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Lourde amende infligée pour défaut de notification d’une concentration

Forte de la décision du Conseil d’Etat ayant récemment validé ses pouvoirs d’instruction et de sanction s’agissant des opérations de concentration non notifiées(1), l’Autorité de la concurrence (ADLC) vient une nouvelle fois de sanctionner le défaut de notification d’une opération de concentration(2).

La société mère du groupe Castel Frères s’est ainsi vu infliger une amende de 4 millions d’euros pour ne pas avoir notifié à l’ADLC, avant sa réalisation, la prise de contrôle exclusif de six sociétés du groupe Patriarche.

C’est donc la troisième fois que l’ADLC décide de sanctionner un défaut de notification, après avoir autorisé l’opération « a posteriori ». Mais c’est la première fois que le montant de la sanction prononcée est aussi élevé, soit dix fois celui infligé dans ses deux premières décisions(3). S’il est difficile de savoir si l’ADLC entend par-là se montrer d’une plus grande sévérité à l’égard de ce type de manquement dans la mesure où le chiffre d’affaires de Castel Frère n’est pas dévoilé, il est permis de penser que plusieurs circonstances ont largement jouer en la défaveur de Castel Frères.

Tout d’abord, ce n’est pas le groupe Castel qui avait pris l’initiative d’informer l’ADLC de l’absence de notification, mais un tiers qui avait signalé l’acquisition litigieuse aux services d’instruction de l’Autorité dans le cadre de l’instruction d’une nouvelle opération. Or, cette absence de spontanéité de la dénonciation du manquement constitue à l’évidence la principale différence avec les précédentes décisions(4). Dans ces dernières, l’ADLC soulignait en effet qu’il devait être tenu compte dans l’appréciation de la gravité du manquement de l’auto-dénonciation de la personne poursuivie. L’ADLC reproche également au groupe Castel de ne pas même l’avoir consultée spontanément sur le caractère contrôlable de l’opération.

Ensuite, l’ADLC relève, comme circonstances de nature à conférer au manquement une gravité particulière, le fait que l’évaluation du caractère contrôlable de l’opération était tout à fait évidente et ne soulevait aucune difficulté d’analyse juridique, mais aussi le fait que le protocole de cession prévoyait que celle-ci était subordonnée à l’obtention des autorisations requises en matière de contrôle des concentrations. Ces éléments induisaient que la méconnaissance par le groupe Castel de ses obligations de notification avait pour unique objectif la réalisation rapide de l’opération.

Par ailleurs, compte tenu de la taille du groupe, l’entreprise disposait des moyens lui permettant de recourir à un conseil juridique adéquat. Et son comportement était d’autant moins excusable que le groupe avait eu une expérience récente en matière de contrôle des concentrations.

Les seules circonstances admises à jouer en la faveur du groupe Castel ont été sa coopération à la procédure une fois l’opération notifiée et le fait qu’aucun élément du dossier ne permettait de suggérer qu’il aurait cherché délibérément à contourner le contrôle des concentrations au regard des risques concurrentiels anticipés de l’opération.

L’ADLC souhaite conférer à la sanction infligée un caractère dissuasif. A cet égard, rappelant que le défaut de notification d’une concentration est, en tant que tel et quelle que soit l’importance des effets anticoncurrentiels de l’opération, un manquement grave dès lors qu’il fait obstacle au contrôle qui lui incombe, elle a insisté sur la nécessité d’adapter la dissuasion à la situation particulière de l’entreprise en cause et aux comportements constatés. En l’espèce, l’ADLC reproche avant tout le comportement volontaire par lequel le groupe sanctionné a formellement décidé de renoncer à vérifier son obligation de notification.


1. CE, 24 juin 2013, Société Colruyt France et établissements FR Colruyt n°360949 voir notre analyse juridique dans Option Finance n°1242 p. 32
2. Décision n°13-D-22 du 20 décembre 2013 relative à la situation du groupe Castel au regard du I de l’article L. 430-8 du code de commerce.
3. Décision n°13-D-01 du 31 janvier 2013 relative à la situation des groupes Reunica et Arpège au regard du I de l’article L.430-8 du code de commerce ; Décision n°12-D-12 du 11 mai 2012 relative à la situation du groupe Colruyt au regard du I de l’article L.430-8 du code de commerce.
4. Idem

 

A propos de l’auteur

Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat au sein du département de doctrine juridique. En étroite  relation avec les avocats du Cabinet intervenant dans ce domaine, elle suit et analyse les évolutions du droit pour formuler des conseils pratiques. Elle participe à l’élaboration des communiqués clients et publie des chroniques dans la presse.

 

Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 27 janvier 2014