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Obligation documentaire en matière de prix de transfert

Obligation documentaire en matière de prix de transfert

Un formalisme accru visant à faciliter les contrôles par l’administration fiscale

Les textes d’application de la nouvelle obligation documentaire en matière de prix de transfert ont été publiés récemment. Ils visent en particulier à standardiser son contenu, afin de le rendre plus exploitable pour l’administration fiscale.

Le contenu de la documentation des prix de transfert1 prévue à l’article L.13 AA du livre des procédures fiscales (« LPF« ) a été modifié en profondeur par la loi de finances pour 2018 (article 107 de la loi n°2017-1837 du 30 décembre 2017) afin de l’aligner sur le modèle proposé par l’OCDE2.

Le nouveau format de documentation est applicable aux entreprises françaises membres de groupes multinationaux importants3 au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2018.

Récemment publiés, le décret d’application modifiant la partie réglementaire du LPF (Décret n°2018-554 du 29 juin 2018 publié au Journal Officiel le 30 juin 2018) et la doctrine administrative (BOI-BIC-BASE-80-10-40 du 18 juillet 2018) précisent la nature des informations requises et leurs modalités de présentation.

1. La documentation devra être présentée sous forme dématérialisée selon une structure prédéfinie…

La documentation doit désormais être fournie sous forme dématérialisée, et être composée de deux parties :

(i) le fichier principal (master file) qui fournit une vue d’ensemble de l’organisation du groupe ; et

(ii) le fichier local (local file) qui comprend les informations permettant d’analyser le caractère de pleine concurrence des transactions intragroupe internationales de l’entité établie en France.

Le master file devra ainsi décliner, dans l’ordre, les cinq rubriques suivantes.

(i) La structure organisationnelle du groupe, c’est-à-dire la description de sa structure juridique et capitalistique et la situation géographique des entités opérationnelles. Le décret précise que la notion d’entité opérationnelle vise l’ensemble des structures juridiques, y compris celles n’ayant pas de personnalité morale (par exemple les succursales).

(ii) Les domaines d’activité du groupe. Cette rubrique a pour objet de :

  • décrire (a) les sources importantes de bénéfices du groupe et (b) la chaine d’approvisionnement des cinq principaux biens et services du groupe et ceux représentant plus de 5% du chiffre d’affaires consolidé du groupe. Cette description, qui peut prendre la forme d’un schéma, doit permettre d’identifier les principales étapes qui conduisent à la commercialisation des biens et services sans pour autant indiquer la valeur des différentes contributions à la chaine d’approvisionnement ;
  • lister les accords importants de prestations de services au sein du groupe en précisant les parties à l’accord, les moyens humains, matériels, financiers et logistiques du prestataire et la méthode de prix de transfert appliquée. La doctrine administrative indique que ces informations peuvent être fournies sous forme de tableau ;
  • indiquer les principaux marchés géographiques dans lesquels le groupe opère ;
  • présenter succinctement l’analyse fonctionnelle des principales entités du groupe et les opérations importantes et réorganisations intervenues au cours de l’exercice.

(iii) Les actifs incorporels du groupe. Cette rubrique doit (a) détailler la stratégie du groupe en matière de développement et exploitation des actifs incorporels, (b) lister les actifs incorporels détenus par le groupe en précisant l’entité juridique propriétaire et la politique de prix de transfert appliquée et (c) indiquer les accords importants entre entreprises associées relatifs à ces actifs. Le cas échéant, la documentation devra comporter une description des transferts importants d’actifs intervenus au sein du groupe au cours de l’exercice concerné.

(iv) Les activités financières du groupe. Cette rubrique a pour objet de présenter la manière dont le groupe est financé, d’identifier les entités exerçant des fonctions de centrale de financement ou de trésorerie et de décrire la politique de prix de transfert.

(v) La situation financière et fiscale du groupe. La documentation devra ainsi contenir les états financiers consolidés du groupe et une description des accords préalables en matière de prix de transfert unilatéraux conclus par le groupe et des autres décisions des autorités fiscales concernant la répartition des bénéfices entre pays.

