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OBO immobilier : une stratégie attrayante…subordonnée à des réglages fins (2ème partie)

OBO immobilier : une stratégie attrayante…subordonnée à des réglages fins (2ème partie)

L’OBO immobilier soulève, nous l’avons vu (1ère partie), diverses considérations afférentes à l’abus de droit. L’effet de levier fiscal qui en découle invite par ailleurs à s’interroger sur la déductibilité de la dette d’acquisition aussi bien pour la détermination des résultats de la société cessionnaire que pour les besoins du nouvel impôt sur la fortune immobilière (IFI).

1. OBO et intérêts d’emprunt

L’attrait de l’OBO repose sur l’effet de levier attaché à la dette d’acquisition. La déduction fiscale des intérêts d’emprunt, dans l’hypothèse de la cession d’un immeuble ou de titres d’une société immobilière au bénéfice d’une autre société, obéit à des règles strictes.

1.1 Dans la sphère des revenus fonciers1, l’article 31.I.1° du CGI fixe comme suit les conditions de déduction des intérêts d’emprunt :

Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : (…)
d) Les intérêts de dettes contractées pour la conservation, l’acquisition, la construction, la réparation ou l’amélioration des propriétés…

Une opération d’OBO immobilier, sauf à caractériser un abus de droit (cf. 1ère partie), s’analysera (à raison du transfert de propriété qu’elle matérialise) en une opération d’acquisition d’un immeuble ou des titres représentatifs de ce dernier.

Rappelons qu’en application de l’article 13.1 du CGI, les intérêts afférents à une dette contractée pour l’acquisition d’un immeuble (ou des titres d’une société immobilière) sont déductibles pour autant que le bien soit destiné à procurer des revenus. Cette règle est susceptible de poser des difficultés lors de l’acquisition de la seule nue-propriété d’un bien immobilier (sauf si l’usufruit correspondant est détenu par un bailleur social).

Si, au vu de ces premières considérations, la dette contractée pour l’acquisition d’un bien immobilier frugifère semble devoir -littéralement- obéir aux prévisions légales précitées, il convient néanmoins, dans la mise en œuvre d’un OBO immobilier, de ne pas perdre de vue que l’administration pourra tenter de récuser le caractère d’opération « d’acquisition » dans le cas de schémas purement circulaires. Sans préjuger ici de la position de l’administration, relevons au nombre des arguments en faveur du contribuable que la dette litigieuse peut participer d’un objectif de « conservation » de la propriété et donc des revenus.

L’une des questions saillantes, dans la sphère des revenus fonciers, tient aux risques de contestation de la déductibilité des intérêts sur le fondement de la théorie dite des « emprunts substitutifs ». En effet, selon la doctrine administrative, un tel emprunt n’a pas à proprement parler la nature d’une dette contractée « pour l’acquisition d’un bien immobilier », mais pour le remboursement d’un prêt immobilier antérieur.

La doctrine administrative admet, à l’occasion du refinancement d’un bien immobilier par un ou des emprunts substitutifs, que le droit à déduction attaché à l’emprunt initial ne soit pas affecté sous réserve des conditions cumulatives ci-après :

  • le nouvel emprunt doit être souscrit pour rembourser l’emprunt initial (ce que le nouveau contrat ou l’avenant devra mentionner expressément) ;
  • les intérêts déductibles n’excèdent pas ceux de l’échéancier initial ;
  • les intérêts sont limités à ceux afférents au capital de l’emprunt initial restant dû, dans la limite de l’échéancier initial.

Nous n’avons pas connaissance de doctrine ou de jurisprudence administrative qui étendrait la théorie des « emprunts substitutifs », applicable à des opérations de refinancement au sein d’un même patrimoine, à des hypothèses de cession d’un bien immeuble (ou de titres de société immobilière) au bénéfice d’une société contrôlée par le cédant ou son groupe familial.

Pour autant, le risque qu’il faille appliquer les mêmes critères que ceux prévus par la doctrine précitée à un OBO immobilier semble se trouver réduit si ce refinancement se traduit par un changement significatif dans le mode de détention du bien (interposition d’une personne morale nouvelle, modification notable du taux de détention du cédant ou de l’actionnariat cédant, présence d’autres biens à l’actif de la société, etc…).

1.2. Dans la sphère BIC / IS, la déduction des charges (en ce compris financières) est subordonnée notamment à ce qu’elles soient exposées dans l’intérêt de l’exploitation et se rattachent à une gestion normale.

En dehors d’opérations fictives et/ou poursuivant un but exclusivement fiscal, nous ne pensons pas que la doctrine des « emprunts substitutifs » soit transposable.

On relève au demeurant que les cas de limitation de déduction des intérêts d’emprunt dans les situations de « vente à soi-même » sont visées par des dispositifs légaux d’application stricte (amendement Charasse, règles de sous-capitalisation).

2. OBO et IFI

La loi de finances pour 2018 a institué un impôt sur la fortune immobilière (IFI) qui a remplacé l’ISF. La législation sur l’IFI comporte certaines spécificités en matière d’évaluation de parts de sociétés détentrices de biens immobiliers (règles limitant la déductibilité des dettes souscrites par une société cessionnaire) susceptibles d’impacter les opérations d’OBO immobilier.

