Licenciement économique et contrat de sécurisation professionnelle : l’articulation des dispositifs
27 avril 2015
Alors que le contrat de sécurisation (CSP) fait l’objet d’une nouvelle formule, la Cour de cassation a rendu, le 17 mars 2015, sa première décision sur ce dispositif, transposant sans surprise la jurisprudence appliquée à la convention de reclassement personnalisée (CRP). Cette décision nous offre l’occasion de faire un point sur ce dispositif, son articulation avec la procédure de licenciement et ses conséquences sur les possibilités de contestation de la rupture par le salarié.
On rappellera que le CSP est un dispositif d’accompagnement dans l’emploi que sont tenues de proposer les entreprises de moins de 1000 salariés ou n’appartenant pas à un groupe de plus de 1000 salariés, à chaque salarié dont elles envisagent de prononcer le licenciement pour motif économique.
Ce dispositif permet aux salariés ayant plus de deux ans d’ancienneté de bénéficier d’une indemnisation plus favorable par le Pôle Emploi, débutant dès la fin du contrat, sans différé et dont le montant s’élève depuis le 1er février 2015 à 75% du salaire journalier de référence (au lieu de 80% antérieurement) ainsi que d’un accompagnement spécifique afin de favoriser leur retour à l’emploi.
Dans l’affaire objet de la présente décision, la société avait procédé au licenciement pour motif économique d’une salariée, laquelle avait accepté le CSP puis saisi la juridiction prud’homale de demandes pour licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse.
Adhésion au CSP et contestation de la procédure de licenciement
En l’espèce, la salariée contestait la régularité de la procédure de licenciement menée à son encontre en invoquant le préjudice causé par la carence de l’employeur dans la mise en place de délégués du personnel au sein de la société.
L’employeur soutenait quant à lui que l’adhésion au CSP, entraînant une rupture d’un commun accord du contrat de travail, privait la salariée de la possibilité de contester la régularité de la procédure de licenciement engagée à son encontre.
La Cour de cassation transpose ici sans surprise le principe dégagé dans une décision du 16 mai 2013 rendue à propos de la CRP et octroie à la salariée une indemnité équivalente à un mois de salaire sur le fondement de l’article L.1235-15 du Code du travail.
Cet article prévoit l’irrégularité automatique de toute procédure de licenciement pour motif économique mise en place dans une entreprise n’ayant pas respecté ses obligations en matière de représentation du personnel et l’octroi d’une indemnité, dont la jurisprudence a précisé qu’elle est cumulable avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
A noter que l’acceptation du CSP par le salarié ne le prive pas non plus de la possibilité de contester la rupture de son contrat de travail ou son motif. Le délai de prescription est réduit à 12 mois à compter de l’adhésion au dispositif, sous réserve qu’il ait été fait mention de ce délai dans la proposition de CSP.
Proposition du CSP, notification du licenciement et obligation de reclassement
En l’espèce, la salariée avait été convoquée par courrier du 16 novembre 2011 à un entretien préalable, lequel s’était tenu le 25 novembre 2011.
Par courrier du 1er décembre 2011, la société avait adressé à la salariée des offres de reclassement assorties d’un délai de réflexion expirant le 15 décembre 2011.
Puis, par courrier du 5 décembre 2011, la société avait notifié à la salariée son licenciement à titre conservatoire, lui précisant qu’en cas de refus du CSP, ce courrier constituerait la notification de son licenciement.
Selon la salariée, dont l’argumentation a été suivie sur ce point par la Cour d’appel, le licenciement prononcé à son encontre devait être considéré comme sans cause réelle et sérieuse compte-tenu de la notification prématurée du licenciement, laquelle constituait un manquement de la société à son obligation de reclassement. La société aurait, selon elle, dû attendre sa réponse ou l’expiration des délais pour notifier le licenciement.
La Cour de cassation casse la décision de la Cour d’appel en rappelant que la lettre de licenciement envoyée à titre conservatoire n’a pour effet ni de mettre fin au contrat ni de mettre un terme au délai concernant les propositions de reclassement et confirme la validité du licenciement.
La question de l’articulation des délais légaux et des exigences jurisprudentielles
L’employeur qui envisage un licenciement pour motif économique doit prendre en compte les délais et obligations suivants :
- le délai de 21 jours dont dispose le salarié pour accepter ou refuser le CSP, lequel court à compter de la remise des documents relatifs au dispositif, c’est-à -dire, selon le type de procédure mise en place : l’entretien préalable, la dernière réunion des représentants du personnel ou la décision administrative concernant le plan de sauvegarde de l’emploi ;
- le délai prévu par le Code du travail pour la notification du licenciement : a minima sept jours ou quinze jours dans le cas d’un licenciement individuel d’un cadre après la tenue de l’entretien préalable, soit pendant le délai ouvert au salarié pour se prononcer sur le CSP ;
- le fait que l’obligation de reclassement de l’employeur perdure jusqu’à la notification, même à titre conservatoire, du licenciement, ce qui peut conduire à proposer des offres de reclassement postérieurement à la tenue de l’entretien préalable ;
- la nécessité pour l’employeur d’informer par écrit le salarié du motif économique de la rupture et de la priorité de réembauche au plus tard au moment de son acceptation du CSP.
La pratique du licenciement à titre conservatoire
En conséquence, les pratiques suivantes se sont développées, avec la validation de la jurisprudence :
- remise lors de l’entretien préalable d’un document informant le salarié du motif économique de la rupture ainsi que de la priorité de réembauche accompagnant la remise du CSP, afin d’éviter que la rupture du contrat de travail se trouve privée de cause du fait d’une acceptation rapide du CSP par le salarié ;
- envoi d’une lettre de licenciement à titre conservatoire une fois expiré le délai prévu par le Code du travail, ayant vocation à constituer la notification du licenciement en cas de refus du salarié et de prendre date pour le préavis de licenciement.
La Cour de cassation confirme ici la validité et même l’exigence d’une telle pratique lorsque le délai d’acceptation du CSP est postérieur au délai d’envoi de la lettre de licenciement, en appliquant au CSP la jurisprudence rendue en matière de CRP et en en tirant les conséquences par rapport à d’éventuelles propositions de reclassement en cours.
Il convient de rappeler que la lettre envoyée à titre conservatoire doit faire mention de la date d’expiration du délai relatif au CSP et mentionner qu’en cas de refus, elle constituera la notification du licenciement.
A notre sens, lorsque des propositions de reclassement sont en cours, il est également recommandé de rappeler dans la lettre que les propositions demeurent en vigueur jusqu’à la date prévue initialement ainsi que les conséquences de leur acceptation.
Auteurs
Vincent Delage, avocat associé en droit social.
Laure Soyer, avocat en droit social.
*Licenciement économique et contrat de sécurisation professionnelle : l’articulation des dispositifs* – Article paru dans Les Echos Business le 27 avril 2015
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