Locaux industriels : une notion largement utilisée dans les contrôles visant les impôts locaux
Depuis quelques années, l’administration fiscale tend, lors de ses contrôles, à requalifier en établissement industriel des locaux/entrepôts appartenant au secteur de la distribution, de la logistique et du commerce de gros, dans lesquels pourtant aucune activité industrielle n’est exercée.
La requalification en établissement industriel est un tour de passe-passe qui aboutit à ce que la base imposable à la taxe foncière et à la cotisation foncière des entreprises (CFE) soit calculée selon la méthode « comptable » propre aux établissements industriels. Il en découle dans la majorité des cas une valeur locative foncière nettement supérieure (elle correspond en effet à 8% de la valeur brute inscrite à l’actif du bilan).
Si la requalification des entrepôts et lieux de stockage en local industriel est admise par la jurisprudence, il est crucial d’insister sur les critères posés par le Conseil d’État.
Les critères posés par le Conseil d’État en l’absence d’une définition légale
Selon la Haute juridiction, lorsqu’il n’y a dans les locaux ni fabrication ni transformation de biens corporels, la qualification d’établissement industriel est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives tenant à l’importance de l’outillage et à sa prépondérance compte tenu de la place qu’il joue dans la réalisation de l’activité.
Bien qu’une démonstration non équivoque de ces deux éléments soit expressément requise par les juges, l’administration fait fi de celle-ci, justifiant la requalification par la simple existence de quelques milliers de mètres carrés, de racks ou rayonnages sur 9 à 10 mètres de hauteur, de matériels de manutention usuels et classiques tels que des chariots élévateurs ou des transpalettes sans oublier l’usage d’un simple logiciel de gestion des stocks.
Nous ne pouvons donc que recommander aux contribuables visés de se défendre en invoquant, pour ce qui est de l’importance des moyens techniques, une approche bilancielle de ceux-ci et, pour ce qui est de leur prépondérance, une comparaison de leur rôle avec celui des autres facteurs de production nécessaires à l’activité (tel que le facteur humain).
Preuve que cette notion n’est pas stabilisée, le législateur s’interroge face aux mécontentements des contribuables à telle enseigne que certains amendements ont été proposés pour modifier l’article 1499 du CGI dans le cadre des dernières lois de finances. A ce jour, seuls des artisans sont assurés d’échapper à la requalification de leurs ateliers et sites en méthode comptable. En effet, la loi de finances pour 2018 a complété l’article 1499 du Code Général des Impôts en précisant qu’il ne s’applique pas à la détermination de la valeur locative des biens « des entreprises relevant du secteur défini à l’article 19 de la loi n°96‑603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat ».
Toutefois, les parlementaires ont également prévu la constitution d’un groupe de travail auquel les organisations professionnelles participeront pour aboutir à un rapport d’ici juillet 2018. Sur la base de ce rapport, la rédaction d’un texte figurant soit dans la loi de finances pour 2019 soit dans la loi de finances rectificative pour 2018 sera examinée.
Dans ce contexte non encore stabilisé, les contribuables faisant l’objet de contrôles fiscaux, dans le cadre desquels la requalification en local industriel est envisagée, ont la possibilité de réduire la base imposable par divers mécanismes tels que l’identification des immobilisations foncières en isolant celles relevant des biens passibles de la taxe foncière et celles qui doivent en être exclues en vertu de dispositions spécifiques mais également le recours à la valeur locative plancher en cas d’opérations de restructurations.
Des redressements initiés lors de contrôles fiscaux
Depuis la réforme de la taxe professionnelle, la détermination de la valeur locative servant de base à la taxe foncière et à la CFE des sites industriels est en effet devenue une préoccupation principale des vérificateurs dans le cadre de leurs contrôles fiscaux.
Selon l’article 1499 du CGI, la valeur locative des sites industriels est déterminée selon la méthode comptable, laquelle consiste à appliquer aux prix de revient des immobilisations passibles de la taxe foncière (terrains, aménagements des terrains, constructions et aménagements des constructions), revalorisés, un taux d’intérêt fonction de l’année d’entrée desdits biens au bilan.
Rappelons que la valeur foncière d’un site industriel est par principe déterminée par le cadastre sur la base des déclarations adressées par le propriétaire des immeubles. Selon les dispositions de l’article 1406 du CGI, doivent être déclarés les terrains et les constructions nouvelles, à leur achèvement. Ainsi il n’est pas anodin de rencontrer une situation où l’ensemble des agencements inscrits historiquement à l’actif d’une société n’ont jamais été pris en compte dans les bases d’imposition.
