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Placement et commercialisation… perseverare diabolicum est

Placement et commercialisation… perseverare diabolicum est

Avec l’arrivée du printemps, l’Autorité des marchés financiers (AMF) rappelle (encore !) ses grands principes en matière de commercialisation. Dans une décision du 2 mai 20181 (la « Décision »), la Commission de sanction de l’AMF a ainsi sanctionné un conseiller en investissement financier (le CIF) pour (i) une activité de distribution de fonds d’investissement alternatif (FIA) étranger ne bénéficiant pas d’une autorisation de commercialisation en France et (ii) la réalisation d’une activité de placement en fraude à son agrément.


Au-delà du rappel de la jurisprudence solidement établie du régulateur français, la Décision présente l’intérêt, s’agissant des deux griefs précités, de souligner que l’AMF procède bien à une analyse in concreto des situations sur lesquelles elle statue ; ce qui lui permet de requalifier une activité d’apport d’affaires en placement et de découvrir une situation de conseil en investissement implicite.

Ainsi, s’agissant de la commercialisation d’un FIA, la Commission des sanctions retient que :

  • la lettre de mission du CIF indiquait « Afin d’être à même de répondre à vos attentes, nous vous proposons : / De répondre à un recueil d’informations qui nous permettra d’apprécier globalement votre situation patrimoniale actuelle sur les plans économiques, juridiques et fiscal, / De rechercher et sélectionner sur le marché européen le placement à réaliser » ; et
  • les clients du CIF ont en outre renseigné un document contenant des informations relatives à leur situation patrimoniale.

Sur ces fondements, l’AMF considère que la présentation du FIA étranger par le CIF constituait bien une recommandation personnalisée qui, en application de la position AMF 2014-04, constitue un acte de commercialisation. Ce considérant permet de souligner que l’absence d’intention de fournir une prestation de conseil en investissement au client n’exclut pas l’existence d’un tel service, si, en pratique, la présentation peut être assimilée à du conseil implicite dès lors que le client peut légitimement considérer qu’une recommandation personnalisée lui a été délivrée, ou qu’il est clairement incité à souscrire tel produit2. Au contraire, comme le relève l’AMF, l’absence de formalisation du conseil caractérise en lui-même un manquement du CIF.

Ainsi, loin d’être un argument de défense, l’absence de formalisation d’un conseil en investissement aux fins d’échapper aux conséquences de la réalisation d’une telle activité constitue une faute par elle-même.

S’agissant de la réalisation d’une activité de placement, l’AMF retient que le CIF avait conclu une convention d’apport d’affaires au titre de laquelle il s’était engagé à : « faire ses meilleurs efforts et à déployer toutes les diligences nécessaires à l’effet de présenter […] un maximum d’investisseurs potentiels parmi ses clients et de récolter un maximum de fonds ». L’AMF considère que cette convention établit bien une relation de placement, la formulation prévoyant un engagement de recherche d’investisseurs dans l’intérêt de l’émetteur.

A nouveau, il faut relever que la réalité de l’activité déployée par le CIF, et non la qualification donnée à la relation, constitue la base de l’analyse du régulateur. De la même manière qu’un mandat de recherche peut dans les faits être constitutif d’une recommandation personnalisée, l’apport d’affaires, qui suppose une simple mise en relation, peut tout autant être requalifié de placement.

Cela étant, on peut regretter que, si la Décision rappelle à juste titre qu’un placement peut être réalisé alors même qu’un conseil en investissement a été fourni « aux clients ayant souscrit aux actions de cette société, ces deux prestations n’étant pas exclusives l’une de l’autre », la formulation employée ne distingue pas selon que la rémunération du CIF est versée par le client. En effet, on voit mal comment pourrait être découverte une quelconque activité de placement dès lors qu’un CIF n’a que pour seul client l’investisseur auquel il fournit un conseil et qui le rémunère. Autrement dit, l’absence de rémunération versée par l’émetteur est jusqu’à présent – et devrait le rester – le critère déterminant pour décider si le CIF a bien pour client l’émetteur et, donc, réalise une activité de placement à son profit.

Notes

1 Procédure n°16-19
2 Voir en ce sens position AMF 2008-23

 

Auteur

Jérôme Sutour, avocat associé, Head of financial services

 

Placement et commercialisation… perseverare diabolicum est – Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 14 mai 2018