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Licenciement économique collectif : précisions sur l’indemnisation de l’annulation du PSE et de celle du non-respect des critères d’ordre des licenciements

Licenciement économique collectif : précisions sur l’indemnisation de l’annulation du PSE et de celle du non-respect des critères d’ordre des licenciements

Par deux arrêts récents, la Cour de cassation a apporté d’importantes précisions en matière de contentieux faisant suite à un licenciement économique collectif.

Premièrement, en cas d’annulation de la décision ayant validé ou homologué le PSE, l’indemnité minimale de 6 mois de salaire ne se cumule pas avec les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 16 février 2022, n°19-21.140).

Deuxièmement, revenant sur sa jurisprudence antérieure, la Cour de cassation juge que le non-respect des critères d’ordre des licenciements cause nécessairement un préjudice au salarié (Cass. soc., 16 février 2022, n°20-14.969).

 

Pas de cumul de l’indemnité prévue en cas d’invalidation du PSE et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Les licenciements économiques collectifs entraînent bien souvent des contentieux nourris comprenant plusieurs ramifications.

Lorsque l’employeur est tenu d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), la contestation de la validité du PSE devant les juridictions administratives se double ainsi généralement d’une contestation devant les juridictions prud’homales des licenciements prononcés.

L’articulation de ces contentieux pose alors de nombreuses questions, notamment en termes d’indemnisation.

 

Par ces deux arrêts du 16 février 2022, la Cour de cassation limite la possibilité pour le salarié de cumuler les demandes des salariés en énonçant que l’indemnité due en cas d’annulation de la décision ayant validé ou homologué le PSE ne se cumule pas avec les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

On sait en effet qu’en cas d’annulation de la décision administrative ayant validé le PSE pour un motif autre que l’absence ou l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi, l’article L. 1235-16 du Code du travail prévoit en premier lieu la possibilité pour le salarié d’être réintégré au sein de l’entreprise, sous réserve néanmoins de l’accord des deux parties.

 

A défaut de réintégration, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à six mois de salaire. Il doit alors formuler cette demande devant le conseil de prud’hommes.

Or, le salarié peut également saisir le juge prud’homal d’une contestation de son licenciement pour des motifs ne touchant pas à la validité du PSE, liés par exemple au motif économique ou au respect de l’obligation individuelle de reclassement, et solliciter ainsi que son licenciement soit jugé comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Dans ce cas, il faut rappeler que l’article L. 1235-3 du Code du travail prévoit lui aussi en solution première la possibilité de réintégrer le salarié, que le juge peut proposer et qui doit également être acceptée par les deux parties.

Ce n’est qu’à défaut de réintégration que le juge prud’homal octroie au salarié des dommages et intérêts dont le montant est alors encadré par le barème prévu à cet article, (« barème Macron »).

 

Se pose donc la question de savoir si ces dommages et intérêts peuvent se cumuler avec l’indemnité prévue en cas d’annulation de la décision validant ou homologuant le PSE.

La Cour de cassation répond par la négative à cette question. Elle retient ainsi que ces deux indemnités poursuivent un même objectif : l’indemnisation du salarié du fait de la perte injustifiée de son emploi.

 

La conclusion de la Cour de cassation est alors parfaitement claire :

 

« l’indemnité prévue par l’article L. 1235-16 du code du travail, qui répare le préjudice résultant pour le salarié du caractère illicite de son licenciement, ne se cumule pas avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui répare le même préjudice lié à la perte injustifiée de l’emploi ».(1)

 

Si les indemnités concourent à l’indemnisation d’un même préjudice, elles ne peuvent se cumuler. En effet, un même préjudice ne peut logiquement être réparé deux fois par deux indemnités distinctes.

Les employeurs auront donc intérêt à soulever ce moyen, y compris dans le cadre des contentieux en cours pour lesquels le salarié solliciterait cumulativement ces deux indemnisations.

Il nous semble à cet égard possible de soulever que l’une des deux demandes est irrecevable.

 

En effet, selon l’article 122 du Code de procédure civile, le défaut d’intérêt constitue une fin de non-recevoir.

Or, dans cette hypothèse, le salarié ne justifie effectivement pas de son intérêt à solliciter deux indemnités concourant à l’indemnisation d’un même préjudice : étant potentiellement réparé du préjudice de perte d’emploi par l’une des deux indemnités, le salarié ne démontrera pas son intérêt à agir pour solliciter l’indemnisation de ce même préjudice par une autre indemnité.

 

Les entreprises et leur conseil doivent donc faire preuve de vigilance dans la rédaction de leurs conclusions, en particulier en appel, lorsqu’elles entendent soulever ce moyen en tant que fin de non-recevoir et non comme défense au fond.

