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Loi « Evin » : vers un réquilibrage entre publicité et information en matière de boissons alcooliques

Loi « Evin » : vers un réquilibrage entre publicité et information en matière de boissons alcooliques

Promulguée le 10 janvier 1991, la loi n°91-32 dite loi « Evin » reste l’objet de nombreux contentieux et de forts clivages politiques concernant les dispositions encadrant la publicité en faveur des boissons alcooliques.

La loi Evin pose en effet un principe d’interdiction de la publicité et de la propagande, tant directe qu’indirecte en faveur des boissons alcooliques. La publicité n’est licite que si elle respecte une liste limitative de supports et de contextes, se borne aux seules mentions autorisées et contient un message à caractère sanitaire.

Si l’objectif de préservation de la santé publique, à l’origine de ce texte, est louable, son application très rigoureuse a conduit la jurisprudence à interdire certains messages publicitaires qui auraient pu s’inscrire dans le cadre des dispositions légales prévues. Ainsi des contenus d’ordre journalistique, culturel ou œnotouristique étaient susceptibles d’être assimilés à de la publicité ou de la propagande illicite, ce qui entraînait un risque d’autocensure, voire d’atteinte au développement même de l’œnotourisme. Dans ce contexte, des voix se sont élevées afin de solliciter un assouplissement visant à préciser que ne relèvent pas de la publicité et de la propagande de tels contenus.

Lors de l’examen du projet de loi « Modernisation de notre système de santé« , les sénateurs ont adopté à une très large majorité un amendement en ce sens précisant « que ne relèvent pas de la publicité et de la propagande les contenus liés notamment à une région de production ou encore au patrimoine culturel, gastronomique ou paysager liés à une boisson alcoolique disposant d’une identification de la qualité ou de l’origine ou bien liés à un terroir protégé« 1.

Soulignons que cet amendement avait d’ailleurs d’abord été intégré par le Gouvernement dans le cadre de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 dite loi « Macron » mais qu’il avait été ensuite censuré par le Conseil constitutionnel pour des raisons de forme2 (décision n°2015-715 DC du 05 août 2015).

S’il est validé par la commission mixte paritaire, cet amendement devrait tempérer une certaine insécurité juridique actuelle, en assurant un équilibre mieux dosé entre prévention contre les excès de la promotion en faveur de l’alcool et préservation de l’information journalistique et œnotouristique.

Notons enfin que cet amendement intervient alors que la Cour de cassation vient de retenir une approche moins sévère de l’application de la loi, en admettant la représentation, dans certaines conditions, de membres de la filière de production et de commercialisation de vins tenant un verre à moitié plein et sans que l’impression de plaisir se dégageant des visuels excède ce qui est nécessaire à la promotion du produit (Cass. Civ. 1re, 1er juillet 2015, n°14-17.368).

Notes

1 Cet amendement, présenté le 14 septembre 2015 par M. Roland Courteau, intégrerait, après l’article L.3323-3 du Code de la santé publique, un article L.3323-3-1 ainsi rédigé : « Ne sont pas considérés comme une publicité ou une propagande, au sens du présent chapitre, les contenus, images, représentations, descriptions, commentaires ou références relatifs à une région de production, à une toponymie, à une référence ou à une indication géographique, à un terroir, à un itinéraire, à une zone de production, au savoir-faire, à l’histoire ou au patrimoine culturel, gastronomique ou paysager liés à une boisson alcoolique disposant d’une identification de la qualité ou de l’origine, ou protégée au titre de l’article L.665-6 du code rural et de la pêche maritime« .
2 Cet amendement avait été qualifié de « cavalier législatif », qualificatif applicable à un article dont les dispositions sont dépourvues de lien avec le sujet traité par le projet de loi.

 

Auteurs

Denis Redon, avocat associé en droit de la concurrence.

Sabine Rigaud, avocat, droit de la propriété intellectuelle