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Loyauté du dirigeant envers l’actionnaire : attention à ne pas franchir la ligne rouge !

Loyauté du dirigeant envers l’actionnaire : attention à ne pas franchir la ligne rouge !

Au cours d’un LBO, des divergences de vues peuvent parfois survenir entre l’associé majoritaire et l’équipe de management de la cible, notamment lorsqu’il s’agit de prendre certaines décisions stratégiques relatives à la mise en place d’un refinancement. Par un arrêt du 5 juillet dernier, la Chambre commerciale de la Cour de cassation est toutefois venue rappeler avec une certaine fermeté les contours de l’obligation de loyauté pesant sur le dirigeant vis-à-vis de son actionnaire.

Le dirigeant d’Europcar, société majoritairement détenue par le fonds Eurazeo, avait été nommé directeur général le 1er avril 2010, en application d’un contrat de mandat en date du 31 mars 2010. Ce contrat prévoyait le versement d’une indemnité de révocation mais précisait toutefois, de manière assez classique, que celle-ci ne serait pas due en cas de révocation pour faute grave, telle qu’entendue par la jurisprudence sociale, à savoir la faute qui rend impossible le maintien dans l’entreprise.

Le dirigeant avait ensuite été révoqué de ses fonctions le 13 février 2012 par décision du conseil d’administration pour des motifs évoquant «un mode de management conflictuel, son attitude à l’égard des partenaires financiers, la sous-performance du groupe et son absence d’initiative», les faits décrits ayant alors été qualifiés de faute grave. Il se trouve notamment que le dirigeant, sans l’accord préalable de son actionnaire, avait entamé des discussions avec le fonds KKR, concurrent d’Eurazeo, dans le but de lever les fonds permettant de financer l’exploitation du groupe.

Notons qu’il est désormais d’usage, lors de la négociation des termes et conditions de l’investissement des managers-investisseurs, d’anticiper les conséquences d’un comportement dommageable du manager vis-à-vis de la société ou de son actionnaire, notamment lorsque celui-ci manque à son devoir de loyauté, à son obligation de confidentialité ou encore qu’il tient des propos diffamatoires à leur égard.

En première instance, le Tribunal de commerce de Versailles, considérant que la déloyauté n’avait pas été démontrée, avait permis au dirigeant de percevoir son indemnité contractuelle de fin de mandat d’un montant avoisinant les 2,5 millions d’euros. Europcar a interjeté appel de cette décision et la cour d’appel de Versailles est venue infirmer le jugement du Tribunal en retenant la qualification de faute grave et le manquement du dirigeant à son devoir de loyauté envers son actionnaire.

La Cour de cassation a validé le raisonnement des juges d’appel en rejetant le pourvoi formé par le dirigeant et en adoptant une position protectrice des intérêts de l’actionnaire. Dans la ligne de la décision d’appel et d’une jurisprudence établie lorsqu’un dirigeant omet de tenir son actionnaire informé de circonstances de nature à influer sur son consentement, la Cour rappelle le nécessaire respect par le dirigeant de son devoir de loyauté envers l’actionnaire. Il n’est donc pas possible pour un dirigeant, sans agir contre l’intérêt social, de court-circuiter son actionnaire en communiquant directement avec des investisseurs potentiels et «en tentant de créer un antagonisme entre la société Europcar et son principal actionnaire».

De manière plus originale, la Cour de cassation retient ici la communauté d’intérêts existant entre la société et son actionnaire majoritaire et précise que le dirigeant ne peut y porter atteinte. Dans le contexte des opérations de private equity, cela viendra certainement alimenter les discussions lorsqu’il s’agira désormais d’apprécier la manière dont le dirigeant veille à préserver les intérêts de l’investisseur financier.

Auteur

Thomas Hains, avocat en Corporate/Fusions & Acquisitions