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Plateformes de mobilité : les règles du dialogue social sont précisées

Plateformes de mobilité : les règles du dialogue social sont précisées

L’ordonnance n° 2022-492 du 6 avril 2022, prise sur le fondement de l’article 2 de la loi n° 2022-139 du 7 février 2022 (1) ratifiant l’ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation et portant habilitation du Gouvernement à compléter par ordonnance les règles organisant le dialogue social avec les plateformes est publiée au JO du 7 avril 2022.

 

Pour mémoire (2), l’ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 a ainsi instauré le principe d’un dialogue social entre les plateformes et les travailleurs qui y recourent, au sein de deux secteurs d’activités : celui de la conduite d’une voiture de transport avec chauffeur et de celui des activités de livraison de marchandises au moyen d’un véhicule à deux ou trois roues, motorisé ou non.

A cette fin, elle a organisé la représentation des travailleurs indépendants des plateformes via l’organisation d’une mesure de l’audience sous la forme d’une élection nationale, sous l’égide d’un nouvel établissement public, l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE).

Habilité par la loi précitée, le Gouvernement poursuit ainsi la réforme entreprise et complète les règles organisant le dialogue social de secteur entre les plateformes de la mobilité et les travailleurs indépendants qui y recourent pour leur activité.

Les missions de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE) sont complétées et l’autonomie des travailleurs indépendants qui recourent aux plateformes de la mobilité est renforcée.

 

Renforcement de l’autonomie des travailleurs des plateformes de mobilité

L’ordonnance complète le cadre juridique existant afin de renforcer l’autonomie des travailleurs des plateformes de mobilité dans l’exercice de leur activité.

De nouvelles obligations incombent désormais aux plateformes à l’égard des travailleurs qui y recourent : l’obligation de communiquer la destination des prestations proposées (en plus des informations énumérées à l’article L. 1326-2 du Code des transports, à savoir la distance couverte par cette prestation et le prix minimal garanti) et d’accorder aux travailleurs un délai raisonnable pour choisir ou non de les accepter.

 

Elle renforce également l’indépendance des travailleurs sur les points suivants :

 

    • Elle rappelle qu’ils ont le choix leurs plages horaires d’activité et de leurs périodes d’inactivité, et qu’ils peuvent se déconnecter durant leurs plages horaires d’activité ;
    • elle interdit aux plateformes de leur imposer l’utilisation d’un matériel ou d’un équipement déterminé, sous réserve de ce qu’impose la réglementation en matière notamment de santé, de sécurité et d’environnement ;
    • elle rappelle le principe de non-exclusivité de la relation commerciale en permettant aux travailleurs de recourir simultanément à plusieurs intermédiaires de mise en relation et de commercialiser leurs prestations sans intermédiaire ;
    • elle leur garantit de pouvoir choisir librement leur itinéraire, au regard notamment des conditions de circulation, de l’itinéraire proposé par la plateforme et le cas échéant du choix du client.

 

L’exercice de ces droits ne pourra faire l’objet d’aucune mesure pénalisant les travailleurs et notamment pas conduire à la suspension ou la rupture de leur contrat commercial.

 

Représentation des organisations de plateformes

Ce texte vient parachever l’édifice concourant à la structuration d’un dialogue social au niveau des plateformes de mobilité.

L’ordonnance fixe ainsi les modalités de représentation des organisations professionnelles de plateformes au niveau de chacun des secteurs d’activités.

Au-delà des critères traditionnels de la représentativité (respect des valeurs républicaines, indépendance, transparence financière, ancienneté, influence), l’ordonnance impose une audience minimale mesurée tous les quatre ans.

Celle-ci s’apprécie à hauteur de 30 % au regard du nombre de travailleurs inscrits sur les plateformes adhérentes à l’organisation, et à hauteur de 70 % du montant total des revenus d’activités générés par les entreprises de plateformes adhérentes à l’organisation. L’audience agrégée calculée à partir de ces deux critères devra être supérieure à 8 %.

Les organisations de plateformes devront déposer leur candidature auprès de l’ARPE, qui est chargée de contrôler le respect de ces critères.

Le directeur général de l’ARPE arrêtera la liste des organisations professionnelles reconnues représentatives dans les secteurs d’activité.

Pour ce premier cycle de mesure de la représentativité, la liste des organisations de plateformes représentatives devra être arrêtée par le directeur général de l’ARPE au plus tard le 31 octobre 2022, afin que le dialogue social puisse s’engager dès la rentrée, les élections permettant de désigner les organisations représentant les travailleurs ayant lieu en mai.

Un décret déterminera le nombre de représentants que les organisations reconnues représentatives auprès des plateformes pourront désigner.

 

Organisation du dialogue social

Des accords collectifs de secteur peuvent être conclus par les représentants des organisations syndicales de travailleurs et les représentants des organisations de plateformes reconnues représentatives au niveau des plateformes de mobilité .

Ces accords peuvent déterminer au sein de chacun des secteurs concernés le champ d’application territorial et professionnel de leurs stipulations.

Par ailleurs, la validité d’un accord de secteur est subordonnée à sa signature par au moins une organisation professionnelle de plateformes et par des organisations de travailleurs représentant plus de 30 % des suffrages exprimés, et à l’absence d’’opposition d’organisations de travailleurs représentant 50 % des suffrages exprimés.

