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Octroi de prêts par les fonds d’investissements : l’AMF prend déjà position

Octroi de prêts par les fonds d’investissements : l’AMF prend déjà position

Si depuis des années, le droit français reconnaît que la fourniture de services bancaires par certains fonds d’investissement alternatifs («FIA») ne constitue pas sous certaines conditions une atteinte au monopole bancaire1, ce n’est que depuis le 29 décembre 2015 que l’article 27 de la loi de finance rectificative pour 2015 («LFR») est venu préciser que la faculté d’accorder des prêts était réservée à un nombre limité de fonds d’investissement alternatifs agissant dans le cadre d’un décret non encore publié ou bénéficiant d’un agrément au titre du Règlement ELTIF2.

Dans le cadre de la préparation de ce décret, l’Autorité des marchés financiers («AMF») a rendu public les résultats de la consultation initiée en octobre 2015 sur cette possibilité et a, à cette occasion, présenté des propositions sur les principes directeurs de sa future doctrine en la matière. Ainsi, si ces propositions sont susceptibles d’évoluer selon le texte final du décret, elles offrent déjà un éclairage utile sur les points d’attention de l’AMF.

Certaines orientations retenues ne créent aucune surprise au plan des principes : l’AMF rappelle ainsi que les sociétés de gestion («SGP») gérant des FIA souhaitant octroyer des prêts doivent être agréées par l’AMF et disposer d’un programme d’activité spécifique. Les termes employés par l’AMF laissent tout de même penser qu’elle portera une attention renforcée sur les moyens de la SGP dans le cadre de cette activité. De même, l’AMF attend aussi que les SGP de ce type de FIA déclarent trimestriellement auprès de ses services et de ceux de la Banque de France les prêts consentis, afin de permettre le suivi de leur évolution.

Cependant, on peut être déçu que l’AMF ne saisisse pas l’occasion de se départir des obligations clefs applicables aux FIA relevant du Règlement ELTIF, pour les fonds dont les prêts consentis ne représentent que 10% des actifs nets du fonds. Elle indique ainsi :

  • s’agissant des limites liées à la liquidité du FIA : les FIA devraient interdire ou limiter les rachats de leurs parts à une partie de leurs actifs pour que l’octroi de prêts se fasse sans transformation de liquidité et les prêts devraient avoir une échéance inférieure à celle des FIA ;
  • s’agissant des limites affectant ces prêts : les prêts accordés par les FIA ne pourraient être octroyés qu’à des entreprises non financières et le recours à l’effet de levier devrait être interdit. L’emprunt devrait être autorisé jusqu’à 30% de l’actif net du FIA à condition qu’il n’ait pas pour objectif de financer l’octroi de prêts ;
  • les FIA concernés ne pourraient pas recourir à la vente à découvert, au prêt de titres financiers ou aux instruments dérivés sauf pour la couverture des risques de taux et de change.

Mais au-delà de ces éléments, certaines propositions de l’AMF méritent d’être soulignées.

Tout d’abord, l’AMF estime que l’octroi de prêts devrait être réservé3 aux fonds professionnels spécialisés, organismes de titrisation et fonds professionnels de capital investissement. Ce faisant, alors même que le Règlement ELTIF est applicable aux FIA au sens large et que la faculté d’accorder des prêts pourrait être étendue par le décret attendu au-delà du champ fixé par la LFR, l’AMF semble préférer limiter le type de FIA pouvant exercer cette activité.

Ensuite, l’AMF pose le principe selon lequel chaque prêt accordé par un FIA devrait être octroyé «dans le but d’être conservé» jusqu’à son échéance. Pour mémoire, les métiers de la gestion soutiennent classiquement que leur activité est distincte de celle de la banque en ce qu’elle n’a pas pour objet d’originer des prêts mais bien de procéder à la constitution d’un portefeuille. L’AMF semble maintenir ce principe dans ces orientations.

En outre, l’AMF reconnaît que les SGP devraient être autorisées à effectuer directement le recouvrement des prêts qu’elles ont octroyés. Une telle évolution bénéficierait aussi aux SGP gérant des organismes de titrisation qui achètent des créances dont le recouvrement doit être aujourd’hui confié à une autre entité4.

Il reste toutefois deux points d’attention dont il conviendra de s’assurer qu’ils ne sont pas affectés ou remis en cause par la doctrine finale de l’AMF : le régime des avances en compte courant des FIA et la possibilité pour les FIA de réaliser des opérations relevant d’une activité de constitution de portefeuille, qualifiable de fourniture d’un service bancaire mais réalisée en-dehors du champ du monopole.

Notes

1 Article L.511-6 du Code monétaire et financier (« CMF »)
2 Règlement (UE) 2015/760 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2015 relatif aux fonds européens d’investissement à long terme.
3 Conformément aux dispositions légales.
4 Article L.214-172 du CMF.

 

Auteur

Jérôme Sutour, avocat associé, responsable Services Financiers.

 

Octroi de prêts par les fonds d’investissements : l’AMF prend déjà position – Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 11 avril 2016