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Non-résidents : le délai pour réclamer le remboursement du prélèvement sur les plus-values immobilières est de deux ans

Non-résidents : le délai pour réclamer le remboursement du prélèvement sur les plus-values immobilières est de deux ans

M. Mori, résident fiscal du Japon, a cédé en 2007 un bien immobilier situé à Paris, en réalisant une plus-value qui a été soumise au prélèvement au taux d’un tiers, alors prévu pour les plus-Values immobilières réalisées par les non-résidents (article 244 bis A du CGI dans sa rédaction antérieure à la loi de finances rectificative pour 2014).

M. Mori a contesté l’application de ce taux devant les tribunaux qui ont fait droit à sa demande en jugeant que l’imposition des plus-values des résidents d’Etats tiers au taux d’un tiers était contraire au principe de droit européen de liberté de circulation des capitaux1. Par suite, l’article 60 de la loi de finances rectificative pour 20142 a étendu l’application du taux de 19%, jusqu’alors réservé aux résidents d’un Etat membre de l’UE ou d’un Etat membre de l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale, aux résidents d’un Etat tiers.

L’administration fiscale ne pouvait plus contester le fond de l’affaire. C’est donc sur la procédure qu’elle est allée chercher le moyen de son pourvoi. Elle a estimé que la réclamation de M. Mori était tardive car introduite après l’expiration du délai spécial d’un an qui serait prévu pour les « retenues à la source et les prélèvements » par la seconde partie de l’article R.196-1 du Livre des procédures fiscales (LPF).

Rappelons que la première partie de l’article R.196-1 du LPF ouvre un délai de réclamation qui s’étend jusqu’au 31 décembre de la deuxième année suivant celle au cours de laquelle se produit l’un des événements suivants :

  • soit la mise en recouvrement du rôle ou la notification d’un avis de mise en recouvrement ;
  • soit, pour les impôts qui ne donnent pas lieu à l’établissement d’un rôle ou à la notification d’un avis de mise en recouvrement, le versement de l’impôt ;
  • soit encore l’événement qui motive la réclamation.

La seconde partie de l’article R.196-1 du LPF ouvre un délai de réclamation plus court, qui court jusqu’au 31 décembre de la première année suivant celle au cours de laquelle se produit l’un des évènements suivants :

  • soit la réception par le contribuable d’un nouvel avis d’imposition réparant les erreurs d’expédition d’un précédent avis ;
  • soit l’application de retenues à la source ou de prélèvements ;
  • soit la connaissance acquise par le contribuable de cotisations d’impôts directs établies à tort ou faisant double emploi.

Mettant fin à l’incertitude créée par des décisions divergentes de Cours administratives d’appel, le Conseil d’Etat a totalement invalidé l’analyse de l’Administration, en affirmant que le prélèvement de l’article 244 bis A du CGI entrait dans le champ d’application de la première partie de l’article R.196-1 du LPF. Les non-résidents ont donc bien deux ans pour réclamer la restitution du trop-perçu, en application du délai général prévu à la première partie de l’article R.196-1 du LPF.

Dans un considérant de principe issu de sa décision SNC Serater du 5 juillet 2010 , le Conseil d’Etat juge qu’«une réclamation est recevable dès lors qu’elle est formée dans le délai prévu dans l’une des hypothèses mentionnées dans la première partie de l’article R.196-1 du LPF ; que la seconde partie de l’article ouvre en outre, dans les hypothèses qu’elle prévoit, un délai spécial pendant lequel une réclamation est également recevable».

Le délai de la seconde partie est donc un délai spécial présentant un caractère subsidiaire par rapport au délai général de la première partie. Par déduction, si l’on peut se situer cumulativement dans le champ d’application des deux délais de réclamation, rien ne fait obstacle à l’application du délai de deux ans.

Au cas particulier, le Conseil d’Etat précise que le prélèvement du tiers de l’article 244 bis A du CGI «n’est pas recouvré par voie de rôle ou d’avis de mise en recouvrement ; que, dès lors, les réclamations relatives à cet impôt doivent être présentées à l’Administration dans le délai prévu par les dispositions du b) de la première partie de l’article R.196-1 du LPF, sans qu’y fasse obstacle la circonstance que l’imposition en cause soit qualifiée de « prélèvement » et que son versement ne soit pas effectué par le contribuable lui-même».

Cette solution, d’une portée très générale, vient donc confirmer que le prélèvement de l’article 244 bis A du CGI relève du délai général de réclamation, assurant ainsi la recevabilité de nombreuses réclamations formées par les résidents d’Etat tiers quant à l’application du taux d’un tiers aux plus-values réalisées sur les cessions d’immeubles situés en France.

Notes

1 TA Montreuil, 25 mars 2011, n°1007284, CAA Versailles, 16 septembre 2014, n°11VE02290. Cette solution a été confirmée par le Conseil d’Etat, à l’occasion d’un autre litige, par une décision min. c/ SCI Saint-Etienne et a. n°367234 du 20 octobre 2014.
2 Loi n°2014-1655 du 29 décembre 2014.

Auteurs

Julien Saïac, avocat associé, Fiscalité internationale

Rosemary Billard-Moalic, avocat, Fiscalité internationale