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Loi sur les retraites : une réforme inachevée

Sans remettre en cause les dispositifs de cumul emploi-retraite et de retraite progressive favorisant l’emploi des seniors, la nouvelle loi sur les retraites les aménage pour tenir compte des effets du nouvel allongement de la durée des cotisations.

Pour faciliter l’acceptation de l’allongement progressif de la durée de cotisation pour liquider sa retraite à taux plein, le gouvernement procède, dans le cadre du projet de loi sur les retraites, à quelques assouplissements en faveur des salariés, sauf pour le cumul emploi-retraite.

Le dispositif de retraite progressive « peu utilisé » est ainsi rénové.

D’autres aménagements sont prévus pour permettre aux salariés d’acquérir plus facilement des trimestres d’assurance auprès de l’assurance-vieillesse (prise en compte selon certaines conditions, des stages, des périodes d’apprentissage et des périodes de formation des demandeurs d’emploi, diminution du plafond de revenu minimum pour valider un trimestre).

En revanche, on peut déplorer l’absence de mesures attractives pour les entreprises qui subissent une nouvelle hausse des parts salariales et patronales des cotisations d’assurance-vieillesse, certes compensée par une baisse de la cotisation patronale d’allocations familiales.

Toutefois cette hausse est aggravée par des cotisations pour financer le dispositif de pénibilité (une cotisation minimale pour tous les employeurs et une additionnelle, plus élevée propre à chaque entreprise en fonction de leur facteur de pénibilité et ayant pour assiette la rémunération des salariés exposés à la pénibilité).

La retraite progressive : assouplissement des conditions d’accès

Devant le peu de succès rencontré par ce dispositif ayant pour objet de faciliter la transition entre emploi et retraite, celui-ci est réaménagé.

Ce dispositif permet de cumuler, dans le cadre d’une activité réduite, une rémunération tout en percevant une partie des pensions de retraite.

Il permet de continuer à valider des trimestres d’assurance-vieillesse pour bénéficier du taux plein lors de la liquidation de la retraite complète, ce qui n’est pas le cas dans le cadre du cumul emploi-retraite plafonné.

Le montant de la retraite progressive varie en fonction de l’importance de l’activité à temps partiel. À titre d’illustration, pour un temps partiel représentant entre 40% et 60% d’un temps plein, l’intéressé peut percevoir 50% des pensions de retraite.

Ce dispositif était ouvert aux salariés ayant l’âge minimum pour liquider leur retraite, soit 62 ans pour les assurés nés à partir de 1955 et justifiant de 150 trimestres d’assurance.

La loi abaisse la condition d’âge de deux ans : les personnes nées avant 1953 pourront donc opter dès à présent pour la retraite progressive. En revanche, celles nées en 1954 devront attendre, ce dispositif n’étant accessible qu’à partir de 60 ans.

En outre, la loi prévoit une innovation intéressante : la condition de durée d’assurance requise pour accéder à la retraite progressive comprendrait les périodes de cotisations au sein des autres régimes.

Enfin, le barème fixant le montant de la retraite progressive et l’importance de l’activité à temps partiel serait revu afin de le rendre plus attractif et de permettre un montant proche du salaire à plein temps.

Cumul emploi-retraite : un frein à l’incitation à la reprise d’activité des retraités

Afin de favoriser le taux d’emploi des seniors, la loi de financement pour la sécurité sociale pour 2009 a institué la possibilité d’un « cumul intégral » d’une retraite et d’une rémunération au titre d’une activité reprise.

Ce cumul intégral n’est possible que sous réserve de liquider sa retraite à taux plein et de la rupture du contrat de travail.

Toutefois, l’activité peut être reprise immédiatement sans délai de carence dans le cadre d’un nouveau contrat de travail.

En cas de poursuite d’une activité salariée, celle-ci ne donnait pas lieu à de nouveaux droits au titre de la retraite.

En revanche, si l’activité reprise s’effectuait dans un autre régime (par exemple, lorsqu’une personne devenait travailleur indépendant une fois sa retraite de salarié liquidée), celle-ci continuait à acquérir des droits dans le cadre du régime des non-salariés.

Le projet de loi prévoit désormais, de manière générale, que les cotisations seraient non génératrices de droits nouveaux à la retraite dans quelque régime que ce soit dont est pensionné l’assuré.

Cette disposition n’étant applicable que pour les assurés dont la première pension prend effet à compter du 1er janvier 2015, cette modification crée une différence de traitement entre les assurés en cumul emploi-retraite avant le terme de l’année 2014 et ceux cumulant postérieurement au 1er janvier 2015.

Cette règle concerne donc également le cumul emploi-retraite « plafonné », réservé aux salariés ayant l’âge de liquider leur retraite mais ne bénéficiant pas du taux plein.

Ce dispositif permet à ces salariés de cumuler leur emploi avec une retraite dès lors que l’ensemble des pensions servies et des revenus procurés par l’activité poursuivie ne dépasse pas la moyenne des salaires perçus au cours des trois derniers mois antérieurement à la liquidation. À défaut, le versement des pensions de retraite fait l’objet d’une suspension.

Afin d’échapper à l’application de ce plafond, les retraités salariés reprenaient une activité entraînant leur affiliation à un autre régime tel que celui des non-salariés, aucune limite n’étant alors applicable.

Un décret devrait instituer un plafond incluant également les revenus perçus dans un autre régime.

En revanche, en cas de dépassement du plafond, il n’y aurait plus de suspension du versement des pensions mais seulement une réduction des pensions à due concurrence.

On peut regretter que le législateur n’ait pas procédé à un aménagement plus significatif consistant, à tout le moins, à supprimer le délai de six mois imposé pour reprendre une activité dans la même entreprise.

La réforme des retraites adoptée par l’Assemblée le 26 novembre, et dont la lecture définitive est programmée le 18 décembre 2013, comporte quelques mesures techniques intéressantes mais est loin de simplifier et clarifier les différents dispositifs en vigueur, ce qui aurait été utile dans le contexte économique actuel. On est loin dans ce domaine du choc de simplification.

A propos de l’auteur

Nicolas Callies, avocat associé. Il est spécialisé dans la réorganisation de grands groupes industriels et d’établissements financiers, dans l’accompagnement lors de négociation avec les partenaires sociaux dans des contextes de crise, dans l’assistance à l’occasion de la négociation annuelle obligatoire et de négociation de statut collectif, d’accords seniors, GPEC, droit syndical… dans les contentieux collectifs (contestation désignation d’expert, élections professionnelles…), l’épargne salariale (négociation d’accords d’intéressement, de participation et plan d’épargne dans de grands groupes), la formation en matière sociale des directeurs d’agence d’un établissement financier et de directeurs de magasin et responsables régionaux d’un groupe de distribution, le contentieux prud’homaux, le statut des dirigeants et l’assistance lors des contrôles URSSAF et contentieux sécurité sociale

 

Article paru dans Les Echos Business du 2 décembre 2013