Perquisition fiscale : la Cour de cassation valide les saisies massives et indifférenciées des messageries électroniques
Dans un arrêt du 8 mars 2016, la Cour de cassation valide de nouveau la saisie d’une messagerie électronique opérée par l’administration fiscale dans le cadre d’une procédure dite « L.16 B du Livre des procédures fiscales » (LPF), au motif que lorsqu’un support de documents est indivisible, l’Administration est en droit d’appréhender tous les documents qui y sont contenus, dès lors que certains d’entre eux se rapportent, au moins en partie, aux agissements visés par l’autorisation de visite (Cass. com., 8 mars 2016, n°14-26.929.
Le maintien par la Cour de cassation de sa jurisprudence fondée sur le caractère réputé non sécable des messageries électroniques ne manque pas une fois de plus de surprendre tant la position paraît contraire aux dispositions de l’article L.16 B du LPF. Cette position privilégie la facilité de travail des enquêteurs au détriment du respect des libertés individuelles et, en tout état de cause, repose sur le principe de l’insécabilité des messageries électroniques, ce que de nombreux experts contestent.
L’article L.16 B du LPF prévoit en effet que les agents de l’administration fiscale ne peuvent saisir que les pièces et documents se rapportant à la fraude présumée, ce qui devrait exclure les saisies de masse. Soulignons à ce titre que la Cour européenne des droits de l’homme a déjà condamné la France pour des saisies massives et indifférenciées de fichiers informatiques, considérant que de telles saisies étaient contraires au droit au respect de la vie privée consacré par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CEDH, 2 avril 2015, n°63629/10 et 60567/10 : arrêt certes rendu en matière de droit de la concurrence mais qui trouve à s’appliquer en matière de procédure L.16 B).
En outre, la Cour de cassation a pu indiquer dans son arrêt du 8 mars 2016 qu’il « appartient au défendeur au recours de préciser et produire les éléments du fichier qui seraient insaisissables en indiquant la raison pour chacun des éléments », pour considérer au demeurant que tel n’avait pas été le cas en l’espèce, ce qui constitue une inversion des rôles, le justiciable supportant la charge de devoir justifier du caractère insaisissable ou sans lien avec la fraude présumée des documents ainsi saisis (en ce sens : Cass. com., 7 juin 2011, n°10-19.585).
Certes, lors d’une perquisition fiscale, le contribuable conserve le droit de demander à ce que certains documents ne soient pas saisis et, en cas de litige, il est possible de solliciter leur mise sous scellés, étant précisé que les enquêteurs n’y sont pas tenus (en ce sens : Cass. crim., 17 juin 2009, n°07-88.354). En cas de refus, il est nécessaire de faire état de cette situation dans une note jointe au procès-verbal de saisie.
Auteurs
Richard Foissac, avocat associé, droit fiscal
Guillaume Duchene, avocat, droit fiscal