mettre en péril une partie du secteur de la formation professionnelle. Il importe de ne pas priver les organismes de formation de la souplesse que permet le recours, ponctuel ou récurrent, à des ressources externes pour répondre aux besoins en compétences de l’économie.
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Le décret en Conseil d’État prévu pour l’application de cet article devra donc bien préciser la portée de ces obligations selon le degré d’implication des sous-traitants dans l’exécution des actions de formation et la nature du prestataire concerné.»
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Ainsi, ce rapport incite à penser que le décret devrait restreindre cette obligation à certains sous-traitants uniquement. Il conviendra donc d’attendre sa parution pour vérifier si cette position est suivie.
Néanmoins, la plateforme du CPF exige d’ores et déjà quant à elle, dans les Conditions générales d’utilisation (CGU, V.10 de mai 2023), que l’organisme de formation se porte fort du respect par son sous-traitant, dispensant l’action de formation, de la condition de possession d’un numéro de DA (art.3.1 des conditions particulières des organismes de formation).
Cet engagement de l’organisme de formation semble donc viser tous les sous-traitants dispensant des actions de formation entrant dans le champ du CPF, et ce, sans distinctions.
L’organisme de formation, qui valide les conditions particulières afin d’accéder à la plateforme, adhère de ce fait aux CGU qui ont valeur contractuelle.
Aussi, en pratique, si l’organisme de formation sous-traite une action formation éligible au CPF, et ne vérifie pas que son sous-traitant dispose d’une DA, il pourrait être sanctionné.
Diverses sanctions sont prévues dont le déréférencement de l’organisme de formation qui a sous-traité la formation (sanction entrainant l’exclusion de l’Organisme de formation de la plateforme Mon Compte Formation).
Cette obligation semble être restreinte au seul champ du « CPF » :
A ce jour, aucun texte n’impose expressément l’obligation pour tout sous-traitant de la formation professionnelle de se déclarer.
Toutefois, certaines DREETS laissent entendre que les sous- traitants devraient tous disposer d’un numéro de DA lorsqu’ils dispensent une formation sous-traitée par un organisme de formation.
Toutefois, à notre sens, au jour de la rédaction du présent article, cette obligation générale n’existe pas.
En effet, cette obligation semble spécifique car mentionnée expressément par le Code du travail uniquement pour certaines hypothèses :
⇒ Les organismes de formation (art.L.6351-1) :
«Toute personne qui réalise des actions prévues à l’article L. 6313-1 dépose auprès de l’autorité administrative une déclaration d’activité, dès la conclusion de la première convention de formation professionnelle ou du premier contrat de formation professionnelle, conclus respectivement en application des articles L. 6353-1 et L. 6353-3.
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L’autorité administrative procède à l’enregistrement de la déclaration sauf dans les cas prévus par l’article L. 6351-3.»
⇒ Les Centres de formation d’apprentis (art.L.6231-6) :
« Il est interdit de donner le nom de centre de formation d’apprentis à un organisme dont la déclaration d’activité n’a pas été enregistrée par l’autorité administrative conformément à l’article L. 6351-1 et dont les statuts ne font pas référence à l’apprentissage sans préjudice des dispositions de l’article L. 6231-5. ».
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⇒ Les sous-traitants d’actions de formation professionnelles «CPF» (cf point 1 ci-dessus).
De plus, il existe des arguments au soutien de l’absence d’obligation générale.
Pour ne citer que quelques exemples :
* Avant le 5 septembre 2018, les prestataires de formation étaient seuls soumis à l’obligation de DA. Le terme « prestataire de formation» semble donc être entendu au sens strict puisqu’il ne concernait pas les CFA. Ces derniers ont eu jusqu’au 31 décembre 2022 pour se déclarer ainsi que le leur imposait la loi du 5 septembre 2018. Une loi a donc été nécessaire pour imposer la DA à un autre organisme que les prestataires de formation.
* La loi du 19 décembre 2022 évoquée en introduction suit la même logique, en ce qu’elle crée une obligation spécifique uniquement pour la sous-traitance dans le cadre du CPF (aucune obligation générale) ;
* Un questions-réponses sur l’obligation de déclaration des sous-traitants du 7 octobre 2022 indique une absence de redressement par la DREETS du Chiffre d’affaires du sous-traité ne disposant pas d’une DA : un signe que l’administration est elle-même mal-à -l’aise sur le fondement d’une éventuelle sanction ?
* La sous-traitance n’a jamais été envisagée dans les textes avant la loi n°2022-1587, le Rapport législatif de la Commission du 30 novembre 2022 (dont une partie est cité ci-dessus) fait référence sur ce point au «recours légal mais non régulé à la sous-traitance». Il s’agit a priori d’une pratique qui s’est développée avec le temps sans cadre juridique précis et contraignant.
Cette obligation doit nécessairement être restreinte à l’avenir
Imposer à tous les sous-traitants de disposer d’un numéro de DA n’est pas neutre.
Ainsi, pour le bon fonctionnement de la formation professionnelle, il serait souhaitable que le futur décret soit suffisamment précis pour que les contours de l’obligation de procéder à une DA soient clairement définis à l’avenir.
Il serait, dans ce cadre, opportun de ne pas étendre à tous les sous-traitants l’obligation de disposer d’un numéro de DA afin de ne pas les décourager à prendre en charge les formations que les organismes de formation ne peuvent assumer notamment par manque de moyens.
AUTEURS
Christophe GIRARD, Avocat associé, CMS Francis Lefebvre Lyon
Pauline MIRANDA, Avocate, CMS Francis Lefebvre Lyon
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