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Ne vend pas des montres de luxe qui veut… et ce n’est pas anticoncurrentiel!

Ne vend pas des montres de luxe qui veut… et ce n’est pas anticoncurrentiel!

Dans un arrêt rendu le 19 octobre 2016, la cour d’appel de Paris a rejeté toutes les demandes d’un distributeur, la société Elysées Shopping, auquel la société Rolex avait refusé l’entrée dans son réseau de distribution sélective (CA Paris, 19 octobre 2016, n°14/07956). Le distributeur avait pourtant multiplié les angles d’attaque mais sans succès : le réseau de distribution mis en place par Rolex pas plus que le refus d’agrément n’enfreignent le droit des pratiques anticoncurrentielles ou le droit commun.

C’est tout d’abord la licéité du réseau qui est remise en cause par le distributeur. Pour rappel, un réseau de distribution sélective est conforme à l’article 101 §1 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) si les trois conditions suivantes sont remplies :

  • la nature du produit doit être telle qu’un système de distribution sélective est nécessaire ;
  • les revendeurs doivent être choisis sur la base de critères objectifs de nature qualitative et fixés de manière uniforme, portés à la connaissance de tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire ;
  • ces critères ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire.

Sur ce point, la Cour d’appel répond au distributeur qu’il n’a pas prouvé en quoi ces critères étaient appliqués de façon discriminatoire ni qu’ils n’étaient pas nécessaires pour la distribution des produits en cause. Le fait que Rolex n’ait pas démontré que sa part de marché était inférieure à 30% et lui permettait donc de bénéficier de l’exemption prévue par le règlement 330/2010 du 20 avril 2010 concernant l’application de l’article 101 §3 du TFUE à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées est sans objet, le réseau n’entrant pas dans le champ de l’article 101 §1 du TFUE.

Ensuite, le distributeur arguait que le refus d’agrément qui lui a été opposé par la société Rolex était également contraire à l’interdiction des ententes. Ici encore l’argument est rejeté par la Cour d’appel qui relève que le refus n’est pas de nature à éliminer la concurrence ou à permettre son élimination.

A titre subsidiaire, le distributeur se fondait sur le droit commun pour affirmer que le refus d’agrément constituerait un abus de droit. La Cour rejette également cet argument. En effet, après avoir rappelé que tout opérateur économique est libre d’organiser son réseau comme il l’entend, la Cour d’appel estime que la société Elysées Shopping n’a pas prouvé qu’elle se trouvait dans une situation comparable à d’autres opérateurs commerciaux agréés par Rolex et dès lors n’a pas établi l’abus de droit.

Pour finir, le distributeur estimait que le fait que la société Rolex ne lui ait pas communiqué ses conditions générales de vente était contraire à l’article L.441-6 du Code de commerce. La Cour d’appel rappelle au distributeur qu’à défaut d’agrément, il ne peut pas être considéré comme un acheteur des produits de la société Rolex et que celle-ci n’était donc pas tenue de lui communiquer ses conditions générales de vente.

Cet arrêt peut être rapproché de l’arrêt du 18 octobre 2016 dans lequel la Cour de cassation a rappelé les conditions que devait prouver une tête de réseau pour que son système de distribution soit conforme au droit de la concurrence (Cass. com., 18 octobre 2016, n°15-15.042). Elle en avait conclu qu’enjoindre à cette tête de réseau de communiquer ses conditions ne constituait pas une inversion de la charge de la preuve puisque pareille communication est nécessaire pour prouver la licéité de la procédure de sélection.

Il ressort de ces arrêts que si un opérateur économique dispose de la liberté d’organiser son réseau, il doit néanmoins respecter des critères précis et mettre en mesure ses revendeurs potentiels de s’y conformer. Toutefois, en cas de refus d’agrément, il revient à ces derniers de démontrer que les critères fixés ont été appliqués de façon discriminatoire.

 

Auteur

Marine Bonnier, avocat en droit de la concurrence et droit de la distribution.