Pouvoirs du bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes : quelle réponse aux demandes du salarié tendant à la communication de pièces détenues par l’employeur ?
10 décembre 2021
Les salariés qui saisissent le conseil de prud’hommes sollicitent aujourd’hui de plus en plus du bureau de conciliation et d’orientation (BCO) qu’il prenne davantage ses responsabilités et les initiatives utiles pour contraindre leur employeur à leur transmettre des documents qu’ils ne possèdent pas, et qu’ils estiment nécessaires, soit à leur défense, soit pour présenter des demandes (rappels de salaire pour heures supplémentaires, rappel de salaire pour inégalité de traitement, caractérisation d’une discrimination …) qu’ils ne sont pas en mesure de soutenir en l’absence de possession des éléments détenus par l’employeur.
Il appartient dès lors aux employeurs de se préparer en amont à ce type de demandes, et de définir et présenter une argumentation juridique leur permettant, autant que possible, d’échapper à l’obligation de remettre au salarié – le cas échéant sous astreinte – des documents dont la sensibilité et la confidentialité de certains est souvent à souligner.
La jurisprudence des BCO est assez fluctuante en ce domaine et, comme bien souvent, l’issue des demandes provisionnelles présentées par les salariés dépendra de la personnalité des conseillers qui sont amenés à siéger à ces audiences.
La décision rendue par le BCO du conseil de prud’hommes de Lille le 18 novembre 2021 (RG n°F21/00197), tout à fait favorable à l’entreprise qui était assignée par l’un de ses cadres, est à cet égard à saluer.
Dans l’affaire ayant conduit à cette décision, le cabinet CMS Francis Lefebvre Avocats représentait l’entreprise contre un salarié cadre sollicitant du BCO qu’il condamne ladite entreprise à lui remettre, en application et sur le fondement de l’article R 1454-14 du Code du travail :
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- d’une part, les bulletins de paie des mois de décembre de 2015 à 2020 pour l’ensemble des rédacteurs adjoints de l’entreprise,
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- d’autre part, l’intégralité des documents composant l’enquête (pour harcèlement moral) menée par un cabinet extérieur, étant précisé que le salarié s’est vu notifier son licenciement en considération du harcèlement moral dont il a été considéré comme étant l’auteur.
Le BCO du conseil de prud’hommes de Lille, aux termes de la décision précitée du 18 novembre 2021, a débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes provisionnelles.
Il s’est appuyé pour ce faire, notamment, sur les articles :
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- 6 du Code de procédure civile : « A l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder ».
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- 9 du Code de procédure civile : « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».
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- 146 du Code de procédure civile : « Une mesure d’instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l’allègue ne dispose pas d’éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve ».
Au visa de ces dispositions légales, ainsi que des articles R 1454-14 et R 1454-15 du Code du travail, le BCO a estimé que les fiches de paie et les documents composant l’enquête menée par le cabinet extérieur n’étant pas des documents que l’employeur était tenu de délivrer légalement, le Conseil des prud’hommes, n’avait pas à se substituer aux parties dans la mise en état de leur dossier au fond et dans l’appréciation des pièces devant concourir au succès de leurs prétentions respectives.
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