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Précision sur le caractère concentratif d’une entreprise commune existante

Source : Cour de justice de l'Union européenne

La CJUE a récemment jugé que le passage d’un contrôle exclusif à un contrôle conjoint d’une entreprise ne remplissant pas les critères d’une entreprise commune de plein exercice ne constituait pas une concentration au sens du règlement 139/2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (ci-après le Règlement).

La question préjudicielle avait été posée par une cour autrichienne saisie d’un recours contre une décision par laquelle le Tribunal de la concurrence s’était déclaré incompétent pour examiner une opération au motif que celle-ci était de dimension européenne.

En l’espèce, il s’agissait de l’acquisition par une société commune détenue par Teerag Asdag (TA) et Austria Asphalt (AA) d’une centrale de mixage d’asphalte détenue jusqu’alors par TA. Ainsi, à l’issue de cette opération, la centrale dont la majeure partie de la production était destinée à ses mères, passait d’un contrôle exclusif à un contrôle conjoint.

Pour rappel, au titre des paragraphes 3 et 4 de l’article 3 du Règlement :

  • une concentration est réputée réalisée lorsqu’un changement durable du contrôle résulte d’une fusion de deux ou plusieurs entreprises ou d’une acquisition d’entreprise ;
  • constitue également une concentration la création d’une entreprise commune accomplissant de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome (ou « entreprise commune de plein exercice »).

La notion de « création d’une entreprise commune » n’ayant pas été clarifiée, la CJUE a été saisie du point de savoir si le passage d’un contrôle exclusif à un contrôle conjoint d’une entreprise existante relevait de l’article 3 du Règlement à la seule condition que cette entreprise commune soit de plein exercice.

La CJUE commence par constater que l’article 3 du Règlement ne permet pas de répondre à la question et qu’il faut donc interpréter la réglementation à la lumière de sa finalité et son économie générale.

S’agissant tout d’abord de la finalité du texte, la CJUE relève que si la prise de contrôle conjoint d’une société existante constituait toujours une concentration sans vérifier si cette société a les caractéristiques d’une entreprise de plein exercice, cela conduirait à une différence de traitement injustifiée.

En effet, les entreprises communes nouvellement créées ne constitueraient une concentration qu’à la condition d’être de plein exercice tandis que les entreprises préexistantes relèveraient toujours de l’article 3, qu’elles soient ou non de plein exercice.

Ensuite, la CJUE considère que la position selon laquelle le changement du contrôle d’une entreprise, qui d’exclusif devient conjoint, relèverait de la notion de concentration même lorsque cette dernière n’est pas de plein exercice, élargirait le champ d’application du contrôle préventif prévu par le Règlement. En effet, une telle position conduirait à examiner de manière préventive des opérations n’étant pas susceptibles d’avoir un effet sur la structure du marché.

La Cour de justice a donc répondu affirmativement à la question posée en considérant que la société commune devait être de plein exercice pour que sa prise de contrôle conjoint constitue une concentration au sens de l’article 3 du Règlement. En l’espèce, cela signifie que l’opération notifiée en Autriche n’était pas une concentration au sens du Règlement.

La solution retenue par la CJUE aboutit donc à un régime identique à toutes les entreprises communes qui peut être résumé comme suit : une entreprise commune n’est susceptible de constituer une concentration qu’à la condition d’être de plein exercice, qu’il s’agisse d’une entreprise existante ou d’une entreprise nouvellement créée.

CJUE, 7 septembre 2017, aff. C-248/16

 

Auteur

Marine Bonnier, avocat, droit de la concurrence et droit de la distribution