Plafonnement des redressements Urssaf en matière de retraite et prévoyance/santé
6 juin 2016
Pour les contrôles engagés à partir du 1er janvier 2016, les redressements liés au non-respect du caractère collectif et obligatoire des régimes de retraite supplémentaire et prévoyance/santé sont plafonnés sous certaines conditions.
De nombreux redressements concernant les régimes supplémentaires de retraite et de prévoyance/santé sont intervenus aux cours de ces dernières années, notamment en raison de la complexification des règles d’exonérations dans ces domaines.
La Cour de cassation avait déjà amorcé un mouvement tendant à limiter ces redressements. Elle a ainsi jugé dans une affaire en date du 19 septembre 2013 (Civ. 2e, 19 septembre 2013, n°12-22.591) «que le fait que certains salariés ne soient pas adhérents du fait d’une exception fonctionnelle ou en leur qualité d’ayants droit de salariés affiliés en leur nom personnel au régime obligatoire de prévoyance complémentaire régulièrement institué, n’est pas de nature à remettre en cause le caractère collectif et obligatoire du régime».
Plus récemment, dans un arrêt en date du 5 novembre 2015 (civ. 2e, 5 novembre 2015, n°14-23871), elle a retenu que «les omissions ou erreurs ponctuelles spontanément corrigées par l’employeur n’avaient pas fait perdre au régime de prestations complémentaires de prévoyance son caractère obligatoire et collectif».
Un rapport parlementaire publié en avril 2015, intitulé «Pour un nouveau mode de relations Urssaf/entreprises » soulevait également « les difficultés que les employeurs peuvent rencontrer pour maîtriser la législation en matière d’exonération et de réduction de cotisations sociales».
A la suite de ce rapport, le législateur est intervenu à son tour en fin d’année 2015 afin de prévoir un système de modulation des redressements dans ces domaines.
C’est ainsi que dans son article 12, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 a créé un nouvel article L. 133-4-8 dans le Code de la sécurité sociale, lequel vient introduire un principe de proportionnalité des redressements opérés par les inspecteurs Urssaf en matière de protection sociale complémentaire. On observera cependant que seuls les chefs de redressement liés au caractère collectif et obligatoire du régime sont visés, et non pas, par exemple, ceux liés à la formalisation des régimes (remise d’un écrit aux salariés en cas de mise en place du régime par décision unilatérale)
L’article L. 133-4-8 du Code de la sécurité sociale rappelle dans un premier temps le principe selon lequel les redressements portent sur le montant global des cotisations dues sur les contributions que les employeurs ont versées pour le financement des garanties de protection sociale complémentaire.
L’article poursuit en introduisant la nouvelle règle selon laquelle le redressement sera réduit selon la nature et la gravité du manquement de l’employeur. Le redressement sera opéré par l’agent chargé du contrôle sur la seule base des sommes faisant défaut ou excédant les contributions nécessaires pour que la couverture du régime revête un caractère obligatoire et collectif, sous réserve que l’employeur reconstitue ces sommes de manière probante. Autrement dit, le redressement sera opéré uniquement sur la base des versements correspondant aux salariés qui auraient dû être inclus (ou exclus) dans le champ du régime en fonction de la nature et de la gravité des manquements.
Il est alors prévu que le redressement ainsi réduit est fixé à hauteur :
«1° D’une fois et demie ces sommes, lorsque le motif du redressement repose sur l’absence de production d’une demande de dispense ou de tout autre document ou justificatif nécessaire à l’appréciation du caractère obligatoire et collectif ;
2° De trois fois ces sommes, dans les cas autres que ceux mentionnés au 1° et lorsque le manquement à l’origine du redressement ne révèle pas une méconnaissance d’une particulière gravité des règles prises en application du sixième alinéa de l’article L. 242-1. (…)
Le montant du redressement ainsi établi par l’agent chargé du contrôle ne peut être supérieur à celui résultant de l’assujettissement de l’ensemble des contributions de l’employeur au financement du régime» (article L. 133-4-8, II du code de la sécurité sociale).
