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Plus-values sur titres : quels prélèvements pour les épargnants ?

La fiscalité est à nouveau modifiée, mais dans un sens cette fois plus favorable.

Les épargnants qui investissent en actions ou en parts d’OPCVM (FCP ou SICAV) dans le cadre d’un PEA ou d’un contrat d’assurance-vie bénéficient d’un traitement fiscal avantageux car l’impôt (qu’il s’agisse de l’impôt sur le revenu ou des prélèvements sociaux) les frappe :

  • seulement en cas de désinvestissement (autrement dit l’épargnant peut réinvestir 100% de ses gains de cession dans ce cadre privilégié) ;
  • et pour seulement 15,5% du gain compris dans le désinvestissement lorsqu’il intervient plus de 8 ans après l’ouverture du plan ou contrat (auxquels il faut rajouter 7,5% au-delà de certaines limites annuelles, pour le contrat d’assurance-vie).

L’épargne investie « normalement », sur un compte titres hors PEA, est davantage taxée. Son évolution a beaucoup retenu l’attention, en particulier l’imposition des plus-values au barème décidée fin 2012 (ce changement concerne également les gains sur carried interest et les gains sur les titres issus de stock-option, pour la part du gain engrangée après l’exercice de l’option). Pour les redevables de la contribution supplémentaire sur les hauts revenus au taux de 4%, l’impôt total pourra ainsi atteindre 64,5% contre 43,5% avec l’imposition forfaitaire qui s’est appliquée une dernière fois aux cessions réalisées en 2012. Mais il sera possible, en pratique, d’échapper à ce taux, en particulier grâce à l’abattement pour durée de détention que la loi de finances pour 2014 a renforcé.

1. Plus-values réalisées à compter de 2013 : taxation au barème mais sous réserve d’un abattement amélioré

1.1 Un calcul complexe

Les plus-values sur titres réalisées depuis le 1er janvier 2013 sur un compte titres hors PEA restent, comme c’était déjà la règle, assujetties, l’année suivant leur réalisation, à 15,5% au titre des prélèvements sociaux (y compris pour les contribuables non soumis à l’impôt sur le revenu).

L’impôt sur le revenu qui s’y ajoute dépend désormais :

  • du taux marginal d’imposition du contribuable l’année de la cession,
  • du taux de l’abattement pour durée de détention,
  • des frais de courtage (l’abandon de la taxation forfaitaire ayant entraîné leur déductibilité),
  • enfin, du taux marginal d’imposition dont relèvent les revenus de l’année suivant celle de la cession, taux qui détermine l’impact des 5,1 points de CSG déductible que l’épargnant est en droit d’imputer sur ses revenus, mais avec un décalage d’un an.

Lorsque la cession ne donne droit à aucun abattement pour durée de détention (titres détenus depuis moins de 2 ans), on ajoute simplement l’impôt sur le revenu qui dépend du taux marginal : 5,5%, 14%, 30%, 41% ou 45%. Les contribuables qui relèvent de la tranche marginale à 45% supportent donc une imposition, prélèvements sociaux compris, de 60,5%, voire 63,5% ou 64,5% s’ils sont soumis à la contribution supplémentaire sur les hauts revenus.

A noter : la CSG déductible vient réduire les revenus de n+1 (imposés en n+2) par une économie d’impôt pouvant atteindre 2,5% de la plus-value (si la déduction de 5,1 s’impute sur des revenus taxables à 49%).

1.2 Abattement applicable en cas de cession de titres détenus depuis au moins 2 ans

Les taux d’abattement pour durée de détention prévus par la loi de finances pour 2013 entrée en vigueur à la fin de 2012 s’échelonnaient de 20% à 40%, mais le législateur les a finalement portés, à la suite de modifications apportées fin 2013 mais applicables à toutes les opérations réalisées depuis le 1er janvier 2013, à 50% en cas de cession de titres détenus depuis au moins deux ans, et à 65% pour les titres détenus depuis au moins huit ans.

Ainsi, et en négligeant l’effet CSG déductible, les contribuables redevables de l’IR au taux marginal de 45% supporteront des prélèvements de 31,25% (titres détenus depuis au moins huit ans) ou de 38% (titres détenus depuis moins de huit mais plus de deux ans). Les taux sont à majorer de 3 ou 4 points pour les titulaires de hauts revenus, l’abattement ne jouant aucun rôle sur le calcul de la contribution supplémentaire.

1.3 Principales optimisations envisageables

La fiscalité des plus-values peut se révéler très lourde, mais les contribuables peuvent tirer parti du système complexe choisi par le législateur pour éviter la taxation la plus défavorable.

L’enjeu consiste tout d’abord, tout à la fois, à rechercher l’application de l’abattement pour durée de détention (conserver les titres au moins 2 ans avant de les céder) et, pour les contribuables dont les revenus fluctuent beaucoup d’une année sur l’autre, à concentrer les cessions sur les années dont les revenus sont les plus faibles. Une difficulté surgit en cas de cession d’une partie seulement d’une ligne de titres issue d’achats successifs dont les derniers datent de moins de huit ans : comment s’applique l’abattement ?

Si les titres figurent sur un seul compte, tous les titres seront réputés porteurs du même gain (prix de revient moyen pondéré unique) et la cession sera réputée porter prioritairement sur les titres les plus anciens, ce qui est normalement la solution la plus avantageuse dès lors que la cession dégage une plus-value.

