Loi de finances pour 2022 : mesures intéressant les entreprises
La loi de finances pour 2022 du 30 décembre 2021, publiée au Journal officiel le 31 décembre 2021, ne porte aucune réforme majeure mais contient des mesures très diverses et d’intérêt variable. Nous revenons sur les principales mesures fiscales relatives aux entreprises.
- Bénéfices et plus-values professionnels
Dispositifs d’exonération des plus-values réalisées lors de la transmission d’entreprises. Dans la continuité du plan en faveur des indépendants présenté au mois de septembre 2021, la loi de finances modifie plusieurs dispositifs d’exonération des plus-values professionnelles réalisées lors de la transmission d’entreprises.
Pour le bénéfice de l’exonération des plus-values réalisées à l’occasion de la transmission d’une entreprise individuelle ou d’une branche complète d’activité (CGI, art. 238 quindecies), les plafonds applicables sont rehaussés de 300 000 € à 500 000 € pour l’exonération totale et de 500 000 € à 1 M€ pour l’exonération partielle. Lorsque la transmission est effectuée par une société soumise à l’impôt sur les sociétés répondant à la définition européenne des PME, le bénéfice de l’exonération est soumis au respect de la réglementation européenne relative aux aides de minimis.
Pour le bénéfice de l’exonération des plus-values de cession d’entreprise lors d’un départ en retraite (CGI, art. 151 septies A), le délai dont dispose l’exploitant pour effectivement céder son entreprise passe temporairement de deux à trois ans. Cette mesure ne vise que la situation où les exploitants font valoir leurs droits à la retraite entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021 et à condition que le départ en retraite précède la cession.
Pour le bénéfice de ces deux dispositifs d’exonération, la loi de finances autorise désormais la transmission d’une activité faisant l’objet d’un contrat de location-gérance ou d’un contrat comparable à toute autre personne que le locataire. Cette mesure s’applique dans le respect du contrat et sous réserve que la cession porte sur l’intégralité des éléments concourant à l’exploitation de l’activité.
Ces aménagements s’appliquent aux plus-values réalisées au titre de l’année 2021 et des années suivantes pour les contribuables relevant de l’impôt sur le revenu et au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2021 pour ceux soumis à l’impôt sur les sociétés.
Amortissement des fonds commerciaux. Si l’amortissement du fonds commercial est prévu par le Plan comptable général dans certaines situations (obligation en cas d’existence d’une limite prévisible à l’exploitation du fonds commercial et faculté d’amortissement sur dix ans pour les petites entreprises définies à l’article L 123-16 du Code de commerce même en l’absence de limite à la durée prévisible d’exploitation du fonds), il n’existait jusqu’à présent aucune disposition légale relative à la déductibilité fiscale de l’amortissement du fonds commercial.
La loi de finances complète l’article 39 du CGI pour poser le principe selon lequel l’amortissement des fonds commerciaux n’est pas déductible. Mais, par dérogation à ce principe, il admet la déduction des amortissements constatés dans la comptabilité des entreprises au titre des fonds commerciaux acquis à compter du 1er janvier 2022 et jusqu’au 31 décembre 2025. Il y a donc temporairement une connexion fiscalo-comptable. Afin d’éviter une double déduction fiscale, l’article 39, 1-5° du CGI prévoit une mesure destinée à articuler les provisions pour dépréciation et les amortissements constatés au titre d’un même fonds. La provision constituée à raison d’un fonds commercial dont l’amortissement est admis en déduction est ainsi rapportée aux résultats imposables de chacun des exercices suivant celui au titre duquel elle a été déduite, pour un montant égal à la différence entre l’amortissement qui aurait été pratiqué si la provision n’avait pas été comptabilisée et l’amortissement effectivement comptabilisé à la clôture de l’exercice.
Report en arrière des déficits. Pour les déficits constatés au titre d’exercices clos à compter du 31 décembre 2021, la fraction du bénéfice de l’exercice précédent qui a donné lieu à un impôt payé au moyen de réductions d’impôts (notamment la réduction d’impôt dite « mécénat », prévue à l’article 238 bis du CGI) est exclue du bénéfice d’imputation sur lequel le déficit d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés peut être reporté en arrière.
- International
Retenues à la source applicables aux sociétés non-résidentes. Mettant la législation française en conformité avec le droit de l’Union européenne, la loi de finances aménage les dispositifs de retenue à la source non salariaux afin de permettre désormais un calcul de l’assiette des retenues à la source sur une base nette et non plus sur une base brute, lorsque le fait générateur intervient à compter du 1er janvier 2022. D’une part, l’article 182 B du CGI (retenue à la source sur les bénéfices non commerciaux, les rémunérations de prestations de toute nature et de prestations sportives, ainsi que sur les produits de la propriété intellectuelle) prévoit désormais que pour le calcul de la retenue à la source, les personnes morales et organismes établis dans l’UE ou dans un Etat partie à l’accord sur l’EEE et ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale percevant des revenus de source française bénéficient d’un abattement forfaitaire de 10 % des sommes ou produits perçus. D’autre part, les bénéficiaires des produits et sommes soumis à la retenue à la source précitée ainsi qu’aux retenues à la source prévues au 2 de l’article 119 bis (revenus de capitaux mobiliers) et à l’article 182 A bis (rémunérations de prestations artistiques) peuvent demander sous certaines conditions une restitution a posteriori de la différence entre l’imposition versée et l’imposition déterminée à partir d’une base nette des charges d’acquisition et de conservation directement rattachées à ces produits et sommes. La restitution est réservée aux personnes morales ou organismes établis dans l’UE ou dans un autre Etat de l’EEE, sauf pour la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis pour laquelle la restitution peut également profiter dans certains cas à un bénéficiaire de revenus de capitaux mobiliers établi dans un pays tiers. Les entités localisées dans un Etat non coopératif au sens de l’article 238-0 A du CGI ne peuvent pas bénéficier de la restitution.
