Modification du contrat de travail pour motif économique : attention au reclassement !
18 décembre 2020
Par un récent arrêt du 30 septembre 2020 (Cass. Soc., 19-12.146), la Cour de cassation confirme sa jurisprudence en condamnant un employeur pour ne pas avoir proposé au salarié, dans le cadre de son obligation de reclassement, le poste qu’il avait préalablement refusé au titre de la modification de son contrat de travail pour motif économique.
Les faits
Un employeur a informé par courrier ses salariés d’un projet de déménagement, dont un disposant d’un mandat de délégué du personnel, de leur transfert dans une autre zone géographique. Conformément aux dispositions légales (article L.1222-6 du Code du travail), un délai d’un mois leur était accordé afin de leur permettre de donner leur réponse sur cette mobilité caractérisant une modification de leur contrat de travail.
Cette proposition a notamment été refusée, par un salarié disposant en l’espèce d’un mandat de délégué du personnel, au motif que le nouveau poste de travail était basé à 700 kilomètres de son domicile.
Considérant que ce refus du salarié de modifier son contrat de travail pour motif économique valait également refus de toute éventuelle proposition de reclassement sur tout site éloigné de son domicile, la société a, après autorisation de l’inspection du travail, directement procédé à son licenciement, sans qu’aucun poste de reclassement disponible ne lui soit proposé.
Cette autorisation a fait l’objet d’une annulation par le ministre du Travail. S’en est suivi un contentieux administratif qui a abouti à l’annulation de la décision du ministre du Travail conduisant alors le salarié à saisir le conseil de prud’hommes en contestation de son licenciement au motif que n’avait pas été respectée l’obligation de reclassement.
Après avoir été débouté par la Cour d’appel, le salarié s’est pourvu en cassation. La Haute Juridiction a ainsi dû statuer sur le fait de savoir si la volonté exprimée par le salarié de refuser la modification de son contrat de travail pour motif économique permet d’exempter son employeur de lui proposer, dans le cadre de son obligation de reclassement, le même poste que celui qu’il avait déjà refusé.
La nécessaire recherche de solutions de reclassement par l’employeur
Pour casser l’arrêt d’Appel et faire droit à la demande du salarié, la Cour de cassation a, dans un premier temps, rappelé l’obligation de reclassement qui pèse sur l’employeur en cas de licenciement pour motif économique.
Cette obligation issue de l’article L.1233-4 du Code du travail prévoit que le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement ne peut être opéré.
De manière concrète, il est ainsi fait obligation à l’employeur de proposer au salarié concerné tous les emplois disponibles de même catégorie, de même nature et compatibles avec ses compétences. Si les postes disponibles relèvent d’une catégorie inférieure, entraînant notamment une diminution de rémunération, l’accord du salarié est requis.
En revanche, si les postes disponibles relèvent d’une catégorie supérieure, l’employeur peut devoir adapter le salarié à cet emploi si cela exige simplement une formation de courte durée et complémentaire à ses compétences.
L’absence de prise en compte de la volonté du salarié au moment de la proposition de modification du contrat de travail
Dans un second temps, la Cour de cassation a considéré que l’employeur n’avait pas respecté cette obligation de reclassement dans la mesure où il n’avait pas proposé, à ce titre, au salarié le poste correspondant à la proposition de modification de son contrat de travail.
Ainsi, la première étape consiste pour l’employeur à adresser au salarié concerné une lettre recommandée avec accusé de réception l’informant de la modification envisagée ainsi que de la possibilité qui lui est offerte de faire connaître son refus dans un délai d’un mois (article L.1222-6 précité).
Mais la modification du contrat de travail ne peut être « assimilée » à une proposition de reclassement, dans la mesure elle a pour fondement une décision de l’employeur en amont d’un éventuel licenciement et non pas l’obligation qui s’impose à lui afin de maintenir le salarié au sein de la société dans le cadre de l’obligation de reclassement (Cass. Soc., 25 novembre 2009, n° 08-42.755).
En conséquence, l’employeur doit toujours respecter la seconde étape qui impose précisément de proposer tous les postes de reclassement disponibles. Dans l’arrêt du 30 septembre 2020, la Cour de cassation relève que le refus du salarié concernait uniquement la modification de son contrat de travail et non pas tout éventuel poste qui pourrait lui être proposé ultérieurement au titre d’un reclassement. Il en résulte que l’employeur, pour satisfaire son obligation, aurait dû proposer au salarié le même poste que celui refusé dans le cadre de la modification de son contrat de travail mais également tout autre poste disponible.
Une telle décision peut paraître, pour le moins, stricte et sévère, voire infondée à l’encontre de l’employeur qui savait pertinemment que le salarié allait à nouveau refuser le poste compte tenu des motifs du refus lié au fait que celui-ci était situé à 700 kilomètres de son domicile.
En réalité, la Cour de cassation a, au cas particulier, estimé que la volonté exprimée initialement par le refus du salarié ne pouvait qu’être considérée comme étant un refus présumé de toute future proposition de reclassement nécessitant qu’il soit expressément confirmé après proposition des postes disponibles dont celui déjà refusé.
Il en résulte que la « conviction » de l’employeur, même fondée par la volonté exprimée par le salarié à la suite de la proposition de modification de son contrat de travail, d’un refus de toute proposition de poste de reclassement de « même nature » ne peut pas le dispenser d’effectuer une recherche loyale et sérieuse de tous les postes disponibles qui pourraient être proposés au salarié (Cass. Soc., 13 novembre 2008, n° 06-45.870).
Dans le même sens, la Cour de cassation a déjà considéré qu’un employeur n’avait pas respecté son obligation de reclassement à l’égard d’un salarié qui avait refusé une modification de son contrat de travail entraînant suppression de son horaire de nuit en ne lui proposant pas les postes de jour disponibles (Cass. Soc., 29 septembre 2009, n° 08-43.085).
En réalité, le refus d’une proposition de modification de contrat de travail pour un nouveau poste, peut seulement être qualifié de volonté présumée du salarié de refuser ce même poste. L’on ne peut en effet pas exclure, en pratique, que dans un second temps, ce salarié, mesurant davantage les risques de son refus et/ou l’absence de toute autre possibilité de reclassement, change finalement d’avis au cours de l’étape du reclassement.
Seule la volonté exprimée par le salarié au cours de la phase de reclassement par l’employeur peut en conséquence être prise en compte pour circonscrire ses recherches et ses propositions de postes de reclassement. En ce sens, la Cour de cassation a d’ailleurs précédemment estimé qu’un employeur n’avait pas commis de manquement à ses obligations, dès lors qu’il avait proposé un poste de reclassement, refusé par le salarié pour des raisons géographiques, et que ses recherches postérieures s’étaient, en conséquence, uniquement limitées au secteur géographique indiqué par le salarié (Cass. Soc., 13 novembre 2008, n° 06-46.227).
Le licenciement sans cause réelle et sérieuse comme sanction du non-respect de l’obligation de reclassement
La Cour de cassation tire inévitablement la conséquence du non-respect par l’employeur de son obligation de reclassement.
Ainsi, le simple constat de la non-proposition du poste « modifié » au titre du reclassement suffit à rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Compte tenu de cette application stricte, par les magistrats, des règles relatives à l’obligation de reclassement et des enjeux y afférents, il est donc désormais clairement impératif, pour éviter tout litige sur ce fondement, en cas de modification du contrat de travail par un salarié, de lui proposer à nouveau ce poste au titre de l’obligation de reclassement.
Article paru dans Les Echos Executives le 18/12/2020
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