Plus-values mises en report avant le 1er janvier 2013 : peut-on bénéficier des abattements pour durée de détention ?
Le Conseil constitutionnel vient d’être saisi1 d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qui l’amènera à se prononcer sur la validité des dispositions légales excluant du bénéfice des abattements pour durée de détention les plus-values d’échange mises en report d’imposition avant le 1er janvier 2013.
Pour rappel, depuis le 1er janvier 2013, les plus-values de cession de titres réalisées par les particuliers sont imposables à l’impôt sur le revenu au barème progressif, après application d’un abattement pour durée de détention.
Par hypothèse, les plus-values mises en report d’imposition avant cette date ont été déterminées sans application du moindre abattement, puisqu’à l’époque ce type de gain était passible de l’impôt à un taux proportionnel. La loi ne prévoit l’application d’aucun correctif à cet égard lorsque ces plus-values deviennent imposables au barème progressif, alors même que les contribuables seraient en mesure de justifier de durées de détention pertinentes.
La constitutionnalité de cette situation est dès lors discutable. En effet, il peut être soutenu qu’au moment de la mise en report d’imposition de la plus-value, les contribuables pouvaient légitimement espérer être soumis à l’impôt sous le bénéfice de l’ensemble des règles applicables au jour de l’expiration du report. En outre, refuser d’appliquer les abattements aux plus-values mises en report avant le 1er janvier 2013 crée une différence de traitement avec celles qui sont mises en report à compter de cette date, ce qui pourrait à certains égards porter atteinte au principe constitutionnel d’égalité devant la loi et les charges publiques.
Une question de même nature a d’ailleurs été soumise au Conseil constitutionnel2 s’agissant du régime applicable aux compléments de prix perçus à compter du 1er janvier 2013 à raison de cessions réalisées antérieurement. Les juges constitutionnels ont sanctionné, comme contraire au principe d’égalité, la différence de traitement existante selon que le complément de prix se rapporte à des cessions intervenues avant ou après cette date.
Dans ce contexte, afin de préserver leurs droits, les contribuables ayant subi l’imposition de plus-values en report sans abattement ont tout intérêt à introduire une réclamation auprès des services fiscaux avant que le Conseil constitutionnel ne se prononce. Celui-ci peut en effet limiter la portée de ses décisions aux seules procédures en cours. La décision du Conseil est attendue avant le 10 mai 2016.
Notes
1. CE, 10 février 2016, n°394596
2 Const., 14 janvier 2016, n° 2015-515 QPC ; et l’article de Florent Ruault et Florian Burnat « Compléments de prix : la Conseil constitutionnel ouvre la voie de l’abattement pour durée de détention »
Auteurs
Philippe Gosset, avocat spécialisé en fiscalité. Il intervient en matière de fiscalité des entreprises et de groupes de sociétés
Damien Basson, avocat en droit fiscal