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L’intouchable article 1843-4

Intouchable, d’abord parce que les tentatives de restreindre une portée très imprécise dans le texte semblent de plus en plus vouées à l’échec ; intouchable ensuite parce que les juridictions ne semblent accepter aucun aménagement des principes qu’il pose.

Trois arrêts rendus le 4 décembre 2012 scellent, pour qui en doutait encore, le caractère sacré que réservent les juridictions à l’article 1843-4 du Code civil. Selon ce texte, dans tous les cas où sont prévus la cession des titres d’un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, leur valeur est déterminée, en cas de contestation, par un expert. Les arrêts du 4 décembre délivrent deux messages structurants. En premier lieu, et le rappel est fort, il n’est pas possible d’écarter ou de moduler l’application de ce texte : il est à prendre et non à laisser ! Ensuite, et le rappel est tout aussi puissant, la parole de l’expert tient rang jusqu’à l’erreur grossière.

Selon le premier arrêt, rendu par la Cour de cassation (n° 10-16.280), il n’est pas nécessaire que les parties aient convenu de recourir à un expert pour que sa désignation soit possible. Il est intéressant de remarquer qu’ici, les associés s’étaient engagés par avance à céder leurs actions dans le cas où ils ne seraient plus salariés de la société. Or, si le cédant avait signé une promesse unilatérale de vente, la méthode de calcul du prix des actions était, elle, prévue dans une charte extra-statutaire assimilable à un règlement intérieur de la société. Le schéma était donc un peu différent des hypothèses que l’on avait rencontré par le passé. La Cour de cassation ne s’est toutefois pas embarrassée de cette singularité : l’article 1843-4 du Code civil étant applicable à tous les cas où sont prévus la cession ou le rachat de parts sociales ou d’actions, il n’est pas nécessaire que les parties prévoient dans un document ou dans un autre la possibilité qu’un expert soit désigné pour que celui-ci puisse l’être. Il semblerait donc qu’il puisse l’être par-delà les clauses d’évaluation contenues dans une promesse, au moins tant que cette promesse n’a pas été levée.

Le deuxième arrêt, rendu par la cour d’appel de Paris (n° 11/15313) suit parfaitement le mécanisme du premier. La cour a jugé qu’une clause ne peut pas modifier la règle de l’article 1843-4. Les parties avaient prévu dans un pacte d’actionnaire l’intervention d’un collège d’experts et non d’un expert unique. Cette clause a été jugée, dans son esprit, contraire au texte qui impose un expert unique, et donc annulée.

Le dernier arrêt, rendu par la Cour de cassation (n° 11-26.520) rappelle qu’au-delà de la lettre de l’article 1843-4, c’est aussi la parole de l’expert qui jouit d’une certaine immunité, immunité qui ne tombe qu’en cas d’erreur grossière. Est-il d’ailleurs outrancier de parler d’immunité lorsque l’on sait que les décisions ayant admis l’erreur grossière sont très rares (moins de dix recensées en 12 ans) ? L’arrêt rapporté ne fera pas croître ce chiffre, l’erreur grossière ayant été rejetée par la Cour de cassation.

En somme, le message délivré ce 4 décembre 2012 rappelle le ton donné au cours de l’année écoulée et annonce sans trop d’hésitation la tonalité de l’année à venir.

 

A propos de l’auteur

Christophe Blondeau, avocat associé. Il traite plus spécifiquement des opérations transactionnelles de fusions – acquisitions, de joint-venture et de private equity. Il couvre l’ensemble des questions relatives aux opérations transactionnelles notamment dans le secteur immobilier.

 

Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 28 janvier 2013

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