Obligation de mettre en place des dispositifs de signalement de contenus illicites sur les sites Internet
Le 13 avril 2016, le tribunal de grande instance (TGI) de Paris a ordonné à l’association Egalité et réconciliation de mettre en place sur son site Internet un dispositif de signalement de contenus illicites « facilement accessible et visible » conformément aux dispositions de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN).
A l’origine de cette décision, les associations Union des étudiants juifs de France (UEJF) et Action internationale pour la justice (AIPJ) indiquaient que des contenus susceptibles d’être constitutifs d’incitation à la haine raciale et d’apologie de crimes contre l’humanité étaient régulièrement publiés sur le site « www.egaliteetreconciliation.fr » mais qu’aucun moyen facilement accessible ne permettait aux usagers de porter à la connaissance de l’hébergeur du site ces contenus. Elles avaient alors assigné en référé l’association Egalité et réconciliation afin de solliciter la mise en place d’un dispositif de signalement des contenus illicites publiés sur le site Internet dont elle était l’hébergeur, sur le fondement de l’article 6 I 7 de la LCEN.
Pour rappel, cette disposition prévoit que tous les hébergeurs et fournisseurs d’accès ont l’obligation de lutter contre certaines infractions commises sur Internet, dont notamment l’incitation à la haine raciale, l’apologie des crimes contre l’humanité, les atteintes à la dignité humaine, l’incitation à la violence ou encore la pornographie enfantine et l’apologie des actes de terrorisme. A ce titre, les hébergeurs et fournisseurs d’accès à un site Internet sont tenus de « mettre en place un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance ce type de données », à savoir celles relatives à des infractions visées à l’article 6 I 7 alinéa 3 de la LCEN.
En l’espèce, la qualité d’hébergeur du site de l’association Egalité et réconciliation n’était pas contestée. Le TGI a donc pu lui ordonner en référé de se conformer à son obligation de mise en place d’un dispositif de signalement facilement accessible et visible dans un délai d’un mois (TGI Paris, 13 avril 2016, n°16/52543, UEJF et a. c/ Association Egalité et réconciliation).
Par ailleurs, les associations faisaient également état de ce que l’obligation d’indiquer le nom du directeur ou codirecteur de la publication prévue par l’article 6 III 1 de la LCEN n’était pas respectée sur le site en cause au motif que les personnes indiquées n’étaient pas celles exerçant effectivement ces fonctions. L’association reconnaissait sa qualité d’éditeur du site mais contestait la fraude. Or, seule une enquête pénale pouvant permettre d’établir cette fraude, le juge des référés n’était pas compétent pour se prononcer sur ce point.
Les manquements à l’obligation des hébergeurs de mettre en place un dispositif de signalement, d’une part, et à l’obligation des éditeurs d’identifier le responsable de publication, d’autre part, étaient tous deux susceptibles d’engager la responsabilité pénale du dirigeant de droit ou de fait de l’association (un an d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende). En l’espèce, l’affaire était portée devant le TGI de Paris et les faits ne faisaient pas l’objet de poursuites pénales. Néanmoins, l’ordonnance du TGI prononcée sans astreinte financière, mais évoquant ces sanctions pénales, a suffi pour que l’association mette en place sur son site un petit onglet d’alerte avec un formulaire de contact.
Il est intéressant de noter que l’association ayant reconnu sa qualité d’éditeur, cela signifie que même sans notification formelle, elle sera responsable des contenus publiés sur son site Internet. En effet, si les hébergeurs n’ont pas « d’obligation générale de surveillance des informations qu’ils stockent ou transmettent » et n’engagent leur responsabilité qu’à certaines conditions spécifiques, les éditeurs engagent en revanche leur responsabilité dès lors que des contenus illicites sont reproduits sur le site dont ils assurent l’édition. Ainsi, le fait de mettre en place un dispositif de signalement permet à la fois à l’association de respecter ses obligations en qualité d’hébergeur et de bénéficier d’un outil lui permettant d’être éventuellement alertée de publications susceptibles d’engager sa responsabilité en qualité d’éditeur.
Auteurs
Anne-Laure Villedieu, avocat associée en droit de la propriété industrielle, droit de l’informatique, des communications électroniques et protection des données personnelles.
Diane De Tarr-Michel, avocat en droit de la propriété intellectuelle