Toutefois et seulement depuis 2010, ce n’est que sur demande expresse que l’Administration peut demander au contribuable la liste de l’ensemble des immobilisations passibles de la taxe foncière inscrites à l’actif, ce dernier doit alors répondre dans un délai de trente jours, en application de l’article 1406- I Bis du CGI.
Conformément aux articles L 173 et 174 du LPF, en 2018, l’administration Fiscale pourra procéder à un contrôle des bases imposables de vos cotisations de CFE 2015 à 2018 et de taxe foncière 2017 et 2018. Elle dispose ainsi d’un délai d’un an au titre de la taxe foncière (sauf procédure du rôle particulier en cas d’omission ou carence déclarative) et de trois en matière de CFE. Compte tenu des bases d’imposition constituant ces deux impôts, les inspecteurs demandent logiquement en 2018 l’ensemble des immobilisations inscrites à votre actif au 31/12/2013 (bases de la CFE 2015).
Nous constatons une recrudescence, soit de contrôles fiscaux, soit de contrôles sur pièces des services de contrôle du cadastre ayant pour objectif une remise à plat de la valeur locative foncière des sites industriels, du fait de l’absence de déclaration des agencements réalisés sur des constructions préexistantes, dès lors qu’aucune procédure d’obligation déclarative spontanée n’existe pour ce type d’investissements.
Suivant une demande de traitement (contrôle fiscal des Comptabilités informatisées), l’exhaustivité de la classe 2 « Immobilisations » doit désormais être remise dans le cadre du contrôle (généralement au travers de la procédure consistant à fournir le Fichier des Ecritures comptables), de telle sorte que l’ensemble des immobilisations est transmis pour contrôle au vérificateur au titre de chacun des exercices servant de référence aux bases des taxes foncières et de CFE faisant l’objet du contrôle.
La pratique de l’administration fiscale consiste alors à retenir l’intégralité des investissements comptabilisés dans les comptes 211, 212, 213 et 214, sans toujours opérer une distinction sur la nature réelle des investissements.
Le contrôle fiscal devient alors l’occasion d’entreprendre un travail de revue exhaustive des investissements, afin de déterminer quels sont ceux qui entrent dans les bases de la taxe foncière et de la CFE et ceux qui en seront exonérés. Cette identification doit être effectuée, avec l’aide des équipes comptables et les responsables travaux et ingénieurs des bureaux d’études ayant participé à la construction des bâtiments. C’est également à cette occasion qu’il convient de procéder à l’identification des immobilisations qui n’existent plus, aux travaux de rénovation, entretien, réfection à l’identique qui ne doivent pas rentrer dans les bases imposables conformément à la doctrine de l’Administration. Toute cette analyse doit être menée en concertation avec votre vérificateur qui, dans le cadre de son contrôle pourra demander à votre entreprise tout justificatif comptable.
Enfin, l’analyse des éventuels contrats de bail ou de crédit-bail en cours ou échus doit également être réalisée ainsi que l’ensemble des opérations de restructuration dont le site contrôlé a pu faire l’objet historiquement au regard de la règle dites du plancher, laquelle varie selon les dates et la nature de opérations réalisées.
Ce n’est que lorsque l’ensemble de ces vérifications a pu être effectué qu’il est alors possible de chiffrer les conséquences financières de votre contrôle, lesquelles conduisent à minorer les redressements, voire à identifier des dégrèvements. Dans ce dernier cas (loin d’être anecdotique), des réclamations devront alors être déposées par le contribuable dans le délai de réclamation imparti, à savoir l’année en cours et l’année précédente, sauf en cas de notification au titre des années notifiées.
En cas de désaccord avec votre vérificateur il est possible de demander un rendez-vous avec le chef de brigade puis, si le désaccord persiste toujours, de porter ce débat auprès de l’interlocuteur départemental. D’expérience ces négociations aboutissent souvent à des solutions favorables, quasi impossibles à obtenir si l’entreprise attend d’être devant une juridiction pour faire valoir ses droits.
Auteurs
Cathy Goarant-Moraglia, avocat associé,  fiscalité locale
Stéphanie Riedel, fiscaliste, droit fiscal, impôts locaux
Locaux industriels : une notion largement utilisée dans les contrôles visant les impôts locaux – Article paru dans le magazine Option Finance le 15 janvier 2018
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