Lois de finances de fin 2017 : que doivent retenir les entreprises ?
Les lois de finances de fin d’année comportent de nombreuses mesures, mais quelques-unes seulement méritent une attention particulière.
Les lois de fin d’année sont aussi denses que celles des années précédentes : 178 articles pour la loi n°2017-1837 de finances pour 2018 (LF), 96 pour la loi 2017-1775 de finances rectificative pour 2017 (LFR).
Mais les mesures fiscales susceptibles d’avoir un impact significatif sur la vie des entreprises sont, comme souvent, relativement peu nombreuses. En voici les principales.
1. Baisse de l’IS
La loi (LF) modifie le calendrier de la baisse de l’IS décidée il y a un an. Le taux normal de l’impôt sera ainsi fixé:
- pour les exercices ouverts en 2018, à 33,1/3% (28% pour la fraction de bénéfices n’excédant pas 500 000 €) ;
- pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019, à 31% (28% pour la fraction de bénéfices n’excédant pas 500 000 €) ;
- pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020, à 28% ;
- pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2021, à 26,5% ;
- pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2022, à 25%.
La loi a renoncé à étendre le champ des PME éligibles au taux réduit de 15% et a, par ailleurs, formellement supprimé la contribution additionnelle de 3% sur les distributions.
Comme l’an dernier (pour plus de détails, voir Option finance du 9 janvier 2017, p. 36), des effets sont à anticiper notamment pour les impôts différés et pour les groupes intégrés.
2. Suppression du CICE
Le CICE a vu son taux ramené de 7% à 6% pour les rémunérations versées en 2018 (le taux spécial de 9% dans les DOM reste inchangé) et il disparaîtra pour les rémunérations versées à compter du 1er janvier 2019, qui bénéficieront en remplacement d’une baisse des cotisations patronales inscrite dans la loi de financement de sécurité sociale pour 2018.
3. Des mesures concernant les plus-values
Plusieurs nouveautés concernent les plus-values.
La LFR prévoit une importante réforme du régime de faveur des restructurations (voir le numéro d’Option finance du 8 janvier 2018) et précise par ailleurs que le sursis d’imposition s’applique aux opérations de regroupement ou division d’actions, ou de conversion d’actions en certificats mutualistes ou paritaires. Elle prévoit enfin un régime de report pour les échanges de terres agricoles.
La LF proroge le taux d’IS de 19% en cas de cession de locaux professionnels pour leur transformation en logements. Son application est modifiée à compter de 2018 : limitation aux zones géographiques tendues (communes classées dans les zones A et A bis) et élargissement aux cessions de terrains à bâtir au sens de la réglementation TVA.
Enfin, la LF abaisse de 16% à 12,8% le taux forfaitaire d’impôt sur le revenu applicable aux plus-values professionnelles à long terme, pour les plus-values réalisées dès l’année 2017.
4. Le contenu de la documentation prix de transfert est précisé
On sait que certaines sociétés sont soumises, par l’article L 13 AA du LPF, à l’obligation de préparer une documentation à tenir à disposition de l’administration, pour justifier la politique de prix de transfert pratiquée dans le cadre des transactions avec les entreprises liées.
Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2018, les règles sont révisées par la LF pour tenir compte des règles élaborées dans le cadre de l’action 13 du plan BEPS de l’OCDE.
La structure générale de la documentation reste inchangée, avec 2 fichiers, mais les sociétés devront détailler davantage la nature des informations devant y figurer. Un article sera consacré à ces modifications dans un prochain numéro d’Option finance.
5. Revenus de source étrangère
La LFR interdit désormais la déduction du résultat taxable des impôts étrangers prélevés conformément aux stipulations d’une convention fiscale.
On rappelle que les conventions fiscales accordent généralement un crédit d’impôt imputable sur l’IS égal à l’impôt étranger. Mais la double imposition n’est pas éliminée lorsque ce crédit d’impôt tombe en non-valeur, notamment lorsque les sociétés françaises ne paient pas d’IS du fait d’un résultat déficitaire. Ces sociétés regretteront donc que la loi les prive de la possibilité qui leur était reconnue auparavant de calculer leur déficit fiscal en tenant compte de la charge correspondant à l’impôt étranger acquitté, chaque fois que la rédaction de la convention applicable ne s’y opposait pas expressément.
La loi semble au moins confirmer la déductibilité des impôts prélevés par un Etat étranger en violation de la convention applicable.
6. Charges financières liées à l’acquisition de titres de participation
On sait que l’article 209 IX du CGI limite la déduction des charges financières afférentes à l’acquisition de titres de participation par une société française lorsque le pouvoir de décision ou le contrôle effectif est exercé par une société étrangère.
La LF modifie la règle pour prévoir que pour les acquisitions au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2017, une société française pourra échapper au dispositif si sa société contrôlante (qui prend les décisions relatives aux titres) est établie dans l’UE ou l’EEE.
7. Taux des prélèvements sur les revenus versés aux résidents et aux non-résidents
La LFR apporte quelques modifications peu significatives à la réforme du prélèvement à la source qui doit finalement entrer en vigueur au 1er janvier 2019.
La LF introduit le prélèvement forfaitaire unique (flat tax) pour la plupart des revenus de capitaux mobiliers perçus à compter du 1er janvier 2018. Dans ce cadre, pour les distributions et les intérêts versés à compter de cette date, les sociétés devront retenir le prélèvement au titre de l’IR au taux de 12,8% (au lieu de 21% ou 24% jusque-là , selon la catégorie de revenu) et les prélèvements sociaux au taux de 17,2% prévu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.
