Logiciel libre : objectif d’ouverture des codes sources
L’article 2 de la loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique a fait des codes sources des logiciels libres utilisés par les personnes publiques des documents administratifs communicables.
A l’origine de cette mesure, un constat simple : les règles de droit étant de plus en plus nombreuses et complexes, les administrations ont recours à des algorithmes pour les aider dans l’instruction des dossiers et la prise de décision. C’est le cas par exemple pour le calcul des prestations sociales.
Ces algorithmes sont mis en œuvre par des logiciels, dont le code source prévoit les règles applicables dans chaque cas de figure ainsi que les modalités de calcul à appliquer et génère un résultat, par exemple un montant de prestations ou un refus d’attribuer une aide sociale. Le code informatique dit, en quelque sorte, le droit (code is law).
De même que la règle de droit est publique, il semble logique que ce code puisse être porté à la connaissance de public, puisqu’il fonde la prise de décision.
La Commission d’accès aux documents administratifs était d’ailleurs parvenue, avant l’adoption de la loi, à une semblable conclusion, dans plusieurs de ses décisions, par exemple en matière d’impôt sur les revenus des personnes physiques (avis n°20144578 du 8 janvier 2015) ou encore s’agissant de la plateforme APB – admission post-bac (avis n°20161989 du 23 juin 2016).
L’accès du public aux codes sources était du reste déjà permis, pour partie, par l’article 39 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978, qui dispose que toute personne peut obtenir communication des « informations permettant de connaître et de contester la logique qui sous-tend le traitement automatisé en cas de décision prise sur le fondement de celui-ci et produisant des effets juridiques à l’égard de l’intéressé ».
Mais la loi pour une République numérique généralise cette pratique, et tend vers une systématisation du partage des codes sources y compris en dehors de toute demande, sous licence libre.
Cette volonté d’ouverture des codes sources est désormais une véritable stratégie d’Etat. L’article 16 de la loi pour une République numérique dispose ainsi que les administrations doivent encourager « l’utilisation des logiciels libres et des formats ouverts lors du développement, de l’achat ou de l’utilisation, de tout ou partie » de leurs systèmes d’information.
La Cour des comptes, plus récemment, s’y est également montrée favorable. Elle considère que « le partage de développements libres apparaît désormais comme un puissant facteur d’efficience et d’influence. Il permet d’étendre la portée des mutualisations au-delà de la seule sphère de l’État » (rapport public 2018, partie I, chapitre « Amplifier la modernisation numérique de l’Etat », page 153).
Si la mise en œuvre de ce principe de partage des codes sources ne nécessite pas, en elle-même, la publication d’un décret d’application, ses modalités doivent tout de même être encadrées.
Ainsi, la Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’Etat (DINSIC) propose des services numériques qui reposent sur les logiciels libres. Un incubateur a été créé pour permettre leur développement. Il regroupe actuellement six agents permanents, qui développent avec différents acteurs (agents publics et prestataires) les outils de demain, en open source.
Mais certaines administrations sont encore rétives à cette démarche (cf : rapport public précité, page 158). Dès lors, les nouveaux logiciels peuvent ne pas être pensés pour être ensuite partagés. Et de surcroît, la question de la méthode de partage des codes sources des logiciels libres existants reste entière.
C’est pour mieux accompagner les personnes publiques que la DINSIC a ouvert un « appel à commentaires », du 6 décembre au 28 janvier 2018, qui devrait lui permettre par la suite de présenter des préconisations et des bonnes pratiques.
C’est sans nul doute soutenue par l’Etat, puisque le rapport « Donner du sens à l’intelligence artificielle : pour une stratégie nationale et européenne », rendu au Premier ministre le 28 mars 2018, en fait également un levier de développement de l’intelligence artificielle. Cette orientation a été soutenue par Emmanuel Macron lors de sa présentation au sommet All for humanity, le 29 mars 2018.
A suivre.
Auteurs
Anne-Laure Villedieu, avocat associée, droit de la propriété industrielle, droit de l’informatique, des communications électroniques et protection des données personnelles.
Hélène Chalmeton, juriste au sein du Département droit des affaires, en charge du knowledge management