 

Non-respect des critères d’ordre des licenciements : un retour du préjudice nécessaire

L’un des deux arrêts rendus le 16 février 2022 donne également l’occasion à la Cour de cassation de procéder à un revirement de jurisprudence s’agissant de l’indemnisation du salarié licencié en violation des critères d’ordre des licenciements.

On sait en effet qu’en cas de licenciement pour motif économique collectif, les articles L. 1233-5 à L. 1233-7 du Code du travail imposent à l’employeur d’établir des critères d’ordre des licenciements tenant compte notamment des charges de famille des salariés, de leur ancienneté, de leurs qualités professionnelles et de leur situation particulière rendant leur réinsertion professionnelle difficile, notamment pour les salariés âgés ou atteints de handicap.

Lorsque l’employeur est tenu d’établir un PSE, les critères d’ordre des licenciements sont définis au sein du PSE, que celui-ci soit établi par accord ou par décision unilatérale.

Le salarié peut alors contester, outre le bien-fondé de son licenciement, le non-respect par l’employeur de critères d’ordre des licenciements.

Cette demande doit être formée devant le conseil de prud’hommes, y compris lorsque le licenciement du salarié s’inscrit dans le cadre d’un PSE.

 

La Cour de cassation avait récemment jugé qu’en cas de non-respect de la procédure licenciement, il appartenait au juge prud’homal d’apprécier l’existence et l’étendue du préjudice subi par le salarié. Elle approuvait alors la cour d’appel qui avait débouté les salariés au motif que ceux-ci ne prouvaient pas le préjudice allégué par eux (Cass. soc., 26 février 2020, n°17-18.136).

 

Le préjudice du salarié n’était donc pas automatique et son principe même devait être prouvé pour pouvoir obtenir une indemnisation.

 

Par l’arrêt n°20-14.969 du 16 février 2022, la Cour de cassation semble revenir sur cette jurisprudence.

Elle juge en effet que « l’inobservation des règles de l’ordre des licenciements, qui n’a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, constitue une illégalité qui entraîne pour le salarié un préjudice, pouvant aller jusqu’à la perte de son emploi, sans cumul possible avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ».

 

Premièrement, le rappel du non-cumul des dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement et de ceux pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n’a rien de nouveau.

La Cour de cassation juge en effet de longue date que les dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement indemnisent eux aussi le préjudice résultant de la perte d’emploi, de sorte qu’ils ne peuvent se cumuler avec les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 22 septembre 2021, n°19-19.073).

 

En revanche, la rédaction de l’arrêt du 16 février 2022 semble indiquer que le non-respect de l’ordre des licenciements entraîne de facto un préjudice pour le salarié. Dès lors, le salarié n’aurait plus à prouver l’existence de ce préjudice.

 

Autrement dit, cette rédaction semble renvoyer à la notion de préjudice nécessaire, notion qui avait pourtant été abandonné une jurisprudence célèbre du 13 avril 2016 (Cass. soc., 13 avril 2016, n°14-28.293).

 

La solution retenue semble néanmoins logique : en effet, postérieurement à l’abandon de la théorie du préjudice nécessaire, la Cour de cassation rappelait néanmoins que la perte injustifiée de son emploi causait nécessairement au salarié un préjudice (Cass. soc., 13 septembre 2017, n°16-13.578).

Si les dommages et intérêts pour non-respect des critères d’ordre des licenciements et ceux pour licenciement abusif concourent tous deux à l’indemnisation d’un même préjudice, raison pour laquelle ils ne se cumulent pas, il semble logique que, dans ces deux hypothèses, le salarié n’ait pas à prouver l’existence de ce préjudice.

 

Il n’en demeure pas moins que cette solution s’inscrit dans une série d’arrêts récents par lesquels la Cour de cassation a semblé revenir à la théorie du préjudice nécessaire. Cela a notamment été le cas en matière :

 

    • D’atteinte à la vie privée du salarié (Cass. soc. 12 novembre 2020, n°19-20.583) ;
    • De dépassement de la durée maximale du travail (Cass. soc., 26 janvier 2022, n°20-21.636) ;
    • D’absence de mise en place des institutions représentatives du personnel (Cass. soc., 8 janvier 2020, n°18-20.591) ;
    • D’atteinte au droit à l’image du salarié (Cass. soc., 19 janvier 2022, n°20-12.420).

 

L’arrêt du 16 février 2022 ajoute donc à cette liste le non-respect par l’employeur des critères d’ordre des licenciements.

 

(1) Motivation tirée de l’arrêt n°19-21.140. L’arrêt n°20-14.969 adapte cette solution au cas d’une société visée par une procédure collective : dans ce cas l’indemnité résulte de l’article L. 1233-58 du Code du travail.