Enfin, pour garantir que les organisations de travailleurs puissent négocier de manière éclairée, l’ordonnance prévoit que les organisations professionnelles de plateformes communiquent aux organisations de travailleurs les informations nécessaires pour leur permettre de négocier en toute connaissance de cause et répondent de manière motivée à leurs éventuelles propositions.

 

Négociations annuelles obligatoires

Pour favoriser la conclusion d’accords sur des sujets d’une importance particulière pour les travailleurs et les plateformes, l’ordonnance prévoit l’obligation d’engager, au moins une fois par an, une négociation de secteur portant sur un des quatre thèmes centraux suivants :

 

    • les modalités de détermination des revenus des travailleurs ;
    • les conditions d’exercice de l’activité professionnelle des travailleurs, et notamment l’encadrement de leur temps d’activité ainsi que les effets des algorithmes et des changements les affectant sur les modalités d’accomplissement des prestations ;
    • la prévention des risques professionnels et les dommages causés à des tiers ;
    • les modalités de développement des compétences professionnelles et de sécurisation des parcours professionnels.

 

Une négociation peut également être engagée au niveau du secteur sur tout autre thème relatif aux conditions de travail et d’exercice de l’activité, notamment :

 

    • Les modalités d’échanges d’informations entre la plateforme et les travailleurs sur l’organisation de leurs relations commerciales ;
    • les modalités de contrôle par la plateforme de l’activité du travailleur indépendant et de la réalisation de la prestation lui incombant, les circonstances pouvant conduire à une rupture des relations commerciales entre la plateforme et le travailleur indépendant ainsi que les garanties dont l’intéressé bénéficie dans ce cas au regard des dispositions de l’article L. 442-1 du code de commerce ;
    • les prestations de protection sociale complémentaire entrant dans le champ des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de la sécurité sociale.

 

L’ordonnance prévoit également la possibilité de négocier des accords de méthode permettant à la négociation de s’accomplir dans des conditions de loyauté et de confiance mutuelle entre les parties.

 

Négociation des accords collectifs de secteur

Une commission de négociation est instituée par accord dans chaque secteur afin de permettre la négociation des accords sectoriels.

Un décret fixera de manière supplétive le nombre et la composition de ses collèges, le nombre de sièges et leur répartition au sein des collèges tant qu’un accord de secteur n’aura pas été homologué sur ces sujets

En cas de difficultés dans le dialogue social sectoriel, l’ARPE peut, à la demande d’au moins une organisation de travailleurs représentative, provoquer la réunion d’une commission mixte de négociation présidée par le directeur général de l’ARPE ou son représentant afin de faciliter le déroulement des négociations.

Par ailleurs, les organisations représentatives pourront recourir sous certaines conditions définies par décret, à une expertise financée par l’ARPE pour les accompagner dans les négociations des accords.

 

Application et homologation des accords collectifs de secteur

L’accord conclu s’applique aux plateformes adhérentes aux organisations signataires et à leurs travailleurs relevant des secteurs concernés.

Il s’impose aux contrats commerciaux liant les plateformes et les travailleurs du secteur concerné, sauf s’agissant des stipulations plus favorables dans les contrats commerciaux.

Il s’impose également aux engagements unilatéraux et aux chartes de responsabilité sociale que peuvent adopter les plateformes, sauf stipulations plus favorables.

Les accords valablement conclus pourront être rendus obligatoires pour toutes les plateformes et tous les travailleurs indépendants du secteur concerné, par le biais d’une homologation décidée par l’ARPE à la demande d’une organisation professionnelle de plateforme ou d’une organisation syndicale de travailleurs.

Ne pourront cependant pas être homologués les accords qui feraient l’objet de l’opposition d’organisations de plateformes dont le poids serait supérieur à 50 %.

L’ARPE peut homologuer les clauses incomplètes au regard des dispositions légales sous réserve de l’application de ces dispositions.

Elle peut également exclure de l’homologation les clauses illégales ou ne répondant pas à la situation du secteur considéré.

Enfin, l’ARPE pourra refuser l’homologation pour un motif d’intérêt général tel qu’une atteinte excessive au principe de libre concurrence.

 

Missions de l’ARPE

Le directeur général de l’ARPE est chargé de fixer la liste des organisations de plateformes reconnues représentatives, d’accompagner les représentants des travailleurs et des plateformes dans la mise en œuvre des règles de négociation collective et de rendre une décision sur l’homologation des accords de secteur.

L’ARPE a notamment pour mission d’observer les pratiques des plateformes (utilisation d’algorithmes, outils numériques et données personnelles) de conduire des enquêtes ou études relatives à ces sujets et d’ émettre des avis et préconisations.

Saisie soit par une plateforme soit par un représentant des travailleurs, l’ARPE pourra exercer une fonction de médiation en cas de litiges entre une plateforme et un ou plusieurs travailleurs, s’agissant de l’application des accords de secteur.

 

(1) Travailleurs des plateformes : l’ordonnance relative aux modalités de représentation des travailleurs des plateformes est ratifiée

(2) Vers une représentation des travailleurs de plateformes (Caroline FROGER-MICHON et Madeleine BENISTAN)