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L’intégration fiscale, toujours opportune en 2020 ? La (quasi) neutralité fiscale

L’intégration fiscale, toujours opportune en 2020 ? La (quasi) neutralité fiscale

La période de préparation des déclarations de résultats est l’occasion pour les groupes de (ré)évaluer la pertinence des choix opérés au plan fiscal, et notamment ceux qui concernent l’intégration. Mise en place ou modification d’un groupe fiscal : la décision est à considérer avant mai, en principe, pour être effective au titre de l’exercice ouvert le 1er janvier 2020.

Les groupes de sociétés ont la possibilité, sur option, de constituer une intégration fiscale. La société dite « tête de groupe » est alors instituée seule redevable de l’impôt sur les sociétés (IS) dû au titre du résultat du groupe, lequel est généré par la somme algébrique des bénéfices réalisés et des pertes subies par chacune des sociétés membres du groupe au titre de l’exercice.

L’accès au régime est ouvert aux sociétés mères qui détiennent directement ou indirectement au moins 95 % les filiales à intégrer et, dans le cas de l’intégration horizontale, aux sociétés sœurs, dont l’une se constitue tête de groupe, et leurs filiales détenues à 95 %, lorsque ces sociétés sœurs sont détenues directement ou indirectement par une même entité mère non résidente située dans l’Union Européenne (UE) ou l’Espace économique européen (EEE), sous conditions. L’option exercée par la société mère pour le régime de l’intégration est prise pour 5 ans et renouvelable tacitement, mais chaque groupe demeure libre de décider chaque année de sa poursuite ou de sa cessation, ou encore de l’intégration ou de la sortie de sociétés membres.

L’intégration fiscale est le régime de nombreux groupes parce qu’elle présente de réels avantages. Néanmoins, ces avantages ont tendance à être limités de loi de finances en loi de finances et le régime peut présenter des inconvénients à considérer. Il est donc nécessaire d’examiner la situation particulière de chaque groupe pour (ré)évaluer l’opportunité de l’option pour le régime et, le cas échéant, porter une attention particulière à l’évolution du périmètre du groupe.

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Il est nécessaire d’examiner la situation particulière de chaque groupe pour (ré)évaluer l’opportunité de l’option pour le régime et, le cas échéant, porter une attention particulière à l’évolution du périmètre du groupe.

Assiette taxable du groupe

Le résultat d’ensemble du groupe intégré est constitué de la somme algébrique des résultats des sociétés du groupe après élimination de certaines opérations internes. La possibilité de compenser les profits et pertes respectives d’entités distinctes est la raison d’être de ce régime et son avantage principal.

La neutralisation des opérations intragroupe, qui constituait un autre avantage important de l’intégration fiscale, voit en revanche sa portée de plus en plus limitée. La remontée de dividendes au sein du groupe demeure moins fiscalisée dans l’intégration mais pas totalement neutralisée, puisque la quote-part de frais et charges y est réduite de 5 % pour les dividendes ouvrant droit au régime mère filles hors de l’intégration à 1 % pour tous les versements de dividendes dans le cadre de l’intégration. Il est à noter que ce taux réduit est susceptible de s’appliquer aux dividendes reçus par une société membre du groupe en provenance de filiales établies dans l’UE ou l’EEE, par définition non intégrées (mais détenues à 95% au moins), mais également sous certaines conditions aux dividendes reçus de telles filiales par une société non membre d’un groupe.

Les résultats de cessions d’immobilisations intragroupe sont quant à eux toujours neutralisés dans l’intégration, mais pour les exercices ouverts depuis le 1er janvier 2019, la quote-part de frais et charges de 12 % réintégrée en cas de plus-value de cession de titres de participation n’est plus neutralisée. Un avantage significatif de l’intégration a ainsi disparu.

Les abandons de créances et subventions intragroupe ont subi le même sort : depuis la même date, ils ne sont plus neutralisés pour le calcul du résultat d’ensemble. Les aides autres que celles consenties à caractère commercial ou à une filiale en procédure judiciaire ont désormais un coût fiscal à mesurer dans l’intégration puisqu’elles ne sont pas déductibles chez la société versante mais restent imposables chez la société bénéficiaire.

La loi consacre en revanche la possibilité de facturer les prestations de services ou livraisons de biens intragroupe à prix coûtant (hors cession d’immobilisations), sans qu’une subvention indirecte ne soit caractérisée et imposée. Cette possibilité a été étendue aux prestations financières (prêts), avec la difficulté d’identifier le coût de revient de ces prestations. Le tout constitue une maigre consolation face aux coups de canifs régulièrement donnés dans ce régime !