L’idéal pourrait toutefois être de détenir ses titres sur des comptes titres différents selon leur date d’acquisition. L’administration reconnaîtrait sans doute, comme elle l’a déjà admis, que la plus-value afférente aux titres détenus sur chaque compte sera fonction de leur prix d’acquisition moyen pondéré, et le contribuable pourra piloter plus avantageusement sa cession : cession de titres anciens d’au moins huit ans ou cession de titres justiciables d’un abattement moindre mais porteurs d’une plus-value plus faible eu égard à leur prix de revient.

En cas de moins-value, l’administration considère que l’abattement écorne le montant de celle-ci (pour l’impôt sur le revenu, mais pas pour les prélèvements sociaux, ni pour la contribution sur les revenus élevés). Cette particularité incitera les contribuables à se dessaisir avant deux ans des titres porteurs d’une moins-value. C’est la seule manière de se ménager l’imputation pleine de la moins-value sur les plus-values imposables des 10 années suivantes, du moins pour le calcul de l’impôt sur le revenu. Les moins-values en report pour l’impôt sur le revenu procurent aussi un avantage pour le calcul des prélèvements sociaux et de la contribution sur les revenus élevés : l’administration indique que l’exact montant de moins-value reportable consommé pour l’impôt sur le revenu vient réduire la base de calcul de ces contributions (sans recalcul pour neutraliser les abattements pour durée de détention).

1.4 Cas particulier des titres ayant donné droit à la réduction Madelin

Pour les cessions réalisées à compter du 1er janvier 2013, le prix d’acquisition des titres ayant bénéficié de la réduction d’IR-PME (CGI, art. 199 terdecies-0 A) sera diminué de l’avantage ainsi reçu, et la plus-value sera donc augmentée à due proportion. L’administration devra préciser si elle entend appliquer cette règle y compris lorsque le contribuable ne bénéficie d’aucun abattement pour durée de détention.

2. Principaux régimes d’imposition particuliers

Les régimes dérogatoires sont uniformisés, avec l’application de taux d’abattement majorés, portés à 50% lorsque la détention est comprise entre un an et moins de quatre ans, 65% lorsqu’elle est comprise entre quatre ans et moins de huit ans et 85% à partir de huit ans (les prélèvements sociaux restent dus au taux de 15,5%).

Cette règle s’applique aux cessions de titres de PME dont l’acquisition ou la souscription date d’une époque où la société était constituée depuis moins de dix ans. Les cessions réalisées en 2013 y sont également éligibles (sous réserve des cessions de JEI en 2013 qui sont exonérées).

Cette règle se substitue aussi, mais seulement à compter de 2014, aux régimes d’exonération de l’impôt sur le revenu visant les cessions de titres au sein du groupe familial et les cessions par les entrepreneurs des titres de leur PME pour partir à la retraite (ces derniers bénéficient d’un abattement complémentaire de 500 000 euros applicable avant l’abattement pour durée de détention). Cette règle permet de limiter l’impôt sur le revenu à 6,75%(1) auxquels il faut ajouter les prélèvements sociaux et la contribution sur les hauts revenus (19,5% au maximum).

3. OPCVM

Le régime d’abattement prévu pour les cessions de titres de sociétés (hors régimes particuliers visés au 2 ci-dessus) est ouvert aux cessions de parts ou actions de SICAV, FCP classiques, FCPR, FCPI, FIP, pour les organismes relevant de la directive OPCVM ou de la directive AIFM. Ils sont aussi ouverts à la distribution de plus-values par un OPCVM et à la distribution d’une fraction des actifs d’un FCPR, d’un OPCI ou d’un fonds professionnel de capital investissement (anciennement FCPR allégés), qui sont considérées comme des gains soumis aux règles d’imposition des plus-values de cession. Mais l’éligibilité suppose le respect d’une condition d’investissement de l’actif de ces organismes en titres de sociétés : un quota d’investissement de 75% en titres de sociétés, ou en droits portant sur ces titres, doit presque toujours être respecté de manière continue entre le jour de la clôture de l’exercice suivant celui de la constitution de l’organisme et l’événement déclenchant le gain pour le porteur.

L’abattement, qui est en principe la contrepartie d’une prise de risque, s’applique à plein même si l’actif de l’organisme n’est pas investi à 100% en titres de sociétés. L’investisseur doit s’assurer que l’organisme respecte la condition d’investissement. Par exception, les FCPR, FCPI, FIP et fonds professionnels de capital investissement, qui sont par nature risqués, n’ont pas à respecter ce quota d’investissement. Mais pour les autres ? Les futurs OPCVM prendront sans doute un engagement en ce sens, mais quid des OPCVM existants ? La loi prévoit que ces organismes devront respecter le quota de 75% au plus tard à la clôture du premier exercice ouvert à compter du 1er janvier 2014 (et de manière continue jusqu’à la date déclenchant le gain pour le porteur).


1. Taux marginal d’IR de 45% appliqué à une plus-value abattue de 85% (abattement pour 8 ans de détention). La CSG déductible avec décalage n’est pas prise en compte dans ce calcul.

 

A propos de l’auteur

Florent Ruault, avocat traite des impôts directs au sein du département de doctrine fiscale. En étroite relation avec les avocats du Cabinet intervenant dans ce domaine, il suit et analyse les évolutions du droit fiscal pour formuler des conseils pratiques. Il dirige la veille, participe à l’élaboration des communiqués clients et publie des chroniques dans la presse.

 

Article paru dans la revue Option Finance du 17 février 2014