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Méthode à l’avancement : des précisions utiles

Méthode à l’avancement : des précisions utiles

La cour administrative d’appel de Versailles apporte des précisions sur les modalités d’appréhension des résultats afférents aux contrats de longue durée.

L’article 380-1 du Plan comptable général prévoit que les contrats à long terme sont comptabilisés, soit au terme de l’opération (selon la méthode dite « à l’achèvement »), soit au fur et à mesure de l’avancement des travaux (selon la méthode dite « à l’avancement »).

La méthode à l’avancement, qui conduit à une meilleure information, est toutefois considérée comme préférentielle par le Plan comptable général et est aujourd’hui largement appliquée par les entreprises.

Au plan fiscal, il n’existe pas de règle dédiée aux contrats de longue durée.

Dans ce contexte, la cour administrative d’appel de Versailles, dans deux arrêts respectivement rendus les 17 novembre 20161 et 20 juillet 20172, a précisé les conditions dans lesquelles une entreprise peut recourir à la méthode à l’avancement pour la détermination de son résultat imposable. Dans les deux affaires soumises à son appréciation, les sociétés avaient comptabilisé le chiffre d’affaires, afférent à des contrats d’ingénierie dans le domaine du nucléaire, selon la méthode à l’avancement, qu’elles avaient mesuré en fonction du volume des travaux ou services réellement exécutés, indépendamment des facturations émises.

Elles avaient alors extourné, sur les exercices concernés, par le biais d’un compte de « produits constatés d’avance », le montant des recettes correspondant à la différence entre le chiffre d’affaires facturé selon l’échéancier contractuel et le chiffre d’affaires calculé selon l’avancement effectif des opérations.

Ces sociétés n’avaient opéré aucune réintégration extracomptable pour la détermination de leur résultat fiscal.

A l’issue de la vérification de leur comptabilité, l’administration fiscale, sans remettre en cause le bien-fondé de la méthode à l’avancement retenue par les sociétés, contestait la déduction des produits constatés d’avance, en considérant que les facturations émises reflétaient l’avancement effectif des prestations rendues.

La méthode à l’avancement est réservée aux hypothèses énumérées par la loi.

En principe, le résultat imposable est déterminé à partir du résultat comptable, auquel il convient d’apporter, le cas échéant, les modifications exigées par la loi fiscale.

Les entreprises doivent en effet respecter les règles édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les celles du code général des impôts3.

Par ailleurs, aux termes de l’article 38-2 bis du CGI, les produits réalisés par une entreprise doivent être rattachés à l’exercice au cours duquel intervient la livraison des biens ou l’achèvement des prestations de services. Par exception, les produits peuvent être pris en compte au fur et à mesure de l’exécution des prestations dès lors que ces dernières répondent à la qualification de prestations continues ou discontinues à échéances successives, ou correspondent à des travaux d’entreprise.

Dans l’affaire jugée le 20 juillet 2017, pour faire échec aux prétentions de l’administration, la société requérante prétendait qu’elle avait correctement appliqué la règle comptable. A titre subsidiaire, elle soutenait également que le contrat litigieux couvrait une prestation unique, dont les produits n’auraient, en tout état de cause, dû être imposés qu’au titre de l’exercice de son achèvement, conformément aux dispositions de l’article 38-2 bis précitées.

La 1ère chambre de la cour fait droit à ce dernier argument. Après s’être livrée à une analyse du contrat, elle confirme dans un premier temps la qualification de prestation unique. Dans un deuxième temps, elle en conclut que les règles fixées à l’article 38-2 bis sont incontournables, et en l’espèce incompatibles avec la méthode à l’avancement retenue au plan comptable.

Sur le deuxième temps du raisonnement, la position retenue par la 1ère chambre semble diverger de celle qui avait été retenue par la 6ème chambre de cette même Cour dans l’arrêt rendu le 17 novembre 2016.

En effet, après avoir également considéré que le contrat en cause couvrait une prestation unique, la 6ème chambre avait retenu que la société était en droit d’utiliser la méthode à l’avancement pour comptabiliser les produits afférents à cette prestation.

Sans se prononcer expressément sur la possibilité de rattacher les produits d’une prestation unique au résultat fiscal selon la méthode de l’avancement, dans la mesure où les parties n’avaient pas contesté son bien-fondé, elle en avait toutefois validé les modalités d’application retenues au cas particulier pour la détermination de son résultat imposable.

La mesure de l’avancement n’est pas nécessairement alignée sur les facturations.

Cela étant, les conclusions du rapporteur public sous cet arrêt semblaient davantage en ligne avec la position retenue ultérieurement par la 1ère chambre.

Ce dernier avait en effet proposé à sa formation de jugement deux alternatives : soit considérer que le contrat couvrait une prestation unique nécessairement imposable à l’achèvement, soit admettre, comme le prétendait l’administration, qu’il couvrait des prestations discontinues imposables selon la méthode à l’avancement.

Dans cette seconde hypothèse, le rapporteur public rappelait que la jurisprudence autorise à ne pas automatiquement aligner la comptabilisation des produits sur les facturations.

En effet, s’agissant des prestations continues ou discontinues à échéances successives, qui doivent être rattachées aux exercices au fur et à mesure de leur exécution, le Conseil d’Etat a jugé qu’il convenait de comptabiliser les produits correspondants en fonction des échéances contractuellement convenues entre le contribuable et les bénéficiaires des prestations, sauf s’il résultait de l’instruction, notamment des justifications apportées par les parties, que la répartition contractuelle de cette rémunération ne rendait pas compte correctement des avantages économiques procurés aux bénéficiaires des prestations au cours des différents exercices en cause. Dans cette dernière hypothèse le rattachement des produits au fur et à mesure de l’exécution des prestations implique que leur comptabilisation s’écarte de l’échéancier contractuel4.

Au cas particulier, la société requérante avait calculé la marge prévisionnelle du contrat comme résultant de la différence entre le chiffre d’affaires total cumulé en fin de contrat et le montant du coût de revient total prévisionnel. L’avancement de la réalisation du contrat avait ensuite été déterminé selon le rapport existant entre le nombre d’hommes/jours réels effectués et le nombre total d’hommes/jours estimés pour l’achèvement du contrat. Le chiffre d’affaires comptabilisé à l’avancement, et effectivement imposé, était alors égal aux coûts réels cumulés au 31 décembre de chaque année auxquels était ajoutée la marge prévisionnelle au prorata de l’avancement. Le rapporteur public a considéré que cette méthode traduisait mieux l’avancement du contrat que les facturations émises.

Ce faisant, il a validé la possibilité pour les entreprises, de recourir, pour la détermination de leur résultat imposable, à la méthode à l’avancement dite « par les coûts » plutôt qu’à la méthode à l’avancement « par les produits » en fonction des facturations, dès lors qu’elle apparaît plus pertinente pour mesurer la progression d’un contrat couvrant des prestations continues ou discontinues à échéances successives.

Cette précision présente un intérêt particulier à l’heure où les entreprises doivent se préparer à adopter, dès le 1er janvier 2018, la norme IFRS 15 dans leurs comptes consolidés.

En effet, à la différence de la norme IAS 18 actuellement en vigueur, la norme IFRS 15 est plus prescriptive, et implique dans de nombreux cas de recourir à la méthode à l’avancement par les coûts.

Dans ce contexte, afin de limiter les distorsions avec leurs consolidés, les entreprises s’interrogeront vraisemblablement sur la possibilité d’adopter également cette méthode dans leurs comptes sociaux et pour la détermination de leur résultat imposable.

Notes

1 CAA Versailles 17 novembre 2016 n°14VE02672, Société Areva NP
2 CAA Versailles 20 juillet 2017 n°15VE01900, Société Sofinel Ingénierie Electronucléaire
3 Article 38 quater de l’annexe III au CGI
4 CE 28 décembre 2012, no 339927, SARL The Race Event

 

Auteurs

Nicolas Riou, avocat Counsel, droit fiscal.

Sandy Boverie, avocat, droit fiscal

 

Méthode à l’avancement : des précisions utiles – Article paru dans le magazine Option Finance le 20 novembre 2017