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Le nouveau visage des élections professionnelles après la loi du 5 mars 2014

La loi 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale impacte de façon non négligeable et surtout immédiate les élections professionnelles au sein de l’entreprise. Un rapide tour d’horizon s’avère opportun.

Outre les dispositions relatives à la représentativité patronale ou au compte personnel de formation, la loi du 5 mars 2014 a également apporté des modifications importantes aux modalités d’organisation des élections professionnelles au sein de l’entreprise sur la base des constats effectués et des décisions jurisprudentielles rendues depuis la loi de 2008 sur la représentativité syndicale, notamment la carence d’organisations syndicales dans le cadre de la négociation du protocole d’accord préélectoral et au premier tour des élections.

Ces dispositions, d’application immédiate depuis le 7 mars 2014, parfois passées inaperçues ou insuffisamment prises en compte, ont vocation à sécuriser le processus électoral.

Modification des délais d’organisation des élections professionnelles afin de favoriser l’intervention des organisations syndicales

L’invitation des organisations syndicales à négocier le protocole d’accord préélectoral doit maintenant leur parvenir :

  • au minimum deux mois avant la fin des mandats en cours, au lieu d’un mois auparavant en cas de renouvellement des institutions ; et,
  • au plus tard 15 jours avant la date de la première réunion de négociation, alors qu’il suffisait auparavant de respecter un « délai suffisant ».

Ces délais s’appliquent en prenant en compte la date de réception par les organisations syndicales de l’invitation et non sa date d’envoi par l’entreprise.

A titre d’exemple, une entreprise au sein de laquelle les mandats viendraient à échéance le 15 septembre 2014 devra faire parvenir aux organisations syndicales une invitation à négocier le protocole d’accord préélectoral avant le 15 juillet 2014 pour une première réunion de négociation fixée au plus tôt au 31 juillet 2014.

Les autres délais, notamment la date du premier tour des élections ou l’information des salariés par affichage demeurent inchangés, ce qui peut conduire à ce que les organisations syndicales soient informées avant les salariés du renouvellement des institutions.

Les conséquences du non-respect de ces délais ne sont pas précisées par la loi, mais, si l’on s’en tient aux décisions jurisprudentielles antérieures, le non-respect du délai de deux mois ne devrait pas constituer une cause d’annulation des élections (Cass. soc. 25 janvier 2012, n° 11-60093). En revanche, le non-respect du délai de quinze jours pourrait quant à lui entraîner l’annulation des élections si l’on devait considérer que son non-respect implique que les organisations syndicales n’ont pas été invitées en temps utile (Cass.soc. 28 février 1989 n° 87-60.174 et décision précitée).

Fixation unilatérale par l’employeur des modalités électorales en cas de carence des organisations syndicales

A défaut d’accord avec les organisations syndicales représentatives, certains thèmes relevant du protocole d’accord préélectoral devaient être tranchés par la DIRECCTE, et ce, même si aucune organisation syndicale ne s’était présentée à la réunion de négociation dudit protocole (Cass. soc. 8 novembre 2006, n° 06-60007).

La DIRECCTE n’interviendra désormais que si au moins une organisation syndicale a répondu à l’invitation de négocier de l’employeur et qu’aucun accord n’a été trouvé.

En conséquence, en cas de carence des organisations syndicales, l’employeur pourra déterminer seul le nombre et la composition des collèges électoraux, la répartition du personnel dans les collèges électoraux, le nombre d’établissement distincts, etc.

Prorogation automatique des mandats en cas de saisine de la DIRECCTE

Lorsque la DIRECCTE est saisie d’un désaccord dans le cadre de la négociation du protocole d’accord préélectoral, le processus électoral en cours est désormais suspendu jusqu’à la décision administrative et les mandats en cours sont prorogés automatiquement jusqu’à la proclamation des résultats du scrutin afin d’éviter que l’entreprise concernée ne se retrouve sans représentation élue du personnel pendant le délai d’instruction de la DIRECCTE.

Est donc reprise dans le Code du travail la solution jurisprudentielle rendue dans le cadre de la saisine de la DIRECCTE en matière de répartition du personnel et des sièges entre les collèges ou de détermination des établissements distincts (Cass. soc. 26 septembre 2012, n° 11-60.231).

Harmonisation et clarification des règles de validité du protocole d’accord préélectoral

La validité du protocole d’accord préélectoral conclu entre l’employeur et les organisations syndicales est subordonnée à une condition de double majorité, laquelle est confortée dans son statut de condition de droit commun, le Code du travail prévoyant désormais son application « sauf dispositions législatives contraires ».

Par ailleurs, elle trouve de nouveaux cas d’application, et notamment :

  • les modalités d’organisation et de déroulement des opérations électorales ;
  • l’augmentation du nombre de délégués du personnel et de membres du comité d’entreprise ;
  • la représentation par les délégués du personnel des salariés travaillant en équipes successives ou dans des conditions qui les isolent des autres salariés.

De même, concernant les dispositions subordonnées à un accord unanime, il est précisé que cet accord unanime ne concerne que les seuls syndicats représentatifs dans l’entreprise, mettant fin par la même à la confusion de l’ancienne rédaction des textes, laquelle faisait référence à l’unanimité des syndicats représentatifs « existants » dans l’entreprise et permettait aux syndicats représentatifs au niveau de la branche ou au niveau interprofessionnel de bloquer la conclusion d’un accord.

A titre d’information, rappelons que la règle de l’unanimité s’applique au nombre et à la composition des collèges ainsi qu’à l’organisation du scrutin en dehors du temps de travail.

Dérogation aux conditions d’ancienneté pour l’électorat et l’éligibilité

L’inspecteur du travail peut enfin autoriser l’entreprise, après consultation des organisations syndicales représentatives au sein de celle-ci, à déroger aux conditions d’ancienneté pour l’électorat et l’éligibilité aux élections du comité d’entreprise et des délégués du personnel.

 

Auteurs

Vincent Delage, avocat associé en droit social.

Laure Soyer, avocat en droit social.

 

Article paru dans Les Echos Business du 16 juin 2014