Si l’OBO considéré échappe au grief de l’exclusivisme fiscal évoqué précédemment, il convient désormais de s’interroger sur la déductibilité de la dette d’acquisition pour la valorisation à l’IFI des titres de la société cessionnaire de l’immeuble.

Les deux principaux dispositifs anti-abus résultant du II de l’article 973 sont les suivants :

Pour la valorisation des parts ou actions mentionnées au 2° de l’article 965, ne sont pas prises en compte les dettes contractées directement ou indirectement, par une société ou un organisme :
1° Pour l’acquisition d’un bien ou droit immobilier imposable à une personne mentionnée au 1° de l’article 965 à une personne qui contrôle, au sens du 2° du III de l’article 150-0B ter, seule ou conjointement avec les autres personnes mentionnées au 1° de l’article 965, la société ou l’organisme mentionné au premier alinéa du présent II ;
2° Auprès d’une personne mentionnée au 1° de l’article 965, pour l’acquisition d’un bien ou droit immobilier imposable (…)

Et ce même article précise que « les 1°, 2° (…) du présent article ne s’appliquent pas si le redevable justifie que le prêt n’a pas été contracté dans un objectif principalement fiscal ».

Cela signifie que ne sont pas prises en compte, pour la valorisation des parts de la société cessionnaire, les dettes contractées :

  • pour acquérir un immeuble imposable entre les mains d’un redevable de l’IFI ou d’un membre de son foyer fiscal, qui contrôle la société cessionnaire, seul ou conjointement avec son foyer fiscal(1°) ;
  • ou celles contractées auprès d’un redevable de l’IFI, ou d’un membre de son foyer fiscal pour l’acquisition d’un bien ou droit immobilier (2°).

Si le 1° vise clairement les opérations de « ventes à soi-même » d’immeubles, le 2° est susceptible de s’appliquer aux opérations d’OBO immobiliers lorsqu’une partie de la dette d’acquisition prend la forme d’un compte courant d’associé.

Ces cas de non-déductibilité ne trouvent pas à s’appliquer si le contribuable rapporte la preuve que l’opération n’est pas dictée par des considérations sinon exclusivement à tout le moins « principalement » fiscales.

Si, à ce stade, nous manquons de recul sur le point de savoir comment s’opère la pesée, entre une pluralité de motifs susceptibles de déterminer l’opération d’OBO, de celui qui serait « principal », les commentaires administratifs parus récemment livrent quelques indices (BOI-PAT-IFI-20-30-30 du 8 juin 2018 n°230).

Le but « principalement fiscal » s’apprécie tout d’abord au regard de la seule charge d’IFI à laquelle est assujetti le redevable et non eu égard à d’autres impôts susceptibles d’être minorés dans la durée du fait de l’OBO réalisé (droits de donation ou de succession par exemple). En outre, sont susceptibles d’être prises en compte, pour caractériser un objectif autre que principalement fiscal, « les circonstances que la dette (d’acquisition) a été souscrite avant la création de l’IFI au 1er janvier 2018, ou à une date très antérieure à celle à compter de laquelle le foyer fiscal est devenu redevable de cet impôt ».

En présence de plusieurs objectifs, l’analyse du caractère principal « résulte d’une appréciation de fait tenant notamment compte du montant de l’économie d’impôt résultant de la minoration de l’assiette imposable à l’IFI rapporté à l’ensemble des gains ou avantages de tout nature obtenus du fait du montage ».

Si l’interposition d’une société (pivot de l’opération d’OBO envisagée) pose un certain nombre de difficultés au vu des dispositifs anti-abus précités, elle est à l’inverse susceptible de faire échec à deux dispositions venant limiter, pour les besoins de l’IFI, la déductibilité des dettes personnellement contractées par le redevable, à savoir :

  • celle du 1er alinéa du II de l’article 974 du CGI, en vertu de laquelle les dettes avec remboursement « in fine » contractées pour l’acquisition d’un bien ou droit immobilier imposable ne sont désormais que partiellement déductibles (les annuités théoriques étant déterminées en divisant le montant de l’emprunt par le nombre d’années formant la durée totale de l’emprunt, seule la somme des annuités correspondant au nombre d’années restant à courir jusqu’au terme de l’emprunt étant déductible, cette règle visant à reconstituer fictivement ce qui serait déductible du patrimoine imposable à l’IFI en cas de souscription d’un prêt amortissable) ;
  • celle du IV de l’article 974 du CGI, qui plafonne à 60% de la valeur du patrimoine immobilier imposable à l’IFI le montant des dettes admises en déduction s’agissant des contribuables dont le patrimoine immobilier taxable excède 5 millions d’euros.
Notes

1 Il est ici supposé que la cession s’opère au profit d’une société fiscalement translucide (SCI par exemple), étant précisé que d’autres cas de figure sont susceptibles de survenir (cession au profit d’une société soumise à l’IS par exemple).

Auteurs

Olivier de Saint Chaffray, avocat associé spécialisé en fiscalité directe.

Thomas Laumière, avocat associé, droit fiscal

 

 

OBO immobilier : une stratégie attrayante…subordonnée à des réglages fins (2ème partie) – Article paru dans le magazine Option Finance du 9 juillet 2018