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Précision du cadre juridique de l’appel d’offres en énergie

Précision du cadre juridique de l’appel d’offres en énergie

La multiplication depuis le début des années 2000 des appels d’offres en énergie, notamment en électricité, a fait émerger une série de décisions qui viennent préciser le cadre juridique de cette procédure.

Plusieurs décisions confirment ainsi la spécificité de la procédure d’appel d’offres prévue par le Code de l’énergie, au regard du droit de la commande publique, tandis que d’autres décisions concernent la teneur du contrôle du juge sur la notation des offres des candidats, ou encore la question de la communication des documents d’appel d’offres.

Absence de soumission de la procédure d’appel d’offres du Code de l’énergie au droit de la commande publique

Une jurisprudence constante se dessine sur l’absence de soumission de l’appel d’offres de l’ancien article L.311-10 du Code de l’énergie au droit de la commande publique. Cette jurisprudence peut sans doute être étendue aux procédures avec mise en concurrence introduites dans le Code de l’énergie par l’ordonnance n°2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables.

En juillet 2011, à l’occasion du lancement de l’appel d’offres pour l’éolien en mer, le ministre de l’Économie et des Finances avait annoncé que les contrats y afférant ne relevaient pas du droit de la commande publique, mais étaient soumis à une procédure d’attribution spécifique, transparente et non discriminatoire (réponse ministérielle n°101275 : JOAN Q 5 juillet 2011). L’avis publié au Journal officiel de l’Union européenne indiquait que cet appel d’offres était un marché de travaux, conception et exécution au sens des directives européennes et qu’il relevait de la nomenclature CPV sous le code « produits pétroliers, combustibles électricité et autres sources d’énergie ». Il était également précisé qu’il s’agissait d’un appel d’offres au sens de l’article 8 de la directive 2009/72 du 13 juillet 2009 et enfin qu’il était couvert par l’accord sur les marchés publics adopté sous l’égide de l’Organisation mondiale du commerce. Or, la qualification de marché public aurait supposé que le marché soit passé pour répondre aux besoins du pouvoir adjudicateur : tel n’est pas le cas des appels d’offres passés sur le fondement de l’ancien article L.311-10 du Code de l’énergie.

Par une ordonnance de référé du 17 juin 2014, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a jugé qu’un référé précontractuel contre une décision de la ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie d’attribuer un lot éolien en mer, prise après avis de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) était irrecevable (TA Cergy, ord., 17 juin 2014, n°1404907, Société WPD offshore). Cette décision portait sur l’attribution d’une autorisation d’installations éoliennes de production d’électricité en mer dans le cadre de l’appel d’offres éolien en mer de 2013. Parmi les moyens retenus par le Tribunal pour conclure à l’irrecevabilité de la requête en référé précontractuel, celui tiré du fait que le dispositif d’appel à la concurrence prévu par la directive 2009/72 du 13 juillet 2009 et les anciens articles L.311-10 à L.311-13 du Code de l’énergie conduisait la ministre à délivrer au candidat une autorisation d’exploiter une installation, qui était une décision administrative unilatérale, et non à signer un contrat administratif au sens des articles L.551-1 et L.551-13 du Code de justice administrative, excluant par la même cette décision de l’office du juge du référé précontractuel et contractuel.

Cette spécificité de la procédure d’appel d’offres en énergie vient d’être confirmée par la cour administrative d’appel de Bordeaux qui a jugé que le Code des marchés publics n’était pas applicable à un appel d’offres portant sur des installations éoliennes terrestres de production d’électricité et entrant dans le champ d’application du Code de l’énergie (CAA Bordeaux, 18 octobre 2016, n°16BX00728).

Appréciation par le juge de la notation des offres des candidats

Fin décembre 2015, le juge du tribunal administratif de Rennes a précisé que le ministre chargé de l’Energie est libre, dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres encadrée par le Code de l’énergie, de hiérarchiser et de pondérer les différents critères de sélection (TA Rennes, 17 décembre 2015, n°1301372 et 1304960, Société Nass & Wind Offshore). Le même jour, le juge du tribunal administratif de Rennes a jugé que le ministre étant libre de déterminer la note affectée à chaque critère, il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir suffisamment pris en compte le critère de protection de l’environnement afin de sélectionner les offres (TA Rennes, 17 décembre 2015, n°1302477, Association Gardez les caps).