Quelques assouplissements sont par ailleurs apportés au dispositif de report d’imposition mis en place par la loi de finances pour 2020 pour la restitution de la retenue à la source des entreprises étrangères déficitaires (CGI, art. 235 quater).
Lutte contre les dispositifs hybrides. Il est rappelé que les dispositifs hybrides correspondent aux mécanismes exploitant des divergences entre législations nationales dans l’objectif de créer des asymétries fiscales favorables aux entreprises. Ces asymétries peuvent notamment consister en la double déduction d’une même charge, la double exonération d’un même produit ou la déduction d’une charge dans un Etat sans prise en compte corrélative du produit (ou « inclusion ») dans l’autre Etat.
Parmi les différentes situations recensées par l’article 205 B du CGI, les paiements effectués au titre d’un instrument financier hybride et les situations de double déduction font l’objet de règles spécifiques concernant les modalités d’appréciation du traitement fiscal à l’étranger. L’inclusion (ou la double inclusion) d’un revenu dans le résultat fiscal étranger ne s’apprécie pas seulement au titre de l’exercice de déduction de la charge en France, mais également au titre d’un exercice quelconque commençant dans les vingt-quatre mois suivant la fin de l’exercice de déduction en France. Pour l’impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2021, la loi de finances précise qu’en cas d’application de l’un de ces deux dispositifs, la réintégration de la charge dans le résultat imposable français doit être effectuée au titre du dernier exercice ayant commencé au cours des vingt-quatre mois suivant la fin de l’exercice au titre duquel cette charge a été initialement déduite.
En d’autres termes, le résultat devant être corrigé en l’absence d’inclusion d’un revenu à l’étranger n’est pas l’exercice au titre duquel la charge a été déduite en France, mais le dernier exercice ouvert pendant le délai précité de vingt-quatre mois.
- Recherche et innovation
Crédit d’impôt pour contrat de collaboration avec des organismes de recherche. La loi de finances instaure sous certaines conditions un crédit d’impôt au bénéfice des entreprises qui concluent à compter du 1er janvier 2022 des contrats de collaboration avec certains organismes de recherche agréés et qui financent, dans ce cadre, les dépenses de recherche exposées par ces organismes. Les contrats de collaboration sont des contrats visant au portage commun, par une entreprise et un ou plusieurs organismes de recherche, de projets de recherche. Ils reposent sur un partage des risques et des résultats liés au projet et se distinguent de la sous-traitance classique en ce qu’ils établissent un partage des coûts, mais ne donnent pas lieu à la facturation, par les organismes de recherche, d’une marge commerciale, dès lors que les résultats mêmes du projet bénéficient à toutes les parties prenantes.
L’assiette du crédit d’impôt est égale au montant des dépenses facturées par les organismes de recherche pour la réalisation des opérations mentionnées dans le contrat de collaboration et satisfaisant plusieurs critères, retenues dans la limite de 6 M€ par an. Le taux du crédit d’impôt, en principe égal à 40 %, est porté à 50 % pour les entreprises qui répondent à la définition des PME européennes. Ce nouveau crédit d’impôt en faveur de la recherche collaborative est utilisé selon les mêmes modalités que le crédit d’impôt recherche. Pour le calcul de ce dernier, le taux applicable (30 %, puis 5 % pour la fraction des dépenses de recherche excédant 100 M€) est déterminé en prenant en compte également les dépenses de recherche collaborative.
Crédit d’impôt innovation. Le « CII » prévu à l’article 244 quater B, II-k du CGI est prorogé jusqu’au 31 décembre 2024. Pour les dépenses exposées à compter du 1er janvier 2023, sa base de calcul est déterminée sans prise en compte des dépenses de fonctionnement fixées de manière forfaitaire et les taux du crédit d’impôt sont rehaussés (taux de droit commun de 20 % porté à 30 %, et taux majoré outre-mer de 40 % porté à 60 %).
- Taxe sur la valeur ajoutée
Mettant la législation française en conformité avec le droit de l’Union européenne, la loi prévoit que, pour les livraisons de biens, la TVA sera exigible dès l’encaissement des éventuels acomptes effectués à compter du 1er janvier 2023. Par ailleurs, elle assouplit le régime de l’option pour la taxation des opérations des acteurs du secteur financier en leur permettant de choisir d’appliquer ou non la TVA pour chacune des opérations éligibles, à compter du 1er janvier 2022.
- Autres mesures
Sans entrer dans les détails, signalons que la loi de finances, outre qu’elle proroge certains régimes de faveur et supprime à l’inverse certains dispositifs jugés inefficients, allonge le délai d’option ou de renonciation pour un régime réel d’imposition dont disposent les exploitants soumis au régime « micro », et prévoit que les entrepreneurs individuels pourront opter pour l’impôt sur les sociétés. Elle comporte aussi plusieurs mesures liées au contrôle fiscal, parmi lesquelles de nouvelles obligations déclaratives et d’informations imposées aux opérateurs de plateforme facilitant des transactions sur leur site internet, la mise en conformité constitutionnelle du défaut de facturation et la majoration de l’amende pour obstacle à l’accès aux documents informatiques lors d’une visite domiciliaire.
Article paru dans Option Finance le 17/01/2022
Auteurs
Amélie Nithart, Fiscaliste
Anaïs Okouda, Professional Support Lawyer Fiscal
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