Ordre du jour du comité d’entreprise et régularité de la procédure de licenciement
2 mai 2014
En matière de droit du travail, les jurisprudences du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation sont le plus souvent concordantes. Une fois n’est pas coutume, la Haute Juridiction administrative a récemment pris le contrepied de la Haute Cour sur la question de l’établissement unilatéral de l’ordre du jour du comité d’entreprise.
Par un arrêt du 4 décembre 2013, le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi formé contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy du 5 juin 2012 qui avait annulé les jugements du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 7 juillet 2011 qui avaient annulé les décisions d’autorisation de licenciement prises par le Ministre chargé du travail du 9 août 2010 sur recours hiérarchique contre les décisions de refus d’autorisation de licenciement prises par l’inspection du travail saisi le 6 janvier 2010… Ouf !
Presque quatre années de procédure depuis la demande d’autorisation de licenciement des salariés protégés, l’on se dit que cela valait la peine d’attendre et que la décision allait marquer sans doute une avancée considérable du droit.
Chacun se fera son idée… mais cessons ce suspense insupportable.
De quoi s’agit-il ?
Tout simplement de la faculté pour l’employeur d’établir unilatéralement l’ordre du jour du comité d’entreprise dans un domaine où la consultation dudit comité est rendue obligatoire par une disposition législative, réglementaire ou par un accord collectif de travail.
Quoi de nouveau, vous dîtes-vous ; nous le savons pertinemment depuis l’intervention de la loi du 18 janvier 2005 (article L. 2325-15 du code du travail).
Oui, mais à la différence de la Cour de cassation, le Conseil d’Etat ne fait pas de la tentative d’établissement conjoint de l’ordre du jour un préalable nécessaire.
Dans son arrêt du 12 juillet 2010 (n° 0840.821) la Cour de cassation avait fait une autre lecture de l’article L. 2325-15, considérant que «l’élaboration conjointe de l’ordre du jour demeurant la règle, les dispositions de l’article L. 2325-15 alinéa 2 du code du travail ne dispensent pas l’employeur qui entend faire inscrire une question à l’ordre du jour de la réunion du comité d’entreprise de la soumettre préalablement au secrétaire du comité, alors même que la consultation de cette institution est obligatoire».
Là où la Cour de cassation censure les juges du fond pour avoir débouté les salariés de leur demande de dommages et intérêts pour violation de la procédure de licenciement économique collectif, le Conseil d’Etat juge «sans incidence sur la régularité de la procédure de licenciement» l’établissement unilatéral par l’employeur de l’ordre du jour.
Loin de nous l’idée de déterminer qui a tort ou raison ou bien encore de pronostiquer quelle juridiction suprême se ralliera à l’autre.
Préconisons simplement qu’y compris dans les matières où les juridictions de l’ordre administratif sont compétentes, la tentative de l’établissement conjoint de l’ordre du jour soit de mise.
N’oublions pas que le droit inscrit à l’article L. 2325-15 alinéa 2 du code du travail appartient également au secrétaire du comité d’entreprise et que le dialogue social ne gagnerait rien à un usage intempestif de celui-ci par ses détenteurs…
A propos de l’auteur
Pierre-Jean Sinibaldi, avocat associé. Il est spécialisé en droit social et intervient en matière de conseil et défense des entreprises. Il traite plus particulièrement des questions relatives : à l’aménagement du temps de travail, à la politique salariale et l’épargne salariale, à la négociation collective et à la représentation du personnel, aux plans de sauvegarde de l’emploi, aux contentieux collectifs et individuels (relations de travail, importants contrôles et contentieux URSSAF …), au statut des dirigeants, aux aspects sociaux d’opérations de rapprochement et de cession d’entreprises, à l’harmonisation européenne des politiques de ressources humaines, aux plans de retraite et de prévoyance, à la gestion de la mobilité internationale et aux restructurations nationales et internationales et à la mise en place de plans d’actionnariat salarié.
Article paru dans les Echos Business du 30 avril 2014
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