Loi Macron : un plafonnement des indemnités pour sécuriser les entreprises

13 juillet 2015
Depuis longtemps les entreprises se plaignent d’un manque de prévisibilité des condamnations en cas de procédure prud’homale. Il s’agirait selon elles de l’un des principaux freins à l’embauche. Dans sa dernière version, qui devrait être définitive sur ce point, la loi Macron vise donc à satisfaire cette revendication par l’instauration de fourchettes et d’un plafonnement de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Une liberté presque totale des Conseils de prud’hommes jusqu’à maintenant
Les Conseils de prud’hommes disposent jusqu’à maintenant d’une liberté presque totale d’appréciation du montant de l’indemnité à laquelle ils peuvent condamner un employeur en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En effet et lorsque le salarié concerné a moins de deux ans d’ancienneté ou lorsque l’entreprise compte moins de onze salariés, l’indemnité doit correspondre au préjudice subi sans autre précision. Lorsque le salarié a plus de deux ans d’ancienneté ou lorsque l’entreprise compte au moins onze salarié, cette indemnité ne peut être inférieure à six mois de salaire sans qu’il n’existe aucun plafonnement.
Cette liberté d’appréciation conduit, dans des cas pourtant similaires, à des jugements très différents d’un Conseil de prud’hommes à un autre et parfois d’une formation à une autre au sein d’un même Conseil. Un salarié peut donc percevoir une indemnité qui peut varier du simple au double selon son lieu de saisine et la formation chargée de juger son affaire, d’où l’impression de « loterie» que déplorent les entreprises.
C’est cette incertitude que le législateur tente de diminuer pour donner plus de visibilité aux entreprises et pour les sécuriser.
L’instauration d’un barème indicatif en bureau de conciliation depuis 2013
Ce n’est pas la première tentative en ce sens puisqu’en 2013, un barème d’indemnisation forfaitaire a été créé afin de servir de référence aux Conseils de prud’hommes en cas d’accord des parties lors du bureau de conciliation.
Ce barème a été établi en fonction de l’ancienneté du salarié et prévoit le versement d’une indemnité de deux, quatre, huit, dix ou quatorze mois selon que l’ancienneté est inférieure à deux ans, comprise entre deux et huit ans, huit et quinze ans, quinze et vingt-cinq ans ou supérieure à vingt-cinq ans.
Ce barème n’est cependant qu’indicatif et ne différencie pas les entreprises en fonction de leur taille. Il n’est donc utilisé que de façon très marginale.
C’est fort de ce constat que la loi Macron propose désormais d’encadrer le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse accordée par le bureau de jugement.
La loi Macron instaurera désormais des fourchettes et un plafonnement d’indemnisation
Les fourchettes proposées varient selon la taille de l’entreprise et l’ancienneté du salarié et sont les suivantes :
Effectif de l’entreprise | ||||
---|---|---|---|---|
Moins de 20 salariés | Entre 20 et 299 salariés | A partir de 300 salariés | ||
Ancienneté du salarié dans l’entreprise | Moins de 2 ans | Maximum 3 mois | Maximum 4 mois | Maximum 4 mois |
De 2 ans à moins de 10 ans | Minimum 2 mois Maximum 6 mois | Minimum 4 mois Maximum 10 mois | Minimum 6 mois Maximum 12 mois |
|
10 ans et plus | Minimum 2 mois Maximum 12 mois | Minimum 4 mois Maximum 20 mois | Minimum 6 mois Maximum 27 mois |
Ce tableau, tout en étant assez simple, vise beaucoup plus de situations que ne le fait la loi actuellement applicable ou le barème instauré en bureau de conciliation. Il permet donc incontestablement plus de visibilité aux entreprises, notamment par l’instauration d’un plafonnement systématique.
Cependant les fourchettes demeurent assez larges et l’effet de sécurisation prévaudra surtout pour les PME et PMI qui bénéficieront clairement d’une fourchette beaucoup plus adaptée à leur situation, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent. Les grandes entreprises continueront quant à elles à rester dans l’incertitude d’un risque qui restera, même dans la limite des plafonds fixés, très élevé et très aléatoire.
Plusieurs exceptions pas forcément indispensables
Il convient par ailleurs de noter que ces plafonds pourront ne pas être respectés en cas de faute de l’employeur d’une particulière gravité, les cas visés étant notamment ceux du harcèlement moral ou sexuel, du licenciement discriminatoire, de la violation de l’exercice du droit de grève ou de l’exercice d’un mandat par un salarié protégé ou la violation de la protection dont bénéficient certains salariés.
Cette disposition paraît ainsi contradictoire avec l’effet de sécurisation recherché dès lors que toutes ces situations permettent en principe l’octroi d’une indemnisation distincte de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sorte qu’il n’était pas forcément nécessaire d’en impacter le montant.
Des règles applicables sans préjudice de celles applicables en cas de licenciement pour motif économique
Il convient en outre de préciser que ces nouvelles règles d’indemnisation devront s’appliquer sans préjudice des différentes règles applicables en cas de licenciement pour motif économique (nullité, non-respect des procédures d’information et consultation, non-respect de la priorité de réembauchage, absence de mise en place des institutions représentatives du personnel, etc.).
Cette loi Macron va donc dans le sens d’une sécurisation plus importante des entreprises qui seront mieux en mesure de prévoir le risque prud’homal auquel elles seront confrontées.
Ce sont toutefois essentiellement les PME et PMI qui en seront les principales bénéficiaires.
Auteur
Laurent Kaspereit, avocat spécialisé en matière de contentieux social devant toute juridiction.
*Loi Macron : un plafonnement des indemnités pour sécuriser les entreprises* – Article paru dans Les Echos le 8 juillet 2015
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