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Moins-values mobilières : un choix d’imputation limité

Moins-values mobilières : un choix d’imputation limité

Une réponse ministérielle du 11 mai 2017 conclut à l’obligation pour les contribuables d’imputer les moins-values disponibles avant de pouvoir bénéficier de l’abattement pour durée de détention. Explications.


Les plus-values mobilières réalisées depuis le 1er janvier 2013 supportent l’impôt sur le revenu aux taux prévus par le barème progressif, mais l’assiette imposable peut être réduite :

  • par un abattement pour durée de détention, si les plus-values portent sur des actions ou des parts sociales ;
  • par l’imputation des moins-values de même nature (réalisées au titre de l’année en question ou de l’une des 10 précédentes).

La possibilité d’imputation

Les règles relatives à l’imputation des moins-values ont été précisées par le Conseil d’Etat dans une décision du 12 novembre 2015 n°390265 qui a jugé que les moins-values :

  • ne doivent pas se voir appliquer d’abattement pour durée de détention ;
  • doivent être déduites des plus-values avant l’abattement pour durée de détention auquel les plus-values ouvrent droit ;
  • peuvent être imputées par le contribuable « pour le montant et sur les plus-values de son choix », qu’il s’agisse de moins-values de la même année ou de moins-values d’années précédentes reportées.

En décidant que l’imputation doit être réalisée avant application de l’abattement, le Conseil d’Etat a réduit mécaniquement l’effet de l’abattement qui ne s’applique qu’au solde de plus-value après l’imputation des moins-values.

La décision a ajouté qu’un contribuable impute ses moins-values « pour le montant et sur les plus-values de son choix » (et n’a donc pas à imputer ses moins-values en proportion de chaque plus-value réalisée par exemple).

En pratique, le contribuable, s’il le peut, doit veiller à imputer ses moins-values en priorité sur les plus-values qui ne bénéficient d’aucun abattement, ce qui est le cas notamment lorsque les titres revendus ont été achetés récemment, puis sur les plus-values bénéficiant des taux d’abattement les plus faibles (50% puis 65% et 85%). En effet l’imputation des moins-values réduit l’effet de l’abattement auquel les plus-values pourraient prétendre.

Le choix refusé par l’Administration : celui de la non-imputation immédiate

La question s’est rapidement posée de savoir si le choix d’imputer ses moins-values « pour le montant et sur les plus-values de son choix » permet à un contribuable de ne pas imputer ses moins-values sur ses plus-values de l’année, en vue de bénéficier plus tard d’une imputation plus efficace (par exemple parce qu’il réalisera une plus-value n’ouvrant pas droit à abattement).

La loi (11 de l’article 150-0 D du CGI), qui prévoit la règle d’imputation, ne semble pas s’opposer à un tel choix dès lors qu’il se contente de préciser : « Les moins-values subies au cours d’une année sont imputables exclusivement sur les plus-values de même nature réalisées au cours de la même année ou des dix années suivantes ».

Le Conseil d’Etat ne s’est pas, quant à lui, expressément prononcé sur cette possibilité.

Il pourrait sembler logique que le contribuable ait une totale liberté dans l’imputation de ses moins-values, pour bénéficier au mieux du régime d’abattement pour durée de détention. Tel n’est toutefois pas l’avis exprimé par l’Administration dans une récente réponse ministérielle Joëlle Garriaud-Maylam (JO Sénat du 11 mai 2017, n°22465, p. 1796).

Si elle ne s’oppose pas au principe du choix d’imputation reconnu par le Conseil d’Etat, l’Administration retient de la décision de 2015 l’interprétation suivante : « [elle] offre la faculté au contribuable ayant réalisé plusieurs plus-values imposables de choisir librement celles sur lesquelles il impute ses moins-values disponibles. En revanche, elle ne lui offre pas la possibilité de choisir l’année au titre de laquelle il procède à l’imputation de ces moins-values. Dès lors que le contribuable réalise une ou plusieurs plus-values au titre d’une année, il procède à l’imputation de ses moins-values disponibles sur les plus-values de son choix […] ».

L’Administration en conclut que le contribuable ne peut pas choisir « de ne pas imputer la totalité des moins-values » disponibles, pour les reporter sur les années suivantes.

Mise à jour au 10/10/2017 : le projet de loi de finances pour 2018, déposé le 27 septembre 2017 à l’Assemblée nationale, prévoit que la loi sera modifiée à compter du 1er janvier 2018 pour être mise en conformité avec la position administrative (11 de l’article 150-0 D du CGI). Cette modification nous semble à tout le moins prouver que, jusqu’alors, la position de l’administration était sujette à interprétation, et donc contestable.

Que doivent faire les contribuables concernés ?

Les contribuables qui, à la suite de la décision du Conseil d’Etat rendue fin 2015, ont choisi de ne pas imputer, en 2016, des moins-values utilisables sur les plus-values réalisées au titre de l’année 2015 pourraient trouver judicieux de former des réclamations avant l’échéance de la fin 2018.

Ils pourraient ainsi demander à réduire l’imposition pour l’année au titre de laquelle l’imputation aurait dû être faite (pour éviter le risque que ces moins-values soient perdues). Cette démarche se justifiera d’autant plus qu’il est à craindre que, d’ici l’échéance de la fin 2018, le Conseil d’Etat ne se sera pas prononcé sur la possibilité ou non de retarder l’imputation des moins-values.

Dans cette situation juridique incertaine, la position de l’Administration risque d’inciter certains contribuables à adopter des comportements essentiellement dictés par des considérations fiscales. En effet, ils pourraient hésiter à céder, notamment en fin d’année n, des titres porteurs de moins-values s’ils estiment qu’au titre de l’année n, ils n’ont réalisé que des plus-values pouvant bénéficier de forts taux d’abattement (l’imputation au titre de l’année n ne produirait donc pas un effet maximum). S’ils estiment que les titres porteurs de moins-values ne verront pas leur valeur grandement diminuer s‘ils reportent la cession de quelques jours, pour la réaliser au début de l’année n+1, et qu’ils s’attendent à réaliser au titre de n+1 (ou des années postérieures) des plus-values imposables sans abattement ou avec un faible abattement, l’imputation pourra se faire plus judicieusement au titre de cette ou de ces année(s).

 

Auteur

Florent Ruault, avocat, spécialiste des impôts directs au sein du département de doctrine fiscale

 

Moins-values mobilières : un choix d’imputation limité – Article paru dans LeRevenu.Com le 27 septembre 2017 (mis à jour le 11 octobre 2017)