En cas de versement à des non-résidents, la loi distingue :
- la retenue à la source de l’article 182 B du CGI pour les revenus non salariaux ou assimilés : son taux sera à l’avenir aligné sur le taux normal de l’IS (qui va évoluer à la baisse),
- la retenue à la source de l’article 187 du CGI pour les distributions : son taux sera à l’avenir abaissé pour suivre le taux normal de l’IS (pour les personnes morales) et passe, pour les distributions à des personnes physiques à 12,8% dès le 1er janvier 2018.
8. Attributions d’actions gratuites
La LF prévoit, pour les plans nouvellement autorisés, un abattement de 50% sur les gains d’attribution pour la fraction inférieure de 300.000 euros par an (en cas de détention pendant 8 ans, cet abattement pouvait auparavant atteindre 65% ou 85%), et le taux de la contribution patronale repasse de 30% à 20%.
9. CVAE dans les groupes
La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) est un impôt progressif, dont les taux s’échelonnent de 0,5% à 1,5% selon que le chiffre d’affaires du redevable varie entre 500 000 euros et 50 millions d’euros. La LF rétablit en l’élargissant la règle spéciale qui s’appliquait aux sociétés membres d’un groupe intégré avant la décision du Conseil constitutionnel du 19 mai 2017 n°2017-629 QPC).
La loi décide, à compter des impositions dues au titre de 2018, que lorsqu’une entreprise remplit les conditions de détention fixées au I de l’article 223 A du CGI pour être membre d’un groupe, le chiffre d’affaires à retenir pour le calcul de la CVAE s’entend de la somme de son chiffre d’affaires et des chiffres d’affaires des entreprises qui remplissent les mêmes conditions pour être membres du même groupe.
Cette règle s’applique y compris lorsque les entreprises en question ne sont pas membres d’un groupe d’intégration, et quels que soient le régime d’imposition des bénéfices de l’entreprise (IR ou IS y compris lorsque le taux applicable n’est pas de droit commun ou que la société est exonérée d’IS), le lieu d’établissement, la composition du capital et le régime d’imposition des bénéfices des entreprises qui la détiennent.
Enfin la consolidation ne s’applique pas lorsque la somme des chiffres d’affaires est inférieure à 7 630 000 €.
10. Réduction du taux des intérêts de retard et des intérêts moratoires
Le taux d’intérêt qui s’applique notamment en cas de réclamation ou de rectification en cas de non-respect de l’obligation de déclarer et payer ses impôts aux dates légales était jusque-là fixé à 0,40% par mois soit 4,80% par an – un taux qui ne correspondait plus à la réalité du marché.
Le taux de l’intérêt de retard dû par le contribuable au titre des impositions, tel l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu, recouvrées par la direction générale des finances publiques (CGI, art. 1727), le taux de l’intérêt de retard dû par le contribuable au titre des contributions indirectes prévues par le code des douanes (code des douanes, art. 440 bis), le taux de l’intérêt moratoire dû par l’Etat (LPF, art. L. 208) et le taux de l’intérêt moratoire dû par le contribuable (LPF, art. L. 209) sont ramenés à 0,20% par mois soit 2,40% par an pour les intérêts courant du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020. Le taux des intérêts courus avant cette date n’est pas modifié.
11. Extension du recours obligatoire aux téléprocédures par les entreprises
Le législateur étend le recours obligatoire aux téléprocédures de 2018 à 2020 pour notamment :
- la déclaration de résultats des SCI non soumises à l’IS (n°2072), même pour celles dont le nombre d’associés est inférieur à 100, à compter d’une date fixée par décret et au plus tard au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2019 ;
- la déclaration relative au crédit d’impôt recherche (n°2069-A SD), à compter d’une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2020 ;
- la déclaration de taxe de 3% sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des entités juridiques, à compter d’une date fixée par décret et au plus tard le 31 décembre 2020.
Rappelons que le non-respect de l’obligation de souscrire par voie électronique une déclaration et ses annexes est sanctionné par une majoration de 0,2% des droits correspondant aux déclarations déposées selon un autre procédé (avec un minimum de 60 €).
12. Régime des micro-entreprises
La loi de finances pour 2018 modifie les règles d’application des régimes micro-BIC et micro-BNC respectivement prévus aux articles 50-0 et 102 ter du CGI. Dès l’imposition des revenus de 2017, les seuils d’application des régimes micro-BIC et micro-BNC sont plus que doublés et ces régimes sont déconnectés de la franchise en base de TVA.
Désormais, le régime micro-BIC s’applique en N aux contribuables dont le chiffre d’affaires hors taxes n’excède pas l’année civile précédente (N – 1) ou la pénultième année (N – 2) :
- 170 000 € lorsque le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement (à l’exclusion de la location meublée autre que les meublés de tourisme et les chambres d’hôtes) ;
- 70 000 € pour les autres entreprises ;
- le régime micro-BNC s’applique en N aux contribuables dont les recettes hors taxes n’excèdent pas l’année civile précédente (N – 1) ou la pénultième année (N – 2) 70 000 €.
Le régime de l’auto-entrepreneur et le régime micro-social ne sont, quant à eux, pas modifiés en tant que tels, mais leur champ d’application se trouve mécaniquement étendu dans la mesure où ils dépendent en partie de celui des régimes micro-BIC et micro-BNC.
Auteur
Florent Ruault, avocat, spécialiste des impôts directs au sein du département de doctrine fiscale