Une difficulté est que la loi ne définit ce qu’il faut entendre par «une méconnaissance d’une particulière gravité des règles prises en application du sixième alinéa de l’article L. 242-1». On observera que les fiches d’évaluations préalables des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 indiquent à cet égard que «Il pourrait en aller ainsi, par exemple, dans le cas d’une entreprise ne couvrant que les cadres dirigeants, alors même que le cadre juridique en la matière a été détaillé clairement par la circulaire ministérielle du 25 septembre 2013 et qu’il ne pouvait au cas d’espèce y avoir aucun doute sur le non-respect de la réglementation. Il en serait de même dans le cas d’un régime de retraite ne couvrant que les salariés dont les rémunérations sont supérieures à 8 fois la valeur du plafond de la sécurité sociale, cas explicitement exclu par l’article R. 242-1-1 du code de la sécurité sociale et la circulaire précitée». Mais il clair que l’interprétation de cette notion donnera lieu à des contentieux.
Par ailleurs, le mécanisme de modulation des redressements exclut certains chefs de redressement, principalement lorsque l’irrégularité trouve son origine dans la volonté d’octroyer un avantage personnel ou une discrimination, ou lorsque cette irrégularité a déjà fait l’objet d’une observation lors d’un précédent contrôle, dans la limite des cinq années civiles qui précèdent l’année où est initié le contrôle. De la même manière, est exclu du mécanisme de proportionnalité du redressement le cas où l’entreprise s’est trouvée, lors des cinq dernières années, dans une situation de travail dissimulé, d’obstacle à contrôle ou d’abus de droit (article L. 133-4-8, III du Code de la sécurité sociale).
Néanmoins, ce nouveau mécanisme conduira à la réduction de certains montants de redressement, surtout dans les cas où l’employeur n’est pas en mesure de produire les justificatifs de dispenses d’adhésion.
Auteur
Florence Duprat-Cerri, avocat counsel en droit social.
Plafonnement des redressements Urssaf en matière de retraite et prévoyance/santé – Article paru dans Les Echos Business le 6 juin 2016
A lire également
Régimes de retraite à prestations définies et directive du 16 avril 2014 : oÃ... 8 juin 2018 | CMS FL
Retraite anticipée pour inaptitude au travail : la CNAV apporte des précisions... 19 septembre 2024 | Pascaline Neymond
Réforme de l’épargne retraite : la future gloire de nos plans d’éparg... 31 octobre 2019 | CMS FL Social
Le droit à l’erreur en matière URSSAF : que va-t-il se passer à partir ... 23 décembre 2019 | CMS FL Social
Retraite et prévoyance : les apports de la circulaire ACOSS du 4 février 2014... 22 avril 2014 | CMS FL
Fusion des régimes AGIRC-ARRCO : quels impacts sur les régimes de prévoyance ... 8 janvier 2019 | CMS FL
Généralisation et extension de la portabilité des couvertures prévoyance/san... 20 février 2014 | CMS FL
Indemnités kilométriques : nul besoin que le salarié soit propriétaire du vÃ... 5 mai 2014 | CMS FL
Articles récents
- La convention d’assurance chômage est agréée
- Sécurité sociale : quelles perspectives pour 2025 ?
- L’intérêt à agir exclut la possibilité pour un syndicat professionnel de demander la régularisation de situations individuelles de salariés
- Présomption de démission en cas d’abandon de poste : les précisions du Conseil d’Etat sur le contenu de la mise en demeure
- Quel budget pour la sécurité sociale en 2025 ?
- Syntec : quelles actualités ?
- Modification du taux horaire minimum de l’allocation d’activité partielle et de l’APLD
- Congés payés acquis et accident du travail antérieurs à la loi : premier éclairage de la Cour de cassation
- Télétravail à l’étranger et possible caractérisation d’une faute grave
- La « charte IA » : un outil de contrôle et de conformité désormais incontournable