L’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 18 octobre 2016 est aussi remarquable du point de vue du contrôle du juge, puisque celui-ci a dû apprécier la notation des offres remises dans le cadre de l’appel d’offres. Si la Cour a conclu que certaines notes étaient entachées d’une erreur manifeste d’appréciation, elle a considéré qu’il ressortait du rapport d’analyse des offres établi par le régulateur que les erreurs d’appréciation, compte tenu du classement et de la notation de la société requérante, n’avaient fait perdre à cette dernière aucune chance sérieuse d’être retenue comme lauréate de l’appel d’offres. La Cour d’appel a ainsi annulé la condamnation de l’Etat par le tribunal administratif de la Guadeloupe.

Ce faisant, le juge administratif contribue à préciser les contours du contrôle opéré par le juge administratif en matière d’appels d’offres régis par le Code de l’énergie.

Communication des documents des appels d’offres prévus par le Code de l’énergie

La Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) applique, de prime abord, des règles identiques à celles retenues pour les marchés publics. Cependant les documents relatifs aux appels d’offres prévus par le Code de l’énergie sont systématiquement considérés comme comportant des informations relatives à l’environnement.

Ainsi, au début de l’été 2016, la CADA s’est prononcée sur une demande de communication d’un avis défavorable rendu par le service en charge de la prévention des risques sur une offre déposée dans le cadre d’un appel d’offres portant sur la réalisation et l’exploitation d’installations de production d’électricité à partir de l’énergie solaire. La CADA a d’abord rappelé que les appréciations des offres des entreprises non retenues à une procédure d’appel d’offres, qui ne sont communicables qu’à celles-ci, sont en principe considérées comme préparatoires et sont exclues provisoirement du droit à communication aussi longtemps que le contrat n’est pas signé ou que la procédure n’a pas été abandonnée (avis n°20161841 du 7 juillet 2016). Elle a néanmoins indiqué qu’il existe, sur le fondement des articles L.124-1 et L.124-3 du Code de l’environnement, un droit pour toute personne d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues, reçues ou établies par l’Administration et que ce droit s’exerce dans les conditions définies par le Code des relations entre le public et l’Administration. Sur ce fondement, la CADA a émis un avis favorable à la communication de l’avis rendu par le service de la prévention des risques sur l’offre déposée par le candidat.

Quelques mois auparavant, la même Commission avait eu l’occasion de se prononcer sur la communication à un candidat évincé de l’appel d’offres éolien en mer de 2013 de l’entier dossier de candidature du lauréat de l’appel d’offres : après avoir rappelé que le droit de communication s’exerce dans le respect du secret en matière industrielle et commerciale, elle avait estimé que « l’offre de prix détaillée de l’entreprise retenue est en principe communicable dans la mesure où elle fait partie intégrante du marché ou du contrat. En revanche, le détail technique et financier des offres des entreprises non retenues n’est pas communicable » (avis n°20145107 du 5 février 2015). La CADA avait ensuite rappelé que les informations disponibles au titre de ces appels d’offres sont qualifiables d’informations relatives à l’environnement conformément aux dispositions des articles L.124-2 et suivants du Code de l’environnement, « eu égard aux incidences que de telles installations sont susceptibles de comporter pour des éléments tels que les paysages et les sites naturels, […] ou, le cas échéant, au voisinage de ces installations, pour les conditions de vie des personnes ». La CADA a donc émis un avis favorable à la demande de communication, position confirmée par le tribunal administratif de Paris (TA Paris, 7 avril 2016, n°1506999, WPD Offshore), face au refus implicite de communication, persistant, de la ministre de l’Ecologie et du Développement durable. Le tribunal administratif de Paris a de plus enjoint à la Commission de régulation de l’énergie (CRE) de communiquer lesdits documents. Enfin, le jugement du tribunal administratif de Paris n’a pas été remis en cause par le Conseil d’Etat, le pourvoi du lauréat de l’appel d’offres ayant été jugé irrecevable (CE, 22 juillet 2016, n°399919, WPD Offshore).

Auteur

Aurore-Emmanuelle Rubio, avocat en droit de l’énergie et droit public.