Charges financières

L’intérêt de l’intégration au regard de la déduction des charges financières est à évaluer au cas par cas.

Depuis les exercices ouverts le 1er janvier 2019, la principale limite est posée par le nouveau régime de limitation de la déduction des charges financières nettes issu de la directive européenne ATAD (article 223 B bis du CGI). Le calcul s’effectue au niveau du groupe. Le montant des charges financières nettes s’obtient par la somme algébrique des produits et des charges financières des sociétés membres du groupe. Dans le cas général, les charges financières nettes supportées par le groupe sont déductibles du résultat d’ensemble dans la limite du plus élevé des deux montants suivants : trois millions d’euros ou 30 % de l’Ebitda fiscal du groupe. En cas de sous-capitalisation, ces montants sont susceptibles d’être abaissés à un million d’euros et 10 % de l’Ebitda fiscal du groupe.

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Hors intégration, ces montants sont appréciés société par société. En fonction de la typologie du groupe et des sociétés le composant (montant des produits financiers et des charges financières, Ebitda fiscal individuel, capitalisation), l’intégration fiscale peut donc être avantageuse, ou non, et il peut être opportun ou non d’intégrer certaines sociétés.

En outre, la déduction des charges financières du groupe peut être altérée en situation d’application du dispositif dit de « l’amendement Charasse » (réintégration d’une quote-part des charges financières du groupe si une filiale est intégrée après avoir été acquise auprès d’actionnaire(s) qui contrôle(nt) le groupe).

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Imposition effective du groupe

Au regard du taux effectif d’imposition, l’intégration fiscale est susceptible de présenter un véritable inconvénient en raison de plusieurs effets de seuil. D’une part, le taux de l’IS applicable peut être fonction du chiffre d’affaires (CA), lequel s’apprécie dans l’intégration fiscale en faisant la somme des CA de chacune des sociétés membres du groupe. D’autre part, le taux peut dépendre du bénéfice déclaré : ainsi pour les exercices ouverts en 2020, le taux de l’IS est fixé à 31 % au lieu de 28 % pour les bénéfices excédant 500.000 € lorsque le CA du groupe excède 250 millions d’euros. L’intégration est alors doublement pénalisante en raison du cumul des CA des sociétés du groupe et de l’application une seule fois au niveau du groupe du taux d’IS moins élevé.

En outre, la contribution sociale sur les bénéfices s’applique au taux de 3,3 % sur l’IS calculé après un abattement de 763 000 € ; or, dans l’intégration, cet abattement est décompté une seule fois, au niveau de l’IS d’ensemble, au lieu de s’appliquer à l’impôt dégagé par chaque société.

Cela étant, en termes de paiements effectifs d’IS, le surcoût éventuel généré par l’intégration peut être compensé, en tout ou partie, par l’optimisation de l’utilisation des crédits d’impôts : l’IS du groupe peut en effet être acquitté au moyen de crédits d’impôts de filiales dont la situation est insuffisamment profitable pour en permettre l’utilisation à un niveau individuel.

Imputation des déficits

Le mécanisme de plafonnement qui limite l’imputation des déficits fiscaux à hauteur d’un million d’euros plus 50 % de la fraction du bénéfice imposable excédant cette somme, suscite deux remarques :

  • dans les groupes, la limitation (et en particulier le seuil d’un million) s’applique une seule fois, au déficit d’ensemble, ce qui, a priori, constitue un inconvénient ;
  • néanmoins, pour la détermination du résultat d’ensemble, les déficits individuels des sociétés membres sont imputables sans aucun plafond sur les bénéfices constatés par les autres sociétés du groupe (après éventuelle imputation de leurs déficits antérieurs à l’intégration) au cours du même exercice, ce qui constitue un avantage majeur dans les groupes où les résultats sont très contrastés, d’autant plus lorsque les montants respectifs sont importants.

Enfin, un avantage de l’intégration subsiste en matière de déficits. On sait que la loi restreint les possibilités de transferts de déficits lors d’opération de restructurations et définit largement les cas de changements d’activité entraînant la perte des reports déficitaires : dans l’intégration, les déficits étant reportés au niveau du groupe, ils ne sont pas affectés par les changements d’activités ou restructurations opérés au niveau des sociétés membres.

Article paru dans le magazine Option Finance le 30 avril 2020

Auteurs

Frédéric Gerner, avocat associé, droit fiscal

Pauline Mosset, avocat en fiscalité directe

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