Personnes vulnérables : suspension des nouveaux critères de vulnérabilité
19 octobre 2020
L’article 20 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 a prévu le placement en activité partielle des salariés personnes vulnérables – c’est-à-dire « présentant un risque de développer une forme grave d’infection au virus SARS-CoV-2 » – et des salariés partageant leur domicile et a renvoyé à un décret le soin de fixer les critères de vulnérabilité.
Sur ce fondement, un premier décret n°2020-521 du 5 mai 2020 a fixé une liste de 11 critères, non cumulatifs, permettant d’identifier une personne vulnérable.
Un nouveau décret n° 2020-1098 du 29 août 2020 a mis fin au placement en activité partielle des salariés cohabitant avec une personne vulnérable, et a restreint la liste des pathologies définissant une personne à risque.
Ainsi, et à compter du 1er septembre 2020, les femmes enceintes au troisième trimestre de grossesse, les personnes diabétiques ou obèses de moins de 65 ans ou encore les personnes âgées de plus de 65 ans sans problème particulier ne pouvaient plus être placées en activité partielle.
La Ligue nationale contre l’obésité ainsi que plusieurs requérants personne physique ont demandé au juge des référés du Conseil d’Etat de suspendre ce dernier décret dans son intégralité, arguant, pour certains, d’une atteinte grave et manifestement illégale à deux droits fondamentaux : le droit à la santé – expressément consacré comme droit fondamental par le Code de la santé publique (art. L.1110-1) – et le droit à la vie – protégé, notamment, par l’article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Par une ordonnance du 15 octobre 2020, le Conseil d’Etat confirme la fin de l’application du dispositif permettant aux salariés partageant le domicile d’une personne vulnérable de bénéficier de l’activité partielle au 31 août 2020 mais suspend les dispositions dudit décret fixant les critères de vulnérabilité applicables à compter du 1er septembre 2020 jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur leur légalité (CE, réf., 15 octobre 2020, nos 444425, 444916, 444919, 445029, 445030).
Possibilité pour le décret de mettre fin au dispositif pour les salariés partageant le même domicile qu’une personne vulnérable
Le dispositif particulier d’activité partielle pour les salariés cohabitant avec une personne vulnérable avait vocation à s’appliquer « jusqu’à une date fixée par décret et au plus tard le 31 décembre 2020 » (Loi n° 2020-473, art. 20).
Le juge des référés constate que cette disposition permet expressément au Premier ministre de mettre fin à ce dispositif lorsqu’il estime que la situation le justifie.
Ainsi, c’est à bon droit que le Premier ministre a pu décider que les salariés partageant le domicile d’une personne vulnérable ne bénéficieraient plus du dispositif d’activité partielle à compter du 1er septembre 2020.
La suspension des nouveaux critères de vulnérabilité
Dans un premier temps, le juge des référés du Conseil d’Etat rappelle que la loi du 25 avril 2020 laisse au Premier ministre un large pouvoir d’appréciation pour définir les critères de vulnérabilité. Toutefois, dans un deuxième temps, il retient qu’il appartenait au Gouvernement « de justifier de critères pertinents au regard de l’objet de la mesure et cohérents entre eux ».
Le juge des référés considère que le choix et la cohérence de ces nouveaux critères n’ont pas été suffisamment justifiés pendant l’instruction. Ainsi, en est-il, notamment, du fait que le diabète et l’obésité ne sont, aujourd’hui, retenus comme critères de vulnérabilité que lorsqu’ils sont associés chez une personne âgée de plus de 65 ans.
Le Gouvernement a, selon le Conseil d’Etat, exclu des pathologies ou des situations présentant pourtant un risque équivalent ou supérieur à celles maintenues dans le décret du 29 août 2020 et qui permettent encore de bénéficier de l’activité partielle.
Par conséquent, le Conseil d’Etat a prononcé la suspension des articles 2 et 3 du décret du 29 août 2020 relatifs à la définition des critères de vulnérabilité. Il a également suspendu les dispositions de l’article 4 du décret du 29 août 2020 abrogeant le décret du 5 mai 2020. Dans ces conditions, les critères de vulnérabilité retenus par ce dernier ont vocation à s’appliquer à nouveau.
A cet égard, il appartiendra aux salariés souhaitant bénéficier du dispositif d’activité partielle et qui estiment répondre à l’un des 11 critères énoncés par le décret du 5 mai 2020 de se rapprocher de leur médecin pour qu’un arrêt de travail leur soit délivré.
A lire également
Covid-19 : le régime de l’activité partielle à nouveau modifié !... 30 juin 2020 | CMS FL Social
Covid-19 : renforcement des contrôles de l’inspection du travail dans la mise... 9 février 2021 | CMS FL Social
Modalités d’application des dispositifs d’exonération et d’aide au paiem... 1 octobre 2021 | Pascaline Neymond
La loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de COVID-19... 23 mars 2020 | CMS FL Social
Covid-19 : la loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire e... 17 novembre 2020 | CMS FL Social
Fin de l’application du protocole sanitaire en entreprise le 14 mars 2022... 8 mars 2022 | Pascaline Neymond
Covid-19 : deux nouvelles aides « rebond » à destination des entreprises le... 4 novembre 2021 | Pascaline Neymond
Adaptation de mesures d’urgence en matière d’activité partielle... 23 septembre 2021 | Pascaline Neymond
Articles récents
- La « charte IA » : un outil de contrôle et de conformité désormais incontournable
- Rapport de durabilité : la nouvelle obligation de consultation du CSE entre en vigueur le 1er janvier 2025
- Statut de lanceur d’alerte : le Défenseur des droits et la jurisprudence précisent ses contours
- Enquêtes internes : des règles en constante évolution
- Pas de co-emploi sans immixtion dans la gestion économique et sociale de la société : illustration en présence d’une société d’exploitation
- Fixation du plafond de la sécurité sociale pour 2025
- Un salarié licencié pour harcèlement sexuel ne peut se prévaloir du phénomène «#Metoo»
- Régimes de retraite des dirigeants : prestations définies versus actions gratuites
- SMIC : Relèvement du salaire minimum de croissance au 1er novembre 2024
- Inaptitude et reclassement : c’est au salarié qu’il appartient de rapporter la preuve d’une déloyauté de l’employeur