Pourquoi ne pas se transformer en société européenne

15 juin 2017
Dans l’Espace européen, on recense mi-2016 plus de 2 600 sociétés européennes (SE) dont seulement 34 en France. L’attrait de cette forme juridique reste très limité en France. Néanmoins, certains groupes français n’hésitent plus désormais à franchir le pas en identifiant de réels avantages à ce statut. C’est l’occasion de faire le point sur les motifs et la pertinence de ce choix souvent méconnu, mal apprécié et pourtant à méditer comme levier de croissance et de compétitivité.
Volonté de se donner une image européenne
Le statut de SE présente un réel intérêt lorsque l’entreprise :
- a une volonté d’expansion sur le marché européen. La forme de SE permet dans certains Etats membres de l’Union de simplifier les formalités d’ouverture de succursales. De plus, l’UE tend à valoriser le statut de SE pour répondre à un appel d’offre européen. La Commission européenne exige parfois que la société qui remporte l’appel revête ce statut ;
- veut affirmer son envergure européenne en vue de pénétrer d’autres marchés internationaux vers lesquels elle souhaite se développer (Asie notamment). La SE constitue le moyen de dynamiser l’image de l’entreprise en mettant l’accent sur sa dimension et sa culture européenne.
Renforcement des partenariats européens
En raison de sa nature supranationale, la SE est perçue comme l’outil opportun et adapté pour favoriser un rapprochement entre groupes européens de nationalité différente, par le biais de fusion transfrontalière, de holding ou de filiale commune.
La forme SE permet de ménager les susceptibilités en neutralisant la nationalité de chacun des partenaires, d’aplanir les disparités nationales en vue de la réalisation de grands projets transfrontaliers.
Le passage au statut de SE permet une simplification de l’organisation interne du groupe et de sa gouvernance en étendant cette forme à l’ensemble des filiales implantées dans les différents Etats membres.
La SE permet également une meilleure adaptabilité aux nécessités du marché en simplifiant les opérations de mobilité au sein de l’espace européen. Ainsi, sur les 34 SE immatriculées en France, 9 proviennent de SE ayant transféré leur siège en France.
Souhait de bénéficier d’une plus grande souplesse statutaire
La SE bénéficie d’une plus grande liberté statutaire que la SA française. Notamment :
- les règles de quorum et majorité des organes de la SE sont librement fixées dans les statuts ;
- la SE française non cotée peut insérer des clauses régissant les rapports entre actionnaires similaires à celles autorisées au sein des SAS françaises (inaliénabilité, exclusion, suspension des droits non pécuniaires ou sortie d’un actionnaire) ;
- une filiale d’une SE existante peut être une SE unipersonnelle.
Une représentation du personnel adaptée
La nécessité de réunir un groupe spécial de négociation, comprenant des représentants de la future SE et de l’ensemble de ses filiales, destiné à définir les modalités de l’implication des salariés (c’est-à-dire d’information et de consultation et, le cas échéant, de participation au conseil d’administration ou de surveillance) peut sembler constituer un frein à la création des SE. En réalité, c’est aussi un moyen efficace de convaincre les différents pays impliqués qu’ils retrouveront au niveau des organes de direction ou de contrôle une participation des salariés aussi importante que dans la ou les structures d’origine. De la même manière, la création d’un comité de la SE, qui viendra se substituer à l’obligation de mettre en place un comité européen si les conditions légales sont réunies, permettra de disposer d’une représentation du personnel adaptée au périmètre de la SE.
Sans ignorer les critiques soulevées par la SE et les contraintes juridiques et sociales d’une transformation en cette forme sociale, la SE constitue néanmoins un outil efficace lors d’opérations transfrontalières. En France, son plus faible engouement peut aussi s’expliquer par la possibilité d’opter pour une SA à direction moniste ou dualiste, choix qui n’est possible alors qu’en Allemagne et en Grande Bretagne que sous la forme SE.
Auteurs
Alain Herrmann, avocat associé en droit social
Chantal Jordan, avocat counsel en droit des sociétés et en droit boursier
Pourquoi ne pas se transformer en société européenne – Article paru dans Les Echos Business le 16 juin 2017
Related Posts
La nullité de la rupture conventionnelle comme condition de l’exonération fi... 12 octobre 2021 | Pascaline Neymond

Gestion sociale du Covid-19 : nos voisins ont-ils été plus créatifs ? Le cas ... 9 août 2021 | Pascaline Neymond

Portée de l’absence d’information des IRP en cas de désignation d’un man... 16 janvier 2020 | CMS FL Social

Vers une meilleure gestion des délais de consultation des instances représenta... 16 mai 2013 | CMS FL
Internet au travail : Contrôler les surfs des salariés sans déraper... 10 septembre 2013 | CMS FL

Les innovations malheureuses de la Loi El Khomri en matière de franchise... 19 juillet 2016 | CMS FL

Qui paie l’IFI en cas de démembrement de propriété ?... 25 janvier 2018 | CMS FL

ISF – Exonération de la trésorerie professionnelle en attente de réinvestis... 6 juin 2014 | CMS FL
Articles récents
- La relation de travail mise à nue ou quand l’employeur est obligé de tout dévoiler au salarié
- Exercice d’une activité réglementée : n’omettez pas de vérifier que vos salariés sont en possession des diplômes nécessaires !
- Stop the clock : l’impératif de compétitivité reprend le dessus sur les obligations des entreprises en matière de durabilité
- Activité partielle de longue durée rebond : le décret est publié
- Quand le CSE stoppe le déploiement de l’IA
- A l’approche du mois de mai, comment gérer les ponts et les jours fériés ?
- Refus d’une modification du contrat de travail pour motif économique : attention à la rédaction de la lettre de licenciement !
- Statut de cadre dirigeant – attention aux abus !
- Licenciement pour insuffisance professionnelle d’un salarié protégé : le Conseil d’Etat remplace l’obligation préalable de reclassement par une obligation d’adaptation
- Contrat d’engagement et offre raisonnable d’emploi : précisions sur le « salaire attendu »