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« Ecolab » versus « Kairos-Ecolab » : précisions sur la notion de position distinctive autonome et l’appréciation du risque de confusion

« Ecolab » versus « Kairos-Ecolab » : précisions sur la notion de position distinctive autonome et l’appréciation du risque de confusion

La Cour de cassation a récemment eu l’occasion de confirmer les conditions d’appréciation de la notion de position distinctive autonome et de préciser l’appréciation du risque de confusion, notion centrale en matière de contrefaçon de marques.

On sait en effet que, lorsqu’une marque identique à une marque antérieure est déposée au sein d’un groupe de mots, elle échappe à la censure de la contrefaçon si son titulaire peut démontrer l’absence de risque de confusion et le défaut de position distinctive autonome de la marque antérieure au sein de la marque contestée.

En l’espèce, une marque internationale « Ecolab » avait été déposée le 6 avril 2009 par la société éponyme. Celle-ci a fait opposition, sur le fondement de cette marque, à l’enregistrement de la marque « Kairos Ecolab », déposée le 23 novembre 2012 auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI).

L’INPI a rejeté cette demande, suivi par la Cour d’appel saisie de cette décision par la société Ecolab.

Les juges du fond ont considéré que la seule reprise de la marque « Ecolab » ne suffit pas à établir un risque de confusion dans l’esprit du public. En effet, il n’est pas démontré que la marque « Ecolab » jouit d’une renommée particulière permettant au terme « ecolab » de conserver une position distinctive autonome au sein de la marque contestée « Kairos Ecolab ». En particulier, la Cour énonce que l’attention du consommateur sera davantage portée sur le terme « kairos », placé en position d’attaque et de sonorité peu commune en langue française. Partant, selon les juges du fond, la contrefaçon de la marque « Ecolab » n’est pas avérée.

La Cour de cassation censure pourtant cette décision, donnant raison à la société Ecolab (Cass. com., 21 juin 2016, n°14-25.344). Au visa de l’article L.713-3 du Code de la propriété intellectuelle relatif à la contrefaçon de marques, elle rappelle ainsi les conditions d’appréciation de la position distinctive autonome. D’abord, la Cour énonce que, lorsque le signe contesté est composé d’une juxtaposition de la dénomination de l’entreprise et d’une marque enregistrée, même dotée d’un « pouvoir distinctif normal », il peut exister un risque de confusion dans l’esprit du public. Elle rappelle en cela une décision rendue par la Cour de justice de l’Union européenne en 2005 (CJUE, 6 octobre 2005, C-120/04, Médion), pour affirmer que la conservation de la position distinctive autonome du signe antérieur n’est pas subordonnée à la renommée de ce dernier.

Il est intéressant de souligner que cette solution a été retenue en présence d’une marque antérieure dotée d’un pouvoir distinctif normal et non d’une marque renommée. Dans ce dernier cas, la solution serait plus évidente.

En tout état de cause, cette position n’est nouvelle ni en droit de l’Union européenne, ni en droit national, puisque la cour d’appel de Paris avait notamment eu l’occasion de se prononcer sur ce point en 2012 dans une affaire impliquant la société E.on (CA Paris, 21 décembre 2012, n°2012/05489). Cette dernière avait formé opposition à l’enregistrement de la marque française « Hyundai Eon ». La Cour d’appel lui a donné raison, estimant que la marque antérieure « E.on » conservait dans le signe contesté une position distinctive autonome. La notoriété de la marque « Hyundai » ne suffisait pas à écarter le risque de confusion ainsi créé.

Ensuite, faisant là encore référence à une jurisprudence communautaire (CJUE, 8 mai 2014, C-591/12, Bimbo c/ OHMI), la Cour de cassation précise que l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion n’implique pas de rechercher si l’impression d’ensemble de la marque composée est dominée par la partie constituée de la marque antérieure. On peut alors en déduire que le risque de confusion sera caractérisé dès lors que l’élément formé par la marque antérieure ne constitue pas un ensemble indivisible avec les autres éléments.

Cet arrêt porte donc deux enseignements :

  • le critère de la position distinctive autonome ne nécessite pas de démontrer que la marque antérieure jouit d’une quelconque renommée, un « caractère distinctif normal » étant suffisant ;
  • le risque de confusion ne découle pas nécessairement de la preuve que l’impression d’ensemble produite par la marque complexe soit dominée par l’élément composé de la marque antérieure.

Finalement, les déposants retiendront de cet arrêt que le dépôt d’une marque antérieure, même non renommée, à laquelle on ajoute un autre signe, même des plus distinctifs, ne suffit pas à écarter tout risque de confusion. Cette décision appelle donc à une vigilance toute particulière dans ce domaine.

Auteurs

Anne-Laure Villedieu, avocat associée en de la propriété industrielle, droit de l’informatique, des communications électroniques et protection des données personnelles.

Clotilde Patte juriste, droit de la propriété intellectuelle