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Portée de l’interdépendance des contrats

Portée de l’interdépendance des contrats

Un distributeur franchisé résilie, avant de se déclarer en état de cessation des paiements, trois contrats qu’il avait conclus pour l’exploitation de son fonds de commerce :

  • un contrat de franchise conclu avec la société tête de réseau ;
  • un contrat de location-gérance conclu avec une autre société, appartenant au groupe de sociétés de la tête de réseau ;
  • un contrat d’approvisionnement avec cette même seconde société.

Considérant que cette résiliation était causée par des comportements fautifs de ces deux sociétés, le distributeur les assigne ensemble pour demander leur condamnation au paiement de diverses sommes devant le Tribunal de commerce alors que le contrat de franchise stipulait la soumission à l’arbitrage de tout différend découlant de la formation, de la conclusion et/ou de l’exécution et/ou de l’interprétation et/ou de la cessation et/ou de la validité du contrat de franchise. La société tête de réseau se prévaut alors d’une exception d’incompétence. Retenue par le juge de première instance, cette exception d’incompétence est à nouveau discutée devant la Cour d’appel, le liquidateur judiciaire du distributeur franchisé faisant valoir que la clause compromissoire est inapplicable en cas de pluralité de contrats interdépendants contenant des clauses contraires, une clause compromissoire dans le contrat de franchise et une attribution de compétence au profit des tribunaux de Paris dans le contrat d’approvisionnement.

Rappelant le principe posé par l’article 1448 du Code de procédure civile, la Cour d’appel a jugé que :

 » l’inapplicabilité manifeste de la clause compromissoire, dont la preuve incombe au distributeur, n’est pas établie par l’interdépendance des trois contrats dont il ne peut être contesté qu’ils forment un tout économique selon la volonté des parties, mais dont il doit être remarqué qu’ils sont signés par des personnes différentes, ont un objet différent, portent sur des obligations différentes et donnent lieu à des litiges différents ; que les clauses contenues dans les contrats relatives au règlement des litiges ne sont pas incompatibles l’une avec l’autre pour rendre inapplicable, de façon manifeste, la clause compromissoire insérée dans le contrat de franchise »

(CA Paris, 30 mars 2016, n°13/21688).

L’interdépendance des contrats, clairement soulignée en l’occurrence, n’empêche donc pas, selon la cour d’appel de Paris, la mise en œuvre de la clause compromissoire. Cette décision fait l’objet d’un pourvoi : la Cour de cassation pourra donc se prononcer sur la portée de l’interdépendance des contrats.

D’ores et déjà, on peut souligner que l’argument de l’inapplicabilité manifeste de la clause compromissoire est souvent écarté par les tribunaux. Ainsi, cette exigence n’est pas remplie du seul fait qu’une partie au litige soit dans l’impossibilité de faire face au coût de l’arbitrage (Cass. 1re civ., 13 juillet 2016, n°15-19.389). De même, lorsque la clause accorde compétence à un tribunal arbitral en cas de litige entre les parties, cette clause ne peut voir son champ d’application limité aux seules actions en exécution forcée des obligations contractuelles ou en responsabilité contractuelle : elle doit s’appliquer à une action en responsabilité délictuelle fondée sur l’article 1382 du Code civil (Cass. 1re civ., 6 juillet 2016, n°15-19.521).

L’article L.341-1 du Code de commerce, issu de la loi dite « Macron » n°2015-990 du 6 août 2015, ne devrait pas conduire à une conclusion différente. En effet, si ces nouvelles dispositions consacrent la dépendance des contrats conclus entre une société tête de réseau et un exploitant pour imposer qu’ils aient, hors le bail commercial, une échéance commune et que la résiliation de l’un vaille résiliation de l’ensemble des autres contrats, cet article n’impose pas un traitement uniforme des différends pouvant survenir. En outre, cet article ne serait pas, a priori, susceptible d’être invoqué en présence de cocontractants différents dans les contrats en cause.

Auteur

Brigitte Gauclère, avocat counsel en droit commercial, de la distribution et immobilier.