Octroi de prêts par les fonds d’investissement, suite… et fin ?
L’arrêté du 17 juillet 2017 (l’ »Arrêté« ) portant homologation de modifications du règlement général de l’Autorité des marchés financiers (« RGAMF ») est venu apporter les précisions attendues1 au décret n°2016-1587 du 24 novembre 2016 relatif aux conditions dans lesquelles certains fonds d’investissement2 (les « Fonds ») peuvent octroyer des prêts aux entreprises.
Tout d’abord, l’Arrêté fixe (i) à 90% le plafond du pourcentage du capital restant dû d’une créance non échue du Fonds, à partir duquel cette créance peut être cédée sans que le Fonds n’ait à être agréé par l’AMF et (ii) à 30% le pourcentage de l’actif net du Fonds, ou le cas échéant du montant non appelé des souscriptions, pouvant être emprunté par un Fonds octroyant des prêts.
L’Arrêté introduit ensuite une distinction dans le RGAMF s’agissant des règles de plafonnement des rachats pour ces Fonds. Si les grands principes des gates, par ailleurs applicables aux autres fonds, s’appliquent indistinctement aux Fonds, le RGAMF prévoit :
- lorsque la valeur liquidative du Fonds est établie plus d’une fois par semaine, que la part des demandes de rachat qui excède le plafond et qui n’aurait pas été exécutée est automatiquement reportée sur la prochaine date de centralisation, et que les ordres y afférant sont irrévocables ;
- dans les autres cas, que toute latitude est laissée au règlement ou aux statuts du Fonds dans les limites des grands principes précités.
Une autre modification introduite par l’Arrêté est la création d’un article 423-36-2 du RGAMF qui énumère les caractéristiques que doit vérifier le système d’analyse et de mesure des risques visé à l’article R. 214-203-3 du Code monétaire et financier.
Cette modification, tout comme la précision apportée par l’Arrêté sur les rachats, reste cependant d’un intérêt limité.
En revanche, la modification apportée au RGAMF concernant le délai de conservation des prêts revêt une grande importance tant pour les Fonds que pour les sociétés de gestion de portefeuille (« SGP »). Le RGAMF prévoit en effet désormais3 que la possibilité pour un Fonds de céder des prêts non échus ou déchus de leur terme ne peut intervenir :
- qu’après un délai raisonnable, au regard de la maturité des prêts, ne pouvant être inférieur à un an ; ou
- que dans des conditions garantissant l’alignement d’intérêts entre le Fonds cédant et les cessionnaires successifs.
Le RGAMF précise que cet alignement peut être réalisé par la conservation par le Fonds cédant d’un intérêt économique ou dans le cadre d’une syndication dans laquelle le cédant et le cessionnaire sont créanciers de même rang.
Ces précisions sont utiles mais la généralité des termes utilisés doit alerter.
En effet, le caractère « raisonnable, au regard de la maturité des prêt » que doit respecter le délai entre l’octroi et la cession d’un prêt laisse une très grande liberté d’appréciation à l’AMF. Pour réduire le risque de « mauvaise surprise », il convient selon nous de s’appuyer sur les termes mêmes du RGAMF en prévoyant dans le programme d’activité4 l’identification même des cessionnaires possibles mais également et surtout les conditions d’une telle cession. Cette prudence devrait permettre d’éviter des positions inattendues du régulateur en cours de vie d’un Fonds.
Par ailleurs, l’exigence selon laquelle « la stratégie de gestion et l’organisation mises en place par la société de gestion garantissent l’alignement des intérêts entre les actionnaires ou les porteurs de parts du fonds et les cessionnaires successifs des prêts » fait peser, nonobstant les présomptions en cas de syndication ou de conservation d’une partie du prêt, une lourde responsabilité sur la SGP. A cet égard, il est permis de s’interroger sur la possibilité d’un recours du cessionnaire fondée sur cette disposition pour rechercher la responsabilité d’une SGP.
Cela étant, la Place devrait raisonnablement pouvoir compter sur son régulateur, qui a su allier ces dernières années souplesse et rigueur, pour adopter une interprétation sage de ces textes.
Notes
1 Voir du même auteur, Octroi de prêts par les fonds d’investissement – Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 5 décembre 2016.
2 Les fonds professionnels spécialisés (dont les sociétés de libre partenariat) et les fonds professionnels de capital investissement.
3 Article 423-36-2.
4 Et également les documents constitutifs du Fonds.
Auteur
Jérôme Sutour, avocat associé, responsable Services Financiers