Et pendant ce temps, la modernisation du cadre de la gestion d’actifs continue…
L’ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017 portant modernisation du cadre juridique de la gestion d’actifs et du financement par la dette (l’Ordonnance) poursuit l’œuvre de rationalisation entamée depuis la transposition de la directive 2011/61/UE (AIFMD).
Si l’Ordonnance « toilette » le régime des organismes de titrisation (OT) en permettant à leur société de gestion de procéder au recouvrement de leurs créances, elle introduit surtout les organismes de financement spécialisés (OFS), une nouvelle catégorie de véhicules constituant des fonds d’investissements alternatifs (FIA) relevant pleinement de l’AIFMD1 et dont la dynamique d’investissement est similaire à celle des OT. Les OT et OFS sont regroupés au sein de la catégorie des organismes de financement (OF), aux articles L. 214-166-1 et suivants du Code monétaire et financier (CMF).
Les OFS suivent le régime classique des FIA quant à leur forme (fonds commun de placement ou société d’investissement sous forme de SA ou de SAS) et peuvent être gérés par un gestionnaire étranger en application du passeport AIFMD.
Le champ d’investissement des OFS est plus large que celui des OT dès lors qu’ils peuvent investir directement ou indirectement dans des instruments financiers, des créances ou tout autre bien (dans les mêmes conditions que les fonds professionnels spécialisés), ou des sous-participations en risque ou en trésorerie.
Également, tout comme les autres FIA, les OFS peuvent avoir différentes catégories de parts ou d’actions (« Parts« ), constituer en leur sein des patrimoines distincts sous forme de compartiments et les titres qu’ils émettent peuvent donner lieu à des droits différents sur le capital et les intérêts dès lors que le risque de crédit associé à la détention de ces titres ne fait l’objet d’aucune règle de subordination.
L’Ordonnance prévoit bien sûr que les OFS peuvent émettre des parts, conclure des contrats constituant des instruments financiers à terme, ou encore, recourir à l’emprunt ou à toute autre forme de ressources, de dettes ou d’engagements. Par ailleurs, tout comme les OT, les OFS peuvent aussi émettre des titres de créance mais, à la différence des OT, ils sont autorisés à procéder à des opérations de rachat de leurs parts, actions et titres de créances.
Les OFS s’affirment ainsi comme des véhicules d’investissements fort souples, d’autant que s’ils ne disposent pas de la flexibilité de gouvernance des sociétés de libre partenariat (SLP), la reconnaissance du statut de sponsor par l’Ordonnance et la faculté d’émettre des titres de créances constitue une réelle alternative offrant des perspectives intéressantes pour déployer des stratégies de financement.
En créant les OFS et en réorganisant les OT, l’Ordonnance en profite pour élargir le régime de la cession de créances professionnelles de l’article L. 313-23 du CMF (les cessions « Dailly ») non seulement aux OFS mais aussi aux FIA professionnels déclarés tels que la SLP. Ainsi, quand bien même l’Ordonnance autorise la transformation d’une SLP en OFS, le choix pour cette structure ne reposera pas sur le bénéfice de la cession Dailly.
Enfin, parmi les mesures de modernisation du cadre de la gestion d’actifs française, l’Ordonnance assouplit le monopole bancaire en créant une dérogation en faveur des entités et institutions régies par un droit étranger qui pourront acquérir des créances non échues résultant d’opérations de crédit conclues par des établissements autorisés (établissements de crédit, OPCVM et FIA expressément autorisés), à l’exception, à peine de nullité, des créances dont le débiteur est une personne physique agissant à des fins non professionnelles.
Reste à espérer que, d’ici le 3 janvier 2018, date d’entrée en vigueur de la majorité des dispositions de l’Ordonnance, la partie réglementaire du CMF soit adoptée pour le lancement effectif de ces nouveaux véhicules et qu’en tout hypothèse, les travaux de rationalisation et de simplification du « jardin à la française » que constitue le cadre de la gestion d’actifs, se poursuivent.
Note
1 Les OT ne constitue pas, sauf en application des règles « anti contournement », des FIA soumis à la directive AIFM
Auteurs
Jérôme Sutour, avocat associé, responsable Services Financiers
Alexandre Bordenave, avocat counsel au sein de l’équipe Titrisation et financements structurés
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