Le local file devra comporter, dans l’ordre, les trois rubriques suivantes :

(i) Entité en France dont l’objet est de décrire (a) les organes de direction et les structures opérationnelles de la société française en précisant leurs effectifs et responsabilités respectives – cette description pouvant prendre la forme d’un organigramme, (b) les activités que la société exerce et la stratégie qu’elle développe, c’est-à-dire les objectifs poursuivis, les arbitrages sur l’allocation des moyens financiers et humains et les risques assumés pour atteindre les objectifs et (c) son environnement concurrentiel.

(ii) Transactions contrôlées, qui doit (a) décrire les transactions importantes avec des entreprises associées en précisant les montants des paiements et des recettes intragroupe, (b) lister les accords interentreprises importants, (c) fournir une analyse de comparabilité et une analyse fonctionnelle relative à chaque transaction identifiée et (d) présenter la méthode de détermination des prix de transfert utilisée et les raisons pour lesquelles cette méthode a été retenue. Le décret précise que les transactions concernées sont celles dont le montant agrégé, par catégorie, excède 100 000 euros. En outre, il indique explicitement que les opérations entre siège et succursales doivent être documentées.

(iii) Informations financières qui doit comporter les comptes financiers annuels de l’entreprise et des tableaux de répartition indiquant comment les données financières utilisées pour déterminer les prix de transfert peuvent être reliées à ces états financiers.

2. … afin de faciliter le contrôle par l’administration fiscale

Bien que le volume d’informations à fournir ait augmenté, la structure et le contenu standardisés de la documentation devraient faciliter l’examen de la politique de prix de transfert des entreprises françaises par l’administration fiscale. En effet :

  • La similitude de certaines informations demandées, et des tableaux suggérés par la doctrine administrative pour les fournir, devrait tout d’abord permettre à l’administration de s’assurer de la cohérence des informations fournies dans le cadre des différentes obligations en matière de prix de transfert (c’est-à-dire la déclaration de la politique de prix de transfert et la déclaration pays par pays prévues respectivement aux articles 223 quinquies B et 223 quinquies C du CGI).
  • L’obligation de fournir la documentation et les tableaux de données (par exemple montants des transactions intragroupe) dans un format électronique permettront à l’administration de les exploiter plus aisément lors du contrôle fiscal. Pour les tableaux, le décret prévoit en effet qu’ils doivent « (…) permettre à l’administration d’effectuer des vérifications des calculs réalisés par l’entreprise, tris, classements ainsi que tout type de calculs ».

Enfin, ce nouveau format induit l’obligation pour les entreprises françaises de présenter les conséquences arithmétiques de l’application des politiques de prix de transfert dans la comptabilité sociale de l’entreprise avec l’identification des comptes concernés : cette information, qui ne sera a priori pas aisée à fournir pour des sociétés ayant plusieurs activités ou types de flux internationaux intragroupe, devrait permettre à l’administration de vérifier concrètement la traduction comptable de la politique de prix de transfert mise en œuvre. En outre, l’administration pourrait avoir un accès plus large à la comptabilité analytique des entreprises puisque le décret prévoit que les informations doivent notamment porter sur : « la correspondance entre les états financiers ayant servi à la détermination des prix et ceux dont la tenue par l’entreprise est obligatoire ».

Compte tenu des enjeux financiers potentiels (amende pour documentation incomplète ou redressements), les sociétés concernées doivent étudier précisément ces nouveaux textes afin d’adapter et compléter leurs documentations actuelles.

Notes

1 C’est-à-dire des prix pratiqués dans le cadre des transactions intragroupe internationales.
1 Annexes 1 et 2 au chapitre 5 des Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales.
1 Les seuils d’assujettissement n’ont pas été modifiés : sont notamment soumises à l’obligation documentaire les personnes morales établies en France (i) dont le chiffre d’affaires hors taxes ou l’actif brut statutaire est supérieur à 400 millions d’euros ou (ii) détenant ou étant détenues directement ou indirectement par une entité juridique dépassant ces seuils. L’amende applicable lorsque la documentation est absente ou incomplète est inchangée (article 1735 ter du code général des impôts (« CGI »).

 

Auteurs

Xavier Daluzeau, avocat associé, fiscalité internationale

Antoine Faure, avocat en fiscalité internationale

 

Obligation documentaire en matière de prix de transfert : Un formalisme accru visant à faciliter les contrôles par l’administration fiscale – Article paru dans le magazine Option Finance le 27 août 2018