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MIF2, le choix entre l’indépendance et les rétrocessions autorisées

Après beaucoup d’attente, le Parlement européen a adopté le 15 avril dernier le texte de la future Directive marchés d’instruments financiers 2 («MIF2»)1 qui promet d‘affecter sensiblement les relations producteurs/distributeurs.

Au niveau des producteurs, il sera nécessaire de définir le marché cible des produits et de s’assurer de cette bonne distribution. En effet, MIF2 prévoit que les entreprises d’investissement mais aussi les conseillers en investissements financiers2 (ensemble les «EI») qui conçoivent des instruments financiers veillent à ce que (i) lesdits instruments soient conçus de façon à répondre aux besoins d’un marché cible défini, (ii) la stratégie de distribution de ces produits soit compatible avec le marché cible défini, et (iii) des mesures raisonnables soient prises pour garantir que ces instruments sont distribués auprès du marché cible défini.

Au-delà, MIF2 impose aux EI fournissant des services de conseil en investissements (ce qui est généralement le cas à l’occasion de la commercialisation d’instruments financiers) d’indiquer à leurs clients/prospects préalablement à la délivrance d’un tel conseil si elles agissent à titre indépendant. Si tel est le cas, alors cette EI :

  • doit évaluer un éventail suffisant d’instruments financiers disponibles sur le marché qui ne doivent pas être limités à des produits (a) de cette EI ou d’entités ayant des liens étroits avec elle ou (b) d’entités avec lesquelles l’EI a des relations juridiques ou économiques présentant le risque de nuire à l’indépendance du conseil fourni ; et
  • n’accepte pas, en les conservant, des droits, commissions ou autres avantages monétaires ou non monétaires en rapport avec la fourniture du service aux clients, versés ou fournis par un tiers ou par une personne agissant pour le compte d’un tiers à l’exception des avantages monétaires mineurs.

Ainsi, une EI qui entend s’afficher comme indépendante ne pourra plus recevoir de rétrocessions à l’exception des avantages monétaires mineurs susceptibles d’améliorer la qualité du service fourni à un client et dont l l’importance et la nature sont telles qu’ils ne peuvent pas être considérés comme empêchant le respect par cette EI de son devoir d’agir au mieux des intérêts du client. Toutefois, le champ de ces avantages monétaires acceptables reste encore à définir3.

En conséquence, une EI pourra avoir intérêt, selon la structure de son chiffre d’affaires, à apparaître comme non-indépendante si le niveau des avantages monétaires acceptables n’est pas suffisant pour assurer sa pérennité, étant entendu qu’il peut paraître préférable pour un client de s’appuyer sur une EI «dépendante» mais disposant d’un accès à une très large gamme de produits financiers plutôt qu’ «indépendante» mais avec un accès très limité.

Par ailleurs, on peut noter que MIF2 introduit également des modifications en matière d’intermédiation d’assurance en permettant aux Etats membres d’interdire aux intermédiaires d’assurance et entreprises d’assurance d’accepter ou de percevoir des frais, des commissions ou d’autres avantages monétaires versés ou fournis par un tiers ou par une personne agissant pour le compte d’un tiers, en rapport avec la distribution aux clients de produits d’investissement fondés sur l’assurance.

Ici aussi, il peut apparaître préférable à une EI de ne pas être «indépendante» quand les intermédiaires d’assurance, qui peuvent offrir des expositions à des produits identiques aux siens, ne sont pas soumis in fine aux mêmes obligations pour les unités de compte.

Le level playing field tant vanté n’est pas encore près d’exister.

Notes
  1. MIF2 n’a pas, au jour du présent article, été publiée au Journal officiel de l’Union européenne.
  2. Sur renvoi de l’article 4.(2)b) de MIF2.
  3. L’ESMA a d’ailleurs été interrogé le 23 avril dernier sur ce point.

 

A propos de l’auteur

Jérôme Sutour, avocat associé, responsable services financiers. Il est spécialisé en droit bancaire et financier, incluant notamment les aspects de structuration et de gestion des fonds de placement et d’investissement et de réglementation bancaire et financière.

 

Analyse juridique parue dans la revue Option Finance